Loi du 2 mars sur le harcèlement scolaire : un début mais peut mieux faire

Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance

Juristes pour l’enfance

Juristes pour l’enfance salue la volonté affichée par le Parlement de lutter contre le harcèlement scolaire qui frappe environ un million d’élèves, soit 6 à 10 % des élèves. Un quart des collégiens, parmi lesquels une majorité de jeunes filles, seraient victimes de cyberharcèlement [1].

Pour lutter contre ce fléau, le Parlement a adopté le 2 mars 2022 [2] une loi visant à combattre le harcèlement scolaire, comprenant un volet répressif pénal et un volet préventif éducatif.

Volet répressif

Le nouvel article 222-33-2-3 du code pénal crée un délit spécifique de harcèlement scolaire commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement. La qualification de harcèlement scolaire est également encourue si les faits de harcèlement se poursuivent alors que l’auteur ou la victime n’étudie plus ou n’exerce plus au sein de l’établissement.

Les faits constitutifs du harcèlement sont des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la personne harcelée se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale. La répétition peut être le fait d’un auteur ou de plusieurs auteurs agissant de manière concertée ou non mais qui savent que leur action collective caractérise une répétition [3].

Les peines prévues sont élevées : elles vont de trois à dix ans d’emprisonnement et de 45 000 à 150 000 euros d’amende selon les effets produits par le harcèlement sur la victime.

Lorsque le harcèlement a été commis via internet, l’outil d’accès (smartphone, tablette, ordinateur) peut être saisi et confisqué [4].

Volet préventif

Ce volet répressif s’accompagne d’un volet préventif éducatif prévu par le code de l’éducation : projet d’école ou d’établissement prévoyant des mesures spécifiques, création de liens avec des associations visant à lutter contre le harcèlement scolaire ou à en soutenir les victimes, formation de toutes les personnes susceptibles d’intervenir sur des faits de harcèlement, information des élèves et parents d’élèves sur les risques, détection des faits de harcèlement lors des visites médicales, recrutement d’assistants d’éducation, etc.

Les manqués de la loi

Juristes pour l’enfance regrette que l’Assemblée nationale ait supprimé les dispositions de bon sens adoptées par le Sénat pour permettre aux parents de protéger leurs enfants, parmi lesquelles :

  • l’octroi d’une dérogation à la carte scolaire afin de pouvoir inscrire l’enfant dans un établissement d’un autre secteur ou d’une autre commune,
  • la possibilité d’instruire l’enfant en famille en cours d’année y compris si le directeur de l’établissement scolaire ne reconnaît pas l’existence du harcèlement,
  • l’admission du harcèlement comme motif d’accès à la formation à distance du CNED réglementé.

Ces mesures peuvent parfois seules permettre de mettre un enfant à l’abri. À titre d’exemple, la crainte des sanctions pénales sera sans effet sur les mineurs de treize ans, et pourtant l’on sait que 12 % des élèves en primaire sont harcelés, dont 5 % de manière sévère [5].

Les réseaux sociaux en cause

Quant à la lutte contre le cyberharcèlement, et compte-tenu des effets néfastes des réseaux sociaux sur les jeunes régulièrement dénoncés [6], il serait bon de commencer à s’interroger sur les limites d’âge à poser pour leur utilisation. On sait que l’exigence du consentement parental pour l’inscription d’un mineur de quinze ans sur un réseau social [7] n’est pas respectée et on constate par ailleurs que l’interdiction de l’utilisation d’un téléphone portable au primaire et au collège [8] n’est pas suffisante pour lutter contre le cyberharcèlement. Voilà un sujet dont devrait s’emparer le prochain gouvernement.

Retrouvez l’analyse plus complète de la loi par Olivia Sarton sur le site du Village de la Justice.

Notes
  1. « L’essentiel sur… la mission d’information harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter », Sénat, 22 septembre 2021.
  2. Loi nº 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire (Journal officiel de la République française, nº 52, 3 mars 2022, texte nº 5).
  3. Article 222-33-2-2 du code pénal.
  4. Article 131-21 du code pénal.
  5. Mélot (Colette), Rapport d’information [nº 843], fait au nom de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, Paris, Sénat, 22 septembre 2021.
  6. « TikTok : une coalition d’États américains lance une enquête sur les effets du réseau social sur la santé mentale des enfants », France info, 3 mars 2022 ; Grably (Raphaël), « Santé mentale : les adolescentes françaises parmi les plus touchées par les méfaits d’Instagram », BFM Business, 30 septembre 2021.
  7. Article 20 de la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.
  8. Article L511-5 du code de l’éducation.

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