La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques vient de publier une étude intitulée « Un quart des parents non gardiens solvables ne déclarent pas verser de pension alimentaire à la suite d’une rupture de Pacs ou d’un divorce » (Études & Résultats, nº 1179, 12 janvier 2021).
Basée essentiellement sur des données fiscales, cette étude ne permet pas de connaître les raisons du non versement de la pension, ni de connaître le temps que l’enfant passe avec le parent dit « non gardien », ni encore de différencier les pensions alimentaires versées dans leur intégralité de celles versées partiellement. L’intérêt des chiffres présentés – et de l’étude dans son ensemble – est donc assez limité. Intéressons-nous cependant à deux éléments.
Le titre de la publication
Les pensions alimentaires constituent un sujet fortement clivant et fortement sexué. Quand les grands médias parlent pensions non versées, le grand public pense pères démissionnaires, n’est-il pas ? Il est probable que beaucoup ne retiendront de cette publication que son titre, et à travers ce titre imagineront des masses de pères se dérobant à leurs devoirs envers leurs enfants. Il est vrai que les parents « non gardiens » sont très majoritairement des pères (dans l’échantillon de l’étude : 95 % de pères et 5 % de mères). Néanmoins, ces 5 % de mères existent et ne peuvent être purement et simplement ignorés. D’autant plus que le détail de l’étude montre que le sexe du parent « non gardien » est de loin le déterminant le plus fort du non versement d’une pension alimentaire : 23 % pour les pères mais 67 % pour les mères (tableaux 1 et 2). Ainsi, l’étude aurait-elle pu être intitulée : « 23 % des pères solvables et 67 % des mères solvables ne déclarent pas verser de pension alimentaire ». Mais sans doute cela aurait-il été moins vendeur, et moins politiquement correct en ces temps de male bashing.
D’autre part l’étude montre, sans surprise, que ce pourcentage de non versement varie très fortement avec les ressources du parent débiteur. Ainsi, si 65 % des parents « non gardiens » dont les ressources sont comprises entre 700 et 899 euros déclarent ne pas verser de pension alimentaire (graphique 1), ce chiffre « se stabilise autour de 10 % pour ceux dont les ressources [excèdent] 2 300 euros par mois » (p. 2). Titrer sur « un quart » fait l’impasse sur le fait que beaucoup de ces parents sont en situation de précarité économique (le seuil de solvabilité de l’étude ayant été fixé au niveau très bas de 700 euros mensuels).
Critique du barème des pensions alimentaires
Le barème des pensions alimentaires publié par le ministère de la justice repose sur plusieurs principes et hypothèses très discutables. En particulier, le barème fait l’hypothèse que le coût relatif de l’enfant est indépendant du niveau des ressources du parent non gardien (excepté pour les très bas et très hauts revenus, le barème étant conçu pour des ressources allant de 700 à 5 000 euros mensuels). A contrario, l’étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques relève que « les pensions reflètent un coût de l’enfant décroissant avec les ressources du parent non gardien » (p. 6) ainsi que « dans les faits, lorsque les ressources [du parent non gardien] croissent de 10 %, la pension déclarée n’augmente que de 6,4 % » (p. 7). D’autre part, les auteurs de l’étude constatent qu’avoir un deuxième ou un troisième enfant à charge diminue plus la pension dans les faits que dans le barème. Ils en viennent ainsi à constater que « les critères du barème n’expliquent que partiellement les pensions versées » (p. 6). Autrement dit : les chiffres du barème sont fort peu pertinents. Cela certes n’est pas un scoop (pour une étude détaillée de la question, voir la page consacrée au barème sur le site masculinites.fr), mais il est intéressant qu’une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques le mette en avant.
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