Observations présentées par l’Union syndicale des magistrats dans le cadre de la mission d’information de la commission des lois du Sénat sur le redressement de la justice

Union syndicale des magistrats

L’Union syndicale des magistrats est le syndicat le plus représentatif des magistrats de l’ordre judiciaire (72,5 % des voix aux élections au Conseil supérieur de la magistrature en 2014).

Elle s’interdit tout engagement politique et a pour objet d’assurer l’indépendance de la fonction judiciaire, garantie essentielle des droits et libertés du citoyen, de défendre les intérêts moraux et matériels des magistrats de l’ordre judiciaire et de contribuer au progrès du droit et des institutions judiciaires, afin de promouvoir une justice accessible, efficace et humaine.

L’USM a fait le choix de répondre point par point aux questions que la mission a souhaité lui poser.

I Comment améliorer les capacités de gestion et d’évaluation au sein du ministère de la Justice ainsi que la conception et le pilotage des réformes judiciaires ?

Sortir de l’archaïsme des outils statistiques et informatiques

A Statistiques peu fiables

L’outil statistique n’est pas fiable.

L’ensemble des juridictions ne quantifie pas de manière uniforme les charges de travail.

Exemple : dans certains cabinets de juges des enfants, le nombre de dossiers est fonction du nombre de familles suivies, dans d’autres, il est fonction du nombre de mineurs suivis.

En fonction des jonctions ou disjonctions, les chiffres varient et ne permettent pas une évaluation précise des charges, notamment en matière de droit social et pour les litiges sériels.

Bien souvent, l’enregistrement des dossiers civils n’est pas fait correctement au niveau des tribunaux et des cours car les fonctionnaires en charge de ce service ne maîtrisent pas toujours la qualification juridique de l’action pour la classer dans la bonne rubrique. L’évaluation du volume d’affaires par contentieux est par conséquent faussée, de même que celui des besoins pour le traiter.

Autre exemple, l’applicatif APPI consacré à l’application des peines ne permet pas l’extraction de données statistiques complètes et exhaustives nécessaires pour l’élaboration des rapports annuels d’activité.

Pourtant, le groupe de travail sur l’application des peines constitué en 2011 dans les suites de l’affaire de Pornic avait établi des tableaux statistiques ayant vocation à intégrer APPI dès 2012 pour éviter que les services d’application des peines soient contraints de renseigner manuellement ces tableaux. Il en résulte une perte de temps et d’énergie pour les services qui doivent collecter les données non renseignées et un risque d’erreurs dans l’établissement des statistiques et des indicateurs de performance.

Il faudrait faire un audit sur tout l’appareil statistique du ministère, avec des contrôles concrets dans des juridictions.

Certains cours commencent à recruter des statisticiens (par exemple le SAR de Paris). Ce peut être une piste intéressante pour développer des outils de pilotage locaux vraiment performants et utiles.

Par ailleurs, l’outil statistique doit être utilisé pour l’évaluation des besoins en tenant compte des contingences locales. Or les réalités des juridictions sont très peu prises en compte pour en estimer les besoins.

Par exemple, dans certaines juridictions outre mer (comme Cayenne), il faut rajouter dans le temps de traitement d’un dossier pénal l’interprétariat systématique à l’audience.

Autre exemple, dans un département comme l’Aisne, la pauvreté très forte induit un contentieux JAF, JE, TI nettement supérieur à ce qu’on pourrait attendre dompte tenu du nombre d’habitants du ressort. Cette donnée n’est pas ou est insuffisamment prise en compte.

B Nouvelles technologies, informatique

Matériel obsolète et applications inadaptées

Il est impératif d’associer les magistrats et les fonctionnaires des cours et tribunaux au choix des matériels et à l’élaboration des logiciels et applications pour éviter les choix inadéquats voire catastrophiques (exemple récent des smartphones dédiés à la permanence des parquets mais inutilisables).

Le matériel utilisé pour les nouvelles technologies est souvent choisi à l’économie. Il est de ce fait sous-utilisé car peu performant.

Exemples :

  • Les visioconférences. Si on veut développer la visioconférence de manière raisonnable, il faut une bonne qualité de transmission, ce qui n’est généralement pas le cas. Les salles d’audience doivent être équipées avec un matériel qui permet à chaque intervenant d’avoir un écran, de ne pas crier dans le micro, etc.
  • Le marché SOLIMP portant sur les imprimantes, dont l’offre peut convenir pour une administration centrale mais qui est inadaptée aux juridictions où l’on a besoin de la fonction agrafage, d’un deuxième bac pour imprimer des masses d’AR, etc., ce qui n’est pas prévu sur un certain nombre de modèles qui sont pourtant inclus dans le marché et imposés aux services en fonction uniquement du nombre de copies faites.
  • L’absence de tout matériel informatique adapté dans les salles d’audience (écrans inclinés par exemple) quand celles-ci sont équipées, ce qui est loin d’être le cas partout, empêche clairement le développement de l’utilisation des procédures numérisées.

Les applications

Le temps d’élaboration des outils informatiques est beaucoup trop long : qu’il s’agisse de Portalis (annoncé sur huit à dix ans d’élaboration) ou de la PNIJ (plate-forme des interceptions judiciaires).

Le projet Portalis doit permettre de remédier aux insuffisances criantes des applications actuelles, notamment en matière civile, mais il est nécessaire pour éviter la reproductions de ces insuffisances d’associer à l’élaboration des logiciels des magistrats des chambres civiles des TGI et cours d’appel, des juges et conseillers de la mise en état.

Exemples de dysfonctionnements :

L’application WINCI (civil) n’est pas toujours adaptée aux besoins, loin s’en faut. Des difficultés et insuffisances sont préjudiciables à son efficacité tant au stade de la mise en état que de la préparation de l’audience, de l’audience elle-même et de la rédaction des décisions.

Il est impossible de transmettre sur le RPVJ de pièces jointes de plus de 4 mégaoctets, ce qui signifie que la copie numérisée des procédures correctionnelles ne peut être envoyée que sur CD aux avocats.

La formation des magistrats et des fonctionnaires sur l’application et sur les utilitaires permettant un gain d’efficacité du travail sur support dématérialisé doit être systématiquement organisée et requiert des formateurs compétents, ce qui n’est pas toujours le cas.

La formation initiale doit privilégier l’apprentissage de méthodes de travail sur ces supports. La formation continue doit être prise en compte dans la charge de travail.

La réflexion doit impérativement et prioritairement porter sur la qualité des outils informatiques qui sont mis à disposition des magistrats et fonctionnaires et sur l’ergonomie des postes de travail.

Il convient également de réfléchir sur la répartition des missions et attributions entre le greffe et les magistrats dans la perspective d’une gestion intelligente et utile des dossiers.

II Comment améliorer l’organisation et le fonctionnement des juridictions de première instance et des cours d’appel ?

Deux questions se posent, l’organisation interne des juridictions et l’organisation territoriale, c’est-à-dire la carte judiciaire.

A L’organisation interne

L’USM n’est pas favorable à une juridiction unifiée absorbant les actuels TGI et TI. Elle est en désaccord avec le modèle préconisé par le groupe de travail présidé par D. Marshall sur les juridictions du XXIe siècle, c’est-à-dire un tribunal de première instance situé au niveau départemental et regroupant, dans sa conception la moins ambitieuse, les actuels tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance.

L’USM est par contre favorable à l’organisation des juridictions par pôles, ce qui permet une spécialisation des juges, une efficacité, une sûreté et une rapidité plus grandes dans la prise de décision. Cette organisation se retrouve déjà d’ailleurs actuellement dans beaucoup de TGI et est appelée à se développer puisqu’elle a été entérinée par un décret du 26 avril 2016.

1 La fusion des TGI et TI dans une juridiction unifiée, le TPI

Le principal argument invoqué pour justifier cette évolution, à savoir l’illisibilité de l’architecture judiciaire actuelle pour nos concitoyens, doit être relativisé. La faiblesse du contentieux sur les compétences respectives des TGI et TI démontre que la coexistence de ces deux juridictions ne pose pas de réelles difficultés.

Les autres avantages invoqués sont :

  • une gouvernance unique,
  • la mutualisation des effectifs des magistrats et fonctionnaires permettant au chef de juridiction de les utiliser au mieux sans se heurter à la rigidité des textes actuels limitant les délégations,
  • la spécialisation des magistrats avec une organisation par pôles du TPI, permettant une meilleure compétence et une plus grande rapidité dans le traitement des contentieux.

L’USM se positionne pour le maintien de deux juridictions autonomes pour les raisons suivantes :

  • le tribunal d’instance est bien ancré dans le terroir français et constitue une véritable justice de proximité avec un savoir-faire et une expérience des juges d’instance qu’il convient de préserver,
  • les citoyens sont attachés à cette justice de proximité,
  • la mutualisation des moyens invoqués pour justifier le TPI, qui repose sur le postulat qu’il existe encore des sureffectifs dans certains services, est un leurre dans la mesure où l’ensemble des juridictions est sinistré sur le plan des effectifs aussi bien en magistrats qu’en fonctionnaires,
  • la création d’un TPI départemental avec le maintien des sites judiciaires dans les TGI et les TI porte atteinte au principe de l’inamovibilité des juges qui est la garantie de leur indépendance juridictionnelle. Ceux-ci pourraient en effet être affectés au gré du chef de juridiction dans des sites situés parfois à plus de 100 km du chef-lieu du département,
  • les blessures de la carte judiciaire ne sont pas refermées et il convient de marquer une pause avant de bouleverser à nouveau le paysage judiciaire.

L’USM est favorable à une dualité de juridiction :

  • une juridiction spécialisée pour les contentieux importants et complexes,
  • une juridiction de proximité pour les affaires de la vie quotidienne.

Cette organisation duale se retrouve dans de nombreux pays en Europe et correspond à un besoin des citoyens.

Malgré la pénurie des effectifs et le renforcement de leur charge, les tribunaux d’instance sont les juridictions qui fonctionnent le mieux (cf. Les chiffres clé pour la justice 2015, durée moyenne des affaires devant les TGI : 6,9 mois, devant les TI : 3,6). Il s’agit de la juridiction de proximité par excellence. Les magistrats et les fonctionnaires qui y exercent ont acquis un véritable savoir-faire et une culture particulière au service d’une justice proche du justiciable.

L’USM est favorable non seulement au maintien mais à un renforcement des compétences de cette juridiction. Outre ces contentieux actuels (baux d’habitation, litiges de voisinage, crédit à la consommation, tutelle des majeurs), il lui parait cohérent que lui soient confiés les tutelles des mineurs qui nécessitent un traitement de proximité et le contentieux de l’exécution mobilière.

L’USM est opposée au transfert du tribunal de police au TGI, prévu dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle. Elle estime que les contraventions, infractions de faible gravité, doivent être jugées au tribunal le plus proche du domicile du contrevenant et doivent demeurer de la compétence du tribunal d’instance.

Les transferts de compétences opérées supposent de renforcer les effectifs et l’autonomie des actuels tribunaux d’instance. La contribution d’un juge d’instance à l’activité des TGI devrait être précédée de l’avis du magistrat en charge de l’administration du TI et de l’avis de l’assemblée générale de cette juridiction. On constate trop souvent en effet que les services du TGI confiés aux juges d’instance ne tiennent pas suffisamment compte de la charge de travail au sein des TI de sorte que beaucoup de juges d’instance connaissent une surcharge de travail importante.

2 L’organisation des TGI et cours d’appel en services, chambres et pôles

Le décret nº 2016-514 du 26 avril 2016 relatif à l’organisation judiciaire, aux modes alternatifs de résolution des litiges et à la déontologie des juges consulaires a remanié l’organisation des TGI en chambres et services, un service pouvant regrouper plusieurs chambres. Lorsque le TGI comporte plusieurs chambres et services, ceux-ci peuvent être regroupés en pôles. Chaque pôle est coordonné par un premier vice-président ou un premier vice-président adjoint, ou à défaut un magistrat du pôle, désigné par le président du TGI.

L’USM considère néanmoins que ces modalités de nomination doivent être modifiées afin de rendre plus efficace la gestion des juridictions et d’améliorer le déroulement de carrière des juges.

Les postes de coordination des pôles devraient être exercés par les premiers vice-présidents, éventuellement spécialisés, créés par la loi organique du 9 [sic, lire : 8] août 2016. Ils devraient faire l’objet de profils de poste diffusés par la DSJ, ce qui permettrait aux magistrats de candidater en fonction de leurs parcours et appétences et à la DSJ et au CSM de choisir en fonction des compétences acquises par rapport au poste à pourvoir.

Le même décret prévoit que les chambres des cours d’appel peuvent être regroupées en pôles. Chaque pôle est coordonné par l’un des magistrats qui le composent, choisi par le premier président parmi les magistrats nommés dans la fonction de président de chambre ou, à défaut, parmi les autres magistrats.

L’USM préconise que ces fonctions soient confiées aux premiers présidents de chambre nouvellement créés avec un profilage de poste comme en première instance.

B L’organisation territoriale ou carte judiciaire

1 Les TGI

L’USM est en désaccord avec le modèle préconisé par le groupe de travail présidé par D. Marshall sur les juridictions du XXIe siècle, c’est-à-dire un tribunal de première instance situé au niveau départemental et regroupant, dans sa conception la moins ambitieuse, les actuels tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance. Ce modèle est d’ailleurs déjà obsolète à l’heure où le département vole en éclat comme structure administrative.

Lors de la concertation de pure façade menée dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, l’USM avait préconisé une approche pragmatique s’articulant autour de deux axes de réflexion :

  • la notion de taille efficiente de juridiction, en observant que la taille optimale d’un tribunal de grande instance devait être réfléchie pour envisager, pour l’essentiel, des juridictions de taille moyenne. En effet les petites juridictions, dont la qualité d’accueil des justiciables et les délais de traitement sont satisfaisants, connaissent des difficultés récurrentes de fonctionnement compte tenu du nombre restreint de magistrats et de l’incompatibilité d’exercice de certaines fonctions entre elles. Inversement, les juridictions très importantes connaissent des retards conséquents et entraînent un fonctionnement déshumanisé dans lequel le justiciable se sent perdu. Par ailleurs, un réel travail de réflexion aurait dû conduire non seulement à des suppressions mais aussi à des redécoupages de ressorts judiciaires en fonction notamment de la carte administrative et à la création de juridictions là où elles étaient utiles.

L’USM regrette que les travaux menés au sein des groupes de travail missionnés par la garde des Sceaux de l’époque ne se soient pas davantage intéressés à cette notion de taille efficiente de juridiction.

L’USM suggère, comme elle l’avait fait au sein des groupes que soient étudiés, par groupes de juridictions, le nombre d’affaires nouvelles, le nombre d’affaires en cours, la durée moyenne de traitement des affaires, les taux de confirmation et d’infirmation des décisions, pour essayer de déterminer les critères optimaux de fonctionnement des juridictions. Rien de tout cela n’a été étudié jusqu’à présent.

Le critère retenu par le rapport Marshall, à savoir celui des effectifs existants, consacre la situation actuelle sans s’interroger sur les besoins réels des juridictions qui sont exsangues.

L’USM souhaite que la réflexion s’oriente vers la détermination de la taille maximale qu’une juridiction ne doit pas dépasser pour conserver un maximum d’efficience. Les travaux pourraient être utilement axés en direction des juridictions de Bobigny, Créteil, Pontoise et Nanterre. L’hypothèse de la création d’un nouveau tribunal entre Bobigny, Pontoise et Meaux devrait être sérieusement étudiée. Cette liste n’est pas exhaustive et devrait évidemment être complétée par l’étude des autres ressorts.

2 Les cours d’appel

Le souci de cohérence de la carte judiciaire avec la carte administrative qui gouverne les administrations partenaires conduit à envisager le rattachement des départements qui dépendent d’une cour d’appel située hors de leur région administrative à la cour située dans le ressort de cette région (exemple de la Vendée située dans la région des Pays de Loire et rattachée à la cour d’appel de Poitiers, ou de l’Yonne située dans la région Bourgogne-Franche-Comté et rattachée à la cour d’appel de Paris).

L’USM considère qu’il doit y avoir au moins une cour d’appel par région administrative. L’autorité judiciaire doit en effet demeurer présente et visible au sein de chaque région et le justiciable doit pouvoir obtenir une décision du second degré de juridiction sans devoir aller plaider dans une région voisine.

S’agissant des cours d’appel de trop grande dimension, les cours de Versailles et Paris pourraient être utilement recentrées sur l’Île-de-France en perdant Chartres, Auxerre et Sens, le TGI d’Évry pourrait être rattaché à la cour de Versailles.

Des réflexions dans le même sens doivent être menées en ce qui concerne la région Auvergne-Rhône-Alpes et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Lorsque plusieurs cours d’appel coexistent à l’intérieur d’une même région administrative, l’USM n’est pas systématiquement favorable au principe du maintien d’une seule cour. Elle pense qu’il convient d’approfondir la notion de taille efficiente de juridiction par une étude comparée du nombre des affaires nouvelles, du nombre des affaires en cours et de leur durée moyenne de traitement, en classant les cours par groupes en fonction de leur taille. Elle suggère également de retenir un critère de qualité des décisions rendues, à savoir le taux de cassation. Il n’existe pas de raisons pertinentes de supprimer des cours d’appel dont l’activité est suffisante, dont la qualité des décisions ne souffrent pas de critiques et qui rendent des services reconnus à la population.

III Comment recentrer le juge sur son office ?

Les positions de l’USM sont les suivantes :

Le divorce par consentement mutuel par acte d’avocats prévu par le projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle : l’USM y est opposée en présence d’enfants mineurs.

Le transfert de l’enregistrement et de la dissolution des PACS à l’officier d’état civil prévu par le projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle : l’USM l’a préconisé et y est favorable.

Les commissions administratives : le projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit une habilitation du Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, pour prendre par ordonnances les mesures tendant :

  • d’une part, à supprimer la participation des magistrats de l’ordre judiciaire, des membres du Conseil d’État et des membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel aux commissions administratives lorsque leur présence n’est pas indispensable au regard des droits ou des libertés en cause,
  • d’autre part, à modifier, le cas échéant, la composition de ces commissions pour tirer les conséquences de cette suppression.

L’USM regrette qu’il faille encore attendre pour mettre en œuvre cette proposition consensuelle du rapport déposé en décembre 2013 sur « Le juge du 21ème siècle ».

La médiation obligatoire pour la modification des décisions fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale : le projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit une expérimentation pendant trois ans. L’USM déplore que les expérimentations menées à Bordeaux et Amiens n’aient pas fait l’objet d’une évaluation communiquée à l’ensemble des acteurs et aux organisations syndicales. Sous cette réserve, elle est favorable à la méthode utilisée.

L’établissement des procurations de vote : l’USM est favorable à leur transfert aux préfectures, à la police et à la gendarmerie.

La tenue des warrants agricoles : l’USM est favorable à leur transfert à l’administration compétente en matière de registres relatifs aux suretés immobilières.

Rectification des actes de l’état civil : l’USM considère que ces rectifications pourraient être décidées, sauf contestations, par le procureur de la République.

L’appel : l’USM n’est pas favorable à l’appel voie de réformation tel qu’il est proposé dans le rapport sur « Le juge du 21ème siècle », en raison des difficultés pratiques et des incidences néfastes qu’il induit pour le justiciable.

Contentieux pénal

En matière de coordination des transports, de consommation, d’urbanisme, de commerce, une réflexion est nécessaire afin de « dépénaliser » les infractions les moins graves.

En matière d’abandon de famille : la sanction pénale pourrait être ciblée à l’encontre de ceux qui font obstacle au recouvrement de la pension par les organismes dédiés (CAF).

En matière d’usage de stupéfiants : l’USM estime qu’il s’agit là d’un débat de société, mettant en jeu non seulement des considérations juridiques mais aussi de santé publique.

En matière de contentieux routier, l’USM estime que plusieurs pistes sont envisageables.

  • La « contraventionnalisation » de certains délits (conduite sans permis, défaut d’assurance) permettraient de recourir à la forfaitisation sous réserve que les dispositions nécessaires soient enfin adoptées pour les contraventions de 5e classe.
  • La forfaitisation de certains délits (conduite sans permis, défaut d’assurance), retenue dans le projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle, est également une piste intéressante. Elle permettra une sanction de ces faits qui serait similaire à celle actuellement prononcée en composition pénale ou ordonnance pénale. Elle permettra à l’autorité judiciaire de ne traiter que les contestations.

L’USM rappelle en outre l’intérêt de la transaction. Elle regrette que le dispositif de l’article 41-1-1 du code de procédure pénale soit finalement très lourd à mettre en place et que ce texte ait été voté sans réel débat en 2014. Elle a suggéré qu’en matière de contentieux routier, un dispositif de transaction, semblable à ce qui existe en matière environnementale, par exemple, puisse être mis en place, sur le seul accord du procureur de la République.

IV Comment financer l’aide juridictionnelle et maîtriser les frais de justice ?

A L’aide juridictionnelle

L’aide juridictionnelle totale ou partielle représente le volet principal de la politique d’accès au droit et à la justice.

Les grands axes de la réforme proposée pour 2016 étaient ainsi annoncés :

  1. instauration d’un nouveau barème unifiant le socle des différentes aides juridiques,
  2. revalorisation de l’unité de valeur à 24,20 € HT au lieu de 22,50 € HT, 30 € dans les négociations actuelles,
  3. suppression de la modulation géographique actuelle de l’unité de valeur,
  4. contractualisation entre les juridictions et les barreaux permettant une rétribution complémentaire des avocats, selon des principes déterminés dans un décret en Conseil d’État,
  5. relèvement du plafond de ressources d’accès à l’aide juridictionnelle totale pour le porter à 1000 € (au lieu de 941 €) et relèvement, à due proportion, du plafond de l’aide juridictionnelle partielle, ce qui a été fait,
  6. rétribution de l’avocat et du médiateur en cas d’injonction de rencontrer un médiateur ou d’homologation d’un accord par le juge afin de développer le recours aux modes de règlements alternatifs des litiges.

Dans le PLF 2016, les sources de financement de l’aide juridictionnelle avaient été diversifiées pour faire face à des besoins en hausse du fait notamment de l’évolution du droit européen.

La réforme, d’un coût de 25 M€ en 2016 et 50 M€ en année pleine, devait être financée par la poursuite de la diversification du financement :

  • 10 M€ par le relèvement de la taxe sur les actes d’huissier (+10 M€ supplémentaires en 2017),
  • 10 M€ par le relèvement de la taxe sur les contrats d’assurances de protection juridique (+10 M€ supplémentaires en 2017),
  • 5 M€ pour 2016 (et 10 M€ pour 2017) par une affectation prioritaire des produits financiers des fonds, effets et valeurs déposés sur les comptes CARPA, étant observé que ces fonds sont pour l’essentiel ceux reçus par les avocats pour le compte de leurs clients.

Sur ce dernier point, il ressort des documents relatifs au PLF 2016 que « les produits financiers des placements des CARPA sont estimés à environ 40 millions d’euros par an. Les produits du seul barreau de Paris se sont élevés à 26 millions d’euros en 2014. D’après l’Union nationale des CARPA, le solde cumulé des 130 CARPA oscille, depuis plusieurs années, entre 2,7 et 3 milliards d’euros. »

L’USM a pris acte du renoncement de la garde des Sceaux à ce dernier mode de financement à la suite du mouvement de protestation initié par les avocats qui a perturbé le fonctionnement des juridictions.

La question du financement de la réforme demeure donc entière.

L’état des finances publiques conduit à chercher d’autres solutions qu’une augmentation significative du budget de l’AJ.

L’assurance de protection juridique (APJ) est une piste intéressante.

Toutefois, il ne peut être indéfiniment recouru à un relèvement de la taxe sur ces contrats. Les réflexions menées dans le cadre du groupe de travail sur « Le juge du 21ème siècle » sont intéressantes et l’USM s’est associée aux propositions faites sur ce point.

40 % des ménages français détiennent une assurance de protection juridique. Une généralisation de l’assurance protection juridique pourrait consister dans la proposition faite par les assureurs d’intégrer dans les contrats multirisques habitation détenus par plus de 90 % des ménages une proposition de couverture des litiges relevant du divorce, du droit social au sens large, ainsi que des infractions pénales sauf celles qui ne peuvent être assurées car intentionnelles.

Le développement de l’assurance protection juridique permettrait également d’alléger les charges d’aide juridictionnelle dans le contentieux des baux d’habitation, en matière d’assistance éducative ou de contentieux pénal des mineurs.

L’USM préconise que les bureaux d’aide juridictionnelle puissent accéder à un fichier centralisé de tous les contrats d’assurance en cours concernant la protection juridique afin de rendre plus efficace l’application de la règle de subsidiarité de l’AJ. Elle a suggéré également qu’il soit fait obligation aux assureurs d’adresser chaque année à leurs assurés une attestation précisant l’étendue des garanties souscrites.

L’affectation d’une partie du produit des amendes pourrait également constituer une source de financement intéressante.

Il est envisagé la création d’une taxe sur les actes juridiques qui ne constitue peut-être pas la solution la plus opportune à un moment où le contexte économique ralentit les transactions.

B Les frais de justice

La marge de manœuvre pour la réduction des frais de justice devient extrêmement étroite tant les efforts effectués depuis plusieurs années ont permis de réduire autant qu’il est possible ces dépenses.

Cependant, l’utilité de certaines expertises obligatoires en matière pénale pourrait utilement être interrogée. Diminuer le nombre d’expertises obligatoires permettrait d’économiser des frais de justice et de recentrer les experts sur les cas dans lesquels leur intervention apporte une réelle plus-value pour la juridiction.

V Comment désengorger les juridictions pénales et améliorer l’efficacité de la chaîne pénale, l’exécution des décisions de justice en matière pénale et l’applications des peines ?

Réformer la procédure d’assises

Il convient de tirer les conséquences de la procédure d’appel à laquelle les moyens nécessaires n’ont jamais été consacrés. En outre, la pratique de la correctionnalisation est critiquable : appliquée généralement sans consignes claires, variable d’une juridiction à une autre, d’une période à une autre…

L’USM demande de modifier le jugement des crimes en première instance avec l’instauration d’un tribunal criminel départemental.

Voir note du 14 mars 2016.

Droit de la peine

L’USM demande depuis plusieurs années une simplification et une clarification des dispositions relatives à l’exécution et à l’application des peines.

Elle réclame ainsi un véritable code qui regrouperait les règles actuellement éparses au sein du code de procédure pénale et d’autres textes comme la loi pénitentiaire.

Ce travail serait aussi l’occasion d’harmoniser les règles applicables, la rédaction des textes, etc.

Droit des mineurs

Le projet de loi sur la modernisation de la justice du XXIe siècle modifie les dispositions de l’ordonnance de 1945 sur des points importants :

  • suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs,
  • possibilité de cumuler une mesure éducative et une sanction pénale,
  • introduction de la césure dans le procès entre la déclaration de culpabilité et la décision pour prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel du 8 juillet 2011 qui a profondément modifié l’organisation du travail des juge des enfants.

Ces dispositions doivent cependant s’inscrire dans une réflexion plus vaste que l’USM appelle de ses vœux.

En conclusion, l’USM réitère son invitation à tous les parlementaires à visiter les juridictions de leur circonscription. Ils y découvriront de manière tout à fait concrète les multiples difficultés rencontrées sur le terrain, quelle que soit la taille de la juridiction.


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