Joly (Patrice), question orale nº 1513 au ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports sur la situation de la médecine scolaire dans la Nièvre et l’ensemble du territoire [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 6 S (Q), 11 février 2021, pp. 844-845].
M. Patrice Joly attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports sur la situation de la médecine scolaire, sur l’ensemble du territoire et en particulier dans le département de la Nièvre.
De nombreuses études ont souligné qu’un repérage précoce des éventuels troubles de santé pouvant affecter les apprentissages est essentiel pour la réussite du parcours scolaire des jeunes enfants.
La loi nº 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance prévoit ainsi une visite médicale pour tous les enfants entre 3 et 4 ans, au début de la scolarité en école maternelle, à partir de la rentrée scolaire 2020. Le code de l’éducation (art. L. 121-4-1), modifié à cet effet, en définit les modalités concrètes.
Or, on observe depuis plusieurs mois que la baisse continue des effectifs de médecins et d’infirmiers ne permet plus à la médecine scolaire d’assurer ses missions. Il y aurait aujourd’hui moins de 1 000 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves environ. Ainsi, dans la Nièvre, sur sept postes de médecins deux seulement sont pourvus. Il manque donc quatre médecins sur le terrain et le médecin conseiller technique de la directrice académique des services de l’éducation nationale.
Les raisons peuvent être multiples : peu connue des étudiants en médecine, insuffisamment valorisée, la profession pèche aussi par une rémunération peu attractive, la plus faible chez les médecins de la fonction publique.
Aujourd’hui, ce manque est lourd de conséquences : à la fois sur la santé des agents, confrontés à des tâches qu’ils n’assument qu’au prix d’un travail au-delà de leurs capacités et qui les affecte psychologiquement mais surtout sur le suivi médical des élèves. Malheureusement, le médecin est souvent avec l’infirmière les seuls contacts des enfants avec le monde médical et ce sont nos élèves qui paient aujourd’hui le prix de ce manque et plus spécifiquement les élèves issus de milieux défavorisés, qui ont déjà des difficultés à consulter les médecins de ville.
Dans ces conditions, il souhaiterait obtenir de M. le ministre de l’éducation nationale un état des lieux chiffré de la médecine scolaire, à l’échelle nationale et départementale (nombre de postes existants, nombre de postes effectivement pourvus, nombre de postes créés à l’année, taux d’encadrement, etc.). Il souhaiterait qu’il lui indique quelles dispositions il a prises et compte prendre pour doter l’éducation nationale des capacités et des personnels en nombre suffisant pour assurer partout l’ensemble des tâches qui reviennent à la médecine scolaire et sous quels délais.
Réponse du secrétariat d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de l’Éducation prioritaire, lors de la séance publique du 13 avril 2021.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question nº 1513, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Patrice Joly. Aujourd’hui, notre système de santé scolaire vidé de ses moyens est à bout de souffle et n’est pas en mesure d’assurer à nos élèves des soins suffisants et satisfaisants.
Pourtant, nous savons qu’un repérage précoce des éventuels troubles de santé est essentiel pour la réussite du parcours scolaire des jeunes enfants. La loi pour une école de la confiance a d’ailleurs prévu, dès la rentrée scolaire 2020, un parcours de santé pour tous les enfants de leur naissance à 6 ans. Sur le terrain, avec la baisse continue des effectifs de médecins et d’infirmiers, ces objectifs ne sont pas atteints.
Selon le Syndicat national des médecins scolaires et universitaires, un médecin scolaire s’occupe en moyenne de 10 500 élèves, ce qui correspond à un taux d’encadrement très éloigné de la moyenne recommandée – un médecin pour 5 000 élèves –, dont la pertinence n’est pas contestable.
La situation est plus grave dans certains départements. Ainsi, dans la Nièvre, département que je représente, sur sept postes de médecins seulement deux sont pourvus. Il manque donc cinq médecins, notamment le médecin conseiller technique auprès de la directrice académique des services de l’éducation nationale.
Ce manque a des conséquences lourdes non seulement sur la santé des agents, confrontés à des tâches qu’ils n’assument qu’au prix d’un travail au-delà de leurs capacités, mais surtout sur le suivi médical des élèves. Actuellement, seuls 17 % des enfants de 3 à 4 ans bénéficient d’un examen pour dépister d’éventuels troubles de la vision, de l’audition ou des apprentissages.
Les médecins de ville, qui sont déjà en sous-effectifs et surchargés dans bien des territoires, se retrouvent malgré eux à devoir pallier ce manque.
Plus largement, l’absence d’une médecine scolaire compromet le nécessaire travail de prévention sur la drogue, les maladies sexuellement transmissibles, la contraception, la nutrition ou encore le harcèlement. En effet, le médecin scolaire est souvent avec l’infirmière le seul contact des enfants avec le monde médical et ce sont nos élèves, plus spécifiquement les élèves issus de milieux défavorisés, qui ont déjà des difficultés à consulter des médecins de ville, qui paient aujourd’hui le prix de ce manque.
Aussi, une politique volontariste doit être mise en œuvre rapidement pour renforcer la médecine scolaire de façon uniforme sur l’ensemble du territoire.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous me fournir un état des lieux chiffré de la médecine scolaire, à l’échelle nationale et départementale, m’indiquer les mesures envisagées pour doter l’éducation nationale des capacités et des personnels en nombre suffisant ainsi que les délais de mise en place de ces mesures ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur, nous sommes conscients des difficultés rencontrées et pleinement mobilisés pour développer l’attractivité de la médecine scolaire et de la profession de médecin scolaire. Différentes mesures ont été prises en ce sens.
Soulignons tout d’abord la création de la formation spécialisée transversale de médecine scolaire. Cette surspécialité médicale pour les pédiatres, les généralistes et les médecins de santé publique donne aux étudiants une meilleure connaissance de la profession de médecin scolaire et devrait à terme favoriser le recrutement. Dans la même perspective, des stages de formation de six mois à destination des internes leur sont proposés.
Des efforts ont également été réalisés pour doter les médecins scolaires d’outils professionnels numériques plus performants : le déploiement depuis deux ans de l’application professionnelle Esculape, le dossier médical numérique de l’élève, illustre les évolutions des pratiques professionnelles.
La rémunération des médecins de l’éducation nationale, qui est une question essentielle, car elle a bien sûr, nous le savons, un effet non négligeable sur l’attractivité de la profession, fait l’objet de travaux dans le cadre de l’agenda social et, plus généralement, dans la perspective de la revalorisation des métiers de l’éducation nationale.
J’en viens aux moyens consacrés à la santé scolaire. Aujourd’hui, il existe 1 370 postes de médecins à l’échelon national, seuls 67 % d’entre eux étant pourvus. Les mesures que j’ai évoquées permettront, à n’en pas douter, d’en pourvoir davantage dans les prochaines années. Pour les personnels infirmiers, à l’échelon national, 7 776 postes sont implantés en académie, 99,6 % d’entre eux étant pourvus, ce qui permet de couvrir l’ensemble des établissements scolaires.
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.
M. Patrice Joly. Il est urgent d’agir, à la fois pour les élèves, bien sûr, pour les personnels médicaux, évidemment, mais aussi pour préserver l’équilibre financier de la sécurité sociale, une politique de prévention étant le meilleur investissement pour l’avenir. Une telle politique permettrait en outre de réaliser des économies en termes de soins médicaux ensuite.
Mise à jour du 14 avril 2021
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 37 S (C.R.), 14 avril 2021, pp. 3102-3103] au format PDF (384 Ko, 3 p.).