Applicable depuis le 17 août 2015, le règlement (UE) nº 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, a créé le certificat successoral européen, qui permet aux administrateurs d’une succession, exécuteurs testamentaires, héritiers et légataires de prouver dans tout État membre de l’Union européenne (sauf le Danemark et l’Irlande) leur qualité et exercer leurs droits ou pouvoirs (attribution à leur profit d’un ou plusieurs biens déterminés faisant partie d’une succession, détermination de la quote-part leur revenant dans une succession, etc.). La Cour de justice de l’Union européenne a eu l’occasion de donner aujourd’hui d’utiles précisions sur la validité de ce certificat en répondant à l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême d’Autriche) qui l’avait interrogée l’année dernière sur ce sujet. Cette chronique pourra intéresser nos lecteurs confrontés à des procédures internationales en matière de succession.
En l’espèce, un père était décédé en Espagne en mai 2017, laissant un fils et une fille pour lui succéder. Un notaire espagnol avait entrepris le règlement de la succession conformément au droit espagnol. La fille avait demandé audit notaire de lui délivrer une copie certifiée d’un certificat successoral européen afin que son frère et elle-même puissent prouver leur qualité d’héritiers et obtenir la restitution d’une somme d’argent et de titres mis en dépôt judiciaire par une banque autrichienne. Le document délivré à la fille précisait que son frère était bénéficiaire de la moitié de l’héritage concerné mais mentionnait une durée de validité illimitée, alors que les dispositions de l’article 70 du règlement (UE) nº 650/2012 du 4 juillet 2012 prévoient qu’une copie certifiée conforme de certificat successoral européen a une durée de validité de six mois.
La demande en restitution des héritiers avait été rejetée par les juridictions autrichiennes, en première instance par le Bezirksgericht Bregenz (tribunal de district de Brégence) puis en appel par le Landesgericht Feldkirch (tribunal régional de Feldkirch). L’affaire avait alors été portée devant l’Oberster Gerichtshof, laquelle avait décidé de surseoir à statuer et de poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne :
« 1) L’article 70, paragraphe 3, du règlement nº 650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’une copie du certificat délivrée, au mépris de cette disposition, sans indication de date d’expiration, pour une durée illimitée,
« – est valable et produit des effets pour une durée illimitée, ou
« – n’est valable que pour une durée de six mois à compter de la date de délivrance de la copie certifiée conforme, ou
« – n’est valable que pour une durée de six mois à compter d’une autre date, ou
« – n’est pas valable et n’est pas susceptible d’être utilisée aux fins visées à l’article 63 du règlement nº 650/2012 ?« 2) L’article 65, paragraphe 1, du règlement nº 650/2012, lu conjointement avec l’article 69, paragraphe 3, de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que le certificat produit ses effets pour toutes les personnes qui y sont nommément citées en tant qu’héritier, légataire, exécuteur testamentaire ou administrateur de la succession, de telle sorte que celles-ci peuvent utiliser le certificat conformément à l’article 63 du règlement nº 650/2012 même si elles n’en ont pas demandé elles-mêmes la délivrance ?
« 3) L’article 69 du règlement nº 650/2012, lu conjointement avec l’article 70, paragraphe 3, de ce règlement, doit-il être interprété en ce sens que l’authentification résultant de la copie certifiée conforme d’un certificat successoral doit être reconnue si ladite copie était encore valable lorsqu’elle a été présentée la première fois, mais que sa durée de validité a expiré avant que l’autorité administrative ne prenne la décision sollicitée, ou si, en revanche, ladite disposition ne s’oppose pas à une règle du droit national en vertu de laquelle ce certificat doit également être valable à la date de la décision ? »
La Cour de justice de l’Union européenne a répondu ainsi aux première et troisième questions :
« 33. […] Si la validité de la copie certifiée conforme du certificat successoral européen était exigée à la date de l’adoption, par l’autorité devant laquelle cette copie est produite, de la décision sollicitée, ou encore pendant la procédure judiciaire la concernant, et non pas à la date de la présentation de la demande, une telle exigence risquerait de porter atteinte aux droits des héritiers et des autres ayants droit à la succession, lesquels, n’exerçant aucune influence sur la durée de la procédure aboutissant à cette décision, devraient, le cas échéant, demander et présenter, à plusieurs reprises, une telle copie.
« 34. […] Cette interprétation engendrerait des retards, des démarches et des efforts supplémentaires, tant pour les intéressés à la succession que pour les autorités chargées de celle-ci, et serait contraire à l’objectif poursuivi par le règlement nº 650/2012 […].
[…]
« 37. […] Une copie certifiée conforme du certificat successoral européen, portant la mention “durée illimitée”, est valable pour une durée de six mois à partir de la date de sa délivrance et produit ses effets […] si elle était valable lors de sa présentation initiale à l’autorité compétente. »
Et sur la deuxième question :
« 42. […] En vertu de l’article 70, paragraphe 1, [du règlement nº 650/2012], l’autorité émettrice, qui conserve l’original du certificat, délivre une ou plusieurs copies certifiées conformes au demandeur et à toute personne justifiant d’un intérêt légitime. Il s’ensuit qu’une obligation imposant que la personne qui se prévaut de la copie certifiée conforme d’un certificat successoral européen soit impérativement celle qui a demandé le certificat initialement serait contraire au libellé même de l’article 70, paragraphe 1, dudit règlement.
[…]
« 45. […] Le certificat successoral européen produit des effets à l’égard de toutes les personnes qui y sont nommément citées, même si elles n’en ont pas demandé elles-mêmes la délivrance. »
- Références
- Cour de justice de l’Union européenne
Sixième chambre
1er juillet 2021
Affaire nº C-301/20 (UE et HC contre Vorarlberger Landes- und Hypotheken-Bank AG)
Arrêt archivé (texte original allemand et traduction française officielle) au format PDF (1.76 Mo, 20 p.).
Conclusions de l’avocat général archivées (texte original espagnol et traduction française officielle) au format PDF (1.43 Mo, 28 p.).
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