Lors de son audience publique de ce 19 octobre 2016, la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.
En l’espèce, une ordonnance de non-conciliation avait désigné une avocate, en qualité de professionnel qualifié, en vue de dresser un inventaire estimatif des patrimoines et revenus de deux époux en instance de divorce et de faire des propositions quant au règlement de leurs intérêts pécuniaires. Cette désignation avait été confirmée en novembre 2010 par la cour d’appel de Bourges, laquelle, statuant en juillet 2015 sur le fond, avait rejeté l’exception de nullité du rapport de l’avocate. Dans son pourvoi en cassation, l’époux avait soutenu que la profession d’avocat est incompatible avec celle d’expert judiciaire et que le défaut de prestation de serment de l’expert constituait une irrégularité de fond justifiant la nullité de l’expertise.
Les deux arrêts ont été confirmés sur ce premier point par la première chambre civile de la Cour de cassation :
« L’article 115 du décret nº 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat, n’interdit pas la désignation d’un avocat en qualité de professionnel qualifié, au sens de l’article 255, 9º, du code civil, dès lors que l’exercice de ces fonctions, confiées par un juge, ne caractérise pas celui d’une profession […].
« L’arrêt énonce exactement que le défaut de prestation de serment d’un expert, qui ne figure pas au nombre des irrégularités de fond énumérées à l’article 117 du code de procédure civile, constitue un vice de forme dont la nullité, aux termes de l’article 114, dernier alinéa, du même code, ne peut être prononcée qu’à charge, pour celui qui l’invoque, de prouver le grief que lui cause l’irrégularité. »
L’époux faisait également grief à l’arrêt de juillet 2015 d’avoir rejeté sa demande en révocation pour ingratitude de la donation d’un terrain consentie à son épouse. L’arrêt a été confirmé sur ce deuxième point par la Cour de cassation :
« Selon l’article 955 du code civil, la révocation d’un acte de donation pour ingratitude ne peut être prononcée que pour des faits commis à l’encontre du donateur ; […] l’arrêt relève que [l’épouse] a été condamnée pour complicité d’escroquerie au préjudice de la société [dirigée par son mari] ; […] il en résulte que ce délit n’était pas de nature à constituer l’une des causes de révocation prévues à ce texte. »
L’époux a toutefois eu gain de cause sur ce point par un autre moyen :
« Vu l’article 214 du code civil et l’article 1096 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 ;
« Attendu que, pour dire que la donation, consentie par [l’époux] à [l’épouse], [d’un] immeuble […], ne peut être révoquée, l’arrêt retient que l’épouse a participé volontairement et gratuitement à l’activité de la société […] dirigée par son mari, et que, dans ces conditions, le fait pour celui-ci de payer, en lieu et place de son épouse, la part qui lui incombe dans le prix d’acquisition de l’immeuble constituant le domicile conjugal, ne peut s’analyser comme une donation ;
« Qu’en se déterminant ainsi, sans constater que la participation de l’épouse avait excédé son obligation de contribuer aux charges du mariage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
L’épouse a de son côté obtenu gain de cause pour sa demande de prestation compensatoire :
« Vu les articles 270 et 271 du code civil ;
« Attendu que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire, l’arrêt retient que s’il existe une importante disparité entre les situations financières des parties, celle-ci préexistait au mariage et s’est maintenue par la suite malgré l’union ;
« Qu’en statuant ainsi, en se fondant sur des circonstances antérieures au mariage, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 19 octobre 2016
Nº de pourvoi : 15-25879
Arrêt archivé au format PDF (113 Ko, 6 p.).
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