Siégeant à la High Court of Justice (Family Division), le juge Stephen Cobb a donné raison aujourd’hui à un père qui demandait le retour immédiat en Inde de son fils de cinq ans, enlevé en Angleterre par la mère. Nonobstant certaines particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche, cette chronique pourrait aussi intéresser certains de nos lecteurs.
Contexte (§§ 3-15)
En l’espèce, un couple de ressortissants indiens, mariés en décembre 2007, était venu vivre en Angleterre en mars 2008. Un garçon était né de leur union en 2016. La famille était retournée vivre en Inde deux ans plus tard. Les parents s’étaient séparés en avril 2021, la mère alléguant que le père était économiquement, physiquement et psychologiquement violent, le père alléguant que la mère était mentalement instable, physiquement violente envers leur fils et qu’elle le dressait contre lui et sa famille.
Le père avait engagé une procédure de protection de l’enfance au mois de juin suivant, en demandant la garde de son fils. La mère s’était enfuie en Angleterre avec l’enfant la veille de l’audience fixée en juillet. Placés en quarantaine dans un hôtel pendant deux semaines, la mère et l’enfant avaient ensuite emménagé dans un logement temporaire et avaient été pris en charge par les services sociaux. Le père avait entretemps saisi la High Court of Justice (Family Division) pour demander le retour immédiat de son fils en Inde. Des mesures d’urgence avaient rapidement été prises, notamment une demande de rapports d’expertise et des contacts par WhatsApp entre l’enfant et son père quatre fois par semaine.
Les rapports d’expertise
Le rapport réalisé par les services sociaux anglais a notamment relevé que l’enfant est très affecté par le conflit de ses parents et qu’il est étroitement attaché à sa mère, qui répond à ses besoins physiques et psychologiques (§§ 16-19).
La célèbre avocate indienne Pinky Anand avait par ailleurs rédigé un rapport pour expliquer le contexte procédural local (§ 26) :
- la procédure indienne en matière de protection de l’enfance est similaire à celle des juridictions anglaises ;
- une demande de retour immédiat est régie par l’intérêt supérieur de l’enfant ; la procédure peut prendre environ trois ans mais peut être accélérée ;
- la mère peut demander une ordonnance de protection contre les violences familiales et a droit à l’aide juridictionnelle.
Dispositions législatives applicables (§§ 34-38)
Le juge Stephen Cobb s’est appuyé sur l’autorité de la jurisprudence applicable en l’espèce, notamment Re J (A Child) (Child Returned Abroad: Convention Rights) [2005] UKHL 40 et Re NY (A Child) [2019] UKSC 49. Il en ressort que l’examen d’une demande de retour immédiat d’un enfant vers un pays n’ayant pas signé la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants – c’est le cas de l’Inde – est déterminé par l’intérêt supérieur de l’enfant et doit tenir compte de tous les aspects du bien-être de l’enfant. Les circonstances particulières de l’espèce doivent être prises en considération, un facteur important étant la nature du lien de l’enfant avec chaque pays. S’il existe un différend entre les parents sur le sujet, il convient aussi de déterminer si l’affaire peut être jugée par les tribunaux du pays dans lequel l’enfant doit être renvoyé.
Décision (§§ 49-59)
Le juge Stephen Cobb a estimé qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être renvoyé immédiatement en Inde et que son avenir soit déterminé par les juridictions locales (§ 49). L’enfant y bénéficie en effet d’un important réseau familial et d’une bonne éducation, sa culture et sa religion y sont profondément enracinées (§ 50). Le rétablissement du contact avec son père est également dans son intérêt supérieur puisqu’il a été établi que son père lui manque (§ 44).
La situation présente de l’enfant en Angleterre est par ailleurs instable, sans logement permanent, scolarité ni sécurité financière, et avec un soutien familial limité (§ 53). Le juge Stephen Cobb a estimé que le départ de la mère pour l’Angleterre avait été principalement motivé par son souhait d’éviter de s’engager dans la procédure pendante devant les juridictions indiennes (§ 55).
Le père s’étant engagé à mettre en œuvre des mesures de protection pour l’enfant et sa mère (§§ 27-33), le juge Stephen Cobb a ordonné le retour de l’enfant en Inde.
- Références
- High Court of Justice (England and Wales)
Date : 27 août 2021
Décision : J v J (Return to Non-Hague Convention Country) [2021] EWHC 2412 (Fam)
Jugement archivé au format PDF (227 Ko, 16 p.).
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