Questions sur la résidence alternée

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 10 S (Q), 11 mars 2021

Conway-Mouret (Hélène), question écrite nº 21365 au ministre de la Justice sur la résidence alternée en demi-semaine [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 10 S (Q), 11 mars 2021, p. 1546].

Hélène Conway-Mouret (© D.R.)

Hélène Conway-Mouret (© D.R.)

Mme Hélène Conway-Mouret attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la résidence alternée en demi-semaine, dite 2-2/5-5.

Elle rappelle que la résidence alternée a été considérée comme meilleure pour la stabilité quotidienne de l’enfant qu’un droit de visite élargi (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, nº 07-12.116). Il est en effet fréquent que les parents mettent en place, au moment du divorce, un droit de visite (DVH) élargi permettant aux jeunes enfants de conserver la résidence habituelle chez la mère. Or, d’après la Cour de cassation, ce rythme peut s’avérer être une « source d’instabilité au quotidien » pour l’enfant, obligé de changer fréquemment de lieu de résidence. C’est pourquoi la juridiction suprême, dans l’arrêt précité, a estimé préférable, dans l’intérêt de l’enfant, de privilégier la résidence alternée une semaine sur deux plutôt qu’un droit de visite élargi.

Toutefois, il semble que [de] nombreux magistrats estiment, au contraire, que passer d’un DVH élargi à une résidence alternée une semaine sur deux constitue un changement important pour l’enfant susceptible de perturber son équilibre de vie.

Elle s’interroge, en conséquence, sur l’intérêt de la résidence alternée en demi-semaine, dite 2-2/5-5, préconisée par de nombreux professionnels de l’enfance. En pratique, ce système semble rarement accordé par les juges et principalement dans le cadre d’une homologation d’un accord parental (voir par exemple TGI de Lyon, 2e chambre, cabinet 3, 7 avril 2014, nº 13/12964). Pourtant, il constitue une évolution douce pour un enfant car il présente l’avantage de s’inscrire dans la continuité d’un DVH élargi. Il prend donc opportunément en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords que les parents ont pu antérieurement conclure, conformément à l’article 373-2-11 du code civil (CA Douai, ch. 7 sect. 2, 19 mai 2011, nº 10/06342). Il paraît d’autant plus bénéfique pour l’enfant lorsqu’un de ses deux parents ne travaille pas le mercredi. De ce point de vue, il paraît a priori plus favorable à l’enfant qu’une résidence alternée une semaine sur deux.

Elle souhaite donc savoir s’il dispose de statistiques sur les décisions des juges aux affaires familiales concernant la résidence alternée en demi-semaine. Elle souhaite connaître sa position sur ce rythme pour l’enfant, étant précisé que, naturellement, c’est toujours l’intérêt de l’enfant, apprécié in concreto, qui doit, en toute hypothèse, guider le juge dans sa décision.


Conway-Mouret (Hélène), question écrite nº 21363 au ministre de la Justice sur la résidence alternée et le partage inégal du temps de présence de l’enfant auprès de chacun des deux parents [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 10 S (Q), 11 mars 2021, pp. 1545-1546].

Mme Hélène Conway-Mouret attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la différence entre un droit de visite [et] d’hébergement (DVH) élargi et la résidence alternée.

La Cour de cassation a jugé que l’article 373-2-9 du code civil n’impose pas, pour que la résidence d’un enfant soit fixée en alternance au domicile de chacun des parents, que le temps passé par l’enfant auprès de son père et de sa mère soit de même durée. Le juge peut, si l’intérêt de l’enfant le commande, compte tenu des circonstances de la cause, décider d’une alternance aboutissant à un partage inégal du temps de présence de l’enfant auprès de chacun de ses parents (Cass. 1re civ., 25 avr. 2007, nº 06-16.886, Bull. 2007, I, nº 156).

Interrogés par la revue Dalloz (AJ Famille 2011 p. 573 – Résidence alternée : paroles de juges), plusieurs juges aux affaires familiales avaient confirmé qu’il était fréquent d’ordonner des mesures de résidence alternée dans lesquelles le temps passé chez chaque parent n’est pas strictement égal. Ainsi, une juge du tribunal de grande instance de Nanterre avait déclaré : « Il m’est arrivé d’avoir une résidence alternée une semaine une semaine, mais avec tous les mercredis chez celui ou celle qui ne travaille pas le mercredi, je garde le terme de résidence alternée. Je dirais un maximum 60 % – 40 % pour garder le terme de résidence alternée ». De même, un autre magistrat avait considéré « qu’en dessous de 40 % du temps dans un lieu de résidence, on ne peut plus véritablement parler de résidence en alternance. On est alors plutôt en présence d’un droit de visite et d’hébergement élargi » (TGI de Bobigny). Citons encore une juge du TGI de Saint-Denis de La Réunion : « À mon sens, si le temps passé chez les parents correspond à deux-tiers – un-tiers, on ne peut être dans une résidence alternée. En revanche, 60 % – 40 %, cela me semble acceptable ».

Elle lui demande les différences concrètes et pratiques entre un DVH élargi (par exemple un tiers de temps de présence de l’enfant chez un parent) et une résidence alternée inégalitaire à 40 %. Elle lui demande si ces différences résident dans les avantages fiscaux (partage des parts fiscales en résidence alternée mais pas en DVH élargi) ainsi que dans la double domiciliation (inhérente à la résidence alternée mais étrangère à la notion de DVH). Il y a lieu de préciser qu’en revanche le versement d’une pension alimentaire, qui est fonction des ressources des parents et des besoins de l’enfant, concerne à la fois le cas d’une résidence alternée et celui d’un DVH élargi (article 371-2 du code civil).

Elle lui demande de préciser la jurisprudence récente sur ces questions et de donner sa position sur cet « effet de seuil » très important pour les familles.


Conway-Mouret (Hélène), question écrite nº 21367 au ministre de la Justice sur le recours à la résidence alternée en cas de séparation des parents [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 10 S (Q), 11 mars 2021, pp. 1546-1547].

Mme Hélène Conway-Mouret attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l’élargissement du recours à la résidence alternée. Elle rappelle que diverses initiatives parlementaires cherchent à promouvoir ce mode de garde. En particulier, la commission des Lois de l’Assemblée nationale, conformément à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, a adopté une proposition de loi le 23 novembre 2017 pour fixer le principe de la double domiciliation des enfants de parents séparés. Par ailleurs, les députées Sophie Auconie et Nicole Sanquer ont déposé le 30 juin 2020 une proposition de loi nº 3163 favorisant l’émergence d’un modèle de coparentalité dans l’intérêt supérieur de l’enfant. L’article premier établit une présomption légale de résidence alternée permettant au juge d’évaluer prioritairement la possibilité de prononcer une résidence alternée. Enfin, elle rappelle qu’elle a même déposé au Sénat le 13 juillet 2020 une proposition de loi nº 628 aux termes de laquelle, hors cas de violence parentale, « le juge examine prioritairement, à la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, la possibilité d’ordonner une résidence en alternance de manière égalitaire. ».

En effet, il semble qu’en cas de désaccord des parents, la résidence alternée ne soit accordée que dans 25 à 30 % des cas, même lorsque cette solution paraît conforme à l’intérêt de l’enfant, apprécié en tenant compte, notamment, de l’âge de l’enfant, de la distance entre les résidences parentales, de la disponibilité des parents ainsi que de leur capacité d’accueil.

Ce faible pourcentage interroge alors que la résidence alternée est de plus en plus reconnue par les juges comme bénéfiques [sic] aux enfants en cas de séparation. Ainsi la cour d’appel de Paris a jugé « qu’aux termes de l’article 373-2 2e alinéa du code civil, chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ; que l’instauration d’une résidence en alternance donne le cadre le meilleur à la mise en œuvre de cette disposition » (CA Paris, 11 juill. 2008, nº 07/15819). Cette disposition constitue une intégration en droit interne de l’article 9.3 de la Convention internationale des droits de l’enfant. La cour d’appel d’Amiens a, quant à elle, indiqué « qu’il est constant que pour un enfant l’égale présence de chacun de ses parents ne peut qu’avoir une influence bénéfique sur son évolution ; que du fait de la séparation des parents une telle situation ne peut se réaliser que par l’intermédiaire d’une résidence alternée » (CA Amiens, 26 juin 2002, nº 01/02113). Citons également l’arrêt de la cour d’appel de Bourges, en date du 28 févr. 2013 (arrêt nº 12/00899) : « Partant du principe que chaque enfant a droit à un accès le plus fréquent possible avec ses deux parents (…), la Cour reviendra à la situation initialement décidée à savoir une résidence alternée ».

Enfin la Cour de cassation a souligné que la résidence alternée « présente l’avantage de favoriser le maintien et le développement de relations harmonieuses des mineurs avec chacun de ses deux parents » (Cass, 12 juin 2014, nº 13-15.411). Elle a aussi jugé en 2017 que, dans l’intérêt de l’enfant, la résidence alternée est préférable à un droit de visite et d’hébergement élargi (Cass, 19 sept. 2007, nº 07-12.116). Si un large consensus politique s’est fait jour depuis le début des années 2010 pour consacrer cette jurisprudence et encourager ainsi la résidence alternée, aucun texte n’a pu être adopté par le Parlement.

Elle souhaiterait que M. le garde des sceaux puisse bien vouloir préciser sa position sur le sujet.


Laure Darcos (© Xavier Darcos)

Laure Darcos (© Xavier Darcos)

Darcos (Laure), question écrite nº 21391 au ministre de la Justice sur la mise en œuvre d’un droit effectif à la résidence alternée en cas de séparation des parents [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 10 S (Q), 11 mars 2021, p. 1548].

Mme Laure Darcos appelle l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’absence d’un droit effectif à la résidence alternée en cas de séparation des parents. Les évolutions législatives depuis les années 1980 se sont traduites par la reconnaissance d’une égalité entre les parents séparés et du droit des enfants à être élevés par leurs deux parents. Les débats se cristallisent aujourd’hui sur la question de la résidence alternée. Bien que celle-ci soit reconnue par les juges comme allant dans le sens de l’intérêt des enfants en cas de séparation de leurs parents, aucun texte législatif n’en a, à ce jour, consacré le principe et encadré la pratique. Si le recours à la résidence alternée est plus fréquent, il existe néanmoins une forte attente sociétale en faveur d’un système plus égalitaire et d’un nouveau modèle de parentalité permettant aux deux parents de maintenir des relations personnelles et affectives avec l’enfant mais aussi de favoriser leur égale implication dans l’éducation de celui-ci. Dans ce contexte, elle lui demande de bien vouloir lui préciser s’il entre dans les intentions du Gouvernement de prendre une initiative législative afin d’unifier les critères jurisprudentiels de la résidence alternée.


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