Conflit parental entre l’Angleterre et les États-Unis

Courts and Tribunal Judiciary

Siégeant à la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, le juge Peter Jackson a rendu aujourd’hui une décision intéressante en matière d’enlèvement international d’enfant. Nonobstant les particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche, il nous paraît utile de la signaler à l’attention de nos lecteurs.

Contexte

En l’espèce, une Anglaise et un Américain s’étaient mariés puis s’étaient installés en 2016 en Virginie, où ils avaient eu un enfant l’année suivante (§ 1). La mère était retournée avec l’enfant en Angleterre en décembre 2019, avec l’accord du père pour qu’ils y restent jusqu’en avril 2020. La mère avait introduit une procédure contre le père pour violence familiale devant un tribunal de la famille en février 2020 (§ 6). Le père avait engagé le mois suivant une procédure pour le retour immédiat de l’enfant aux États-Unis en vertu de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. La mère s’était bien sûr opposée à la demande sur le fondement de l’article 13(b) de ladite Convention, soutenant que l’enfant serait soumis à de graves préjudices physiques et/ou psychologiques s’il devait retourner aux États-Unis en raison des risques de violence familiale et de détérioration de la santé mentale de la mère susceptible d’affecter sa capacité à s’occuper de l’enfant (§ 8).

Le juge Leslie Samuels avait cependant ordonné en décembre dernier que l’enfant devait être renvoyé aux États-Unis dans les quatorze jours suivant la notification à la mère par les avocats du père d’un accord parental homologué par un tribunal de Virginie (§ 11). Tout en admettant que les allégations maternelles étaient suffisamment graves pour engager l’article 13(b) de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, le juge Leslie Samuels avait estimé que la mère n’était pas parvenue à établir que l’exception pouvait s’appliquer – il avait notamment rejeté l’allégation selon laquelle un retour aux États-Unis aurait déstabilisé sa santé mentale à un point tel que la situation de l’enfant en serait devenue intolérable (§ 12).

Appel de la mère

La mère avait évidemment introduit un recours contre cette décision, arguant que le juge Leslie Samuels avait eu tort de faire droit à la demande du père alors qu’il avait estimé que ses allégations étaient de nature à engager l’article 13(b) de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, et qu’il n’avait pas tenu compte des trois points suivants (§ 17) :

« (1) The profound effect on the mother of the father’s coercive and controlling behaviour;

« (2) The mother’s isolation in the USA compared with the availability of family support in England; this will exacerbate her mental health problems and potentially mean that she cannot care for [the child];

« (3) [The forensic psychiatrist]’s evidence about what would be necessary to prevent a deterioration in the mother’s mental health if she returned to the USA. »

La mère avait également demandé à la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles d’admettre l’expertise d’un avocat américain sur le caractère exécutoire des engagements et la disponibilité de l’aide juridictionnelle aux États-Unis, ainsi que la mise à jour des rapports de son médecin généraliste et de son Independent Domestic Violence Advisor (conseiller indépendant en violence domestique). Aucun rapport n’avait finalement été fourni pour la première demande, mais la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles avait admis la deuxième (§ 19).

Ce sont surtout deux courriers du médecin de la mère qui ont influencé la décision rendue aujourd’hui : ils attestaient que la santé mentale de la mère s’était considérablement détériorée depuis la fin de la procédure en première instance, à tel point que la mère avait dû retourner vivre chez ses parents parce qu’elle ne pouvait plus s’occuper seule de l’enfant (§§ 21-22).

Décision

Le juge Peter Jackson a estimé que le juge Leslie Samuels avait examiné « meticulously » et « methodically » (§ 31) tous les éléments de preuve dont il disposait et que sa décision de renvoyer l’enfant aux États-Unis était fondée en droit. Il a cependant considéré que les éléments de preuve supplémentaires concernant la santé mentale de la mère et le soutien familial dont elle bénéficiait ne permettaient pas le maintien de l’ordonnance de retour. L’appel de la mère a donc été accepté, l’ordonnance de retour annulée et l’affaire renvoyée au juge de première instance (§ 32).

Références
England and Wales Court of Appeal (Civil Division)
Date : 9 mars 2021
Décision : A (Child Abduction: Article 13b) [2021] EWCA Civ 328

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