Question sur l’ouverture du bénéfice de la pension de réversion à tous les modes de conjugalité

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 25 S (Q), 18 juin 2020

Vial (Jean-Pierre), Question écrite nº 13200 à la ministre de la justice sur l’ouverture du bénéfice de la pension de réversion à tous les modes de conjugalité [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 46 S (Q), 21 novembre 2019, pp. 5784-5785].

Jean-Pierre Vial (© D.R.)

Jean-Pierre Vial (© D.R.)

M. Jean-Pierre Vial interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’ouverture du bénéfice de la pension de réversion aux partenaires et concubins. Il lui demande s’il ne conviendrait pas de mettre fin à cette discrimination entre les différents couples et d’établir une solidarité commune à tous les modes de conjugalité en ouvrant aux partenaires et concubins le bénéfice de la pension de réversion.

La situation juridique actuelle prévoit que le droit à la pension de réversion naît du décès de l’assuré ou de sa disparition. Les personnes pouvant prétendre à une pension de réversion sont limitativement mentionnées par le code de la sécurité sociale : il s’agit du conjoint survivant et du ou des conjoints divorcés, assimilés à un conjoint survivant pour l’octroi d’une pension de réversion.

Le texte de l’article L. 353-1 du code de la sécurité sociale ne vise cependant que le mariage : les personnes ayant vécu en union libre ou ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS) n’ont pas – au regard de celui-ci – droit à la pension de réversion. La pension de réversion vise à offrir au conjoint ou aux ex-conjoints d’une personne décédée une part de la retraite que celle-ci percevait ou à laquelle elle aurait pu prétendre et pour laquelle celle-ci a cotisé au cours de sa vie active. Cette pension constitue une mesure de solidarité visant à assurer le maintien du niveau de vie du ou des survivants.

Or, cette solidarité existe déjà dans le code civil pour le PACS. Au même titre que le mariage, le code civil prévoit que les partenaires « s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques » (premier alinéa de l’article 515-4 du code civil) et qu’ils sont tenus à une solidarité financière (deuxième alinéa de l’article 515-4 du code civil), qui se rapproche du régime des dettes ménagères entre époux (article 220 du code civil). Dès lors que les partenaires et les couples mariés se trouvent assujettis aux mêmes obligations de solidarité dans leur couple, il serait juste de permettre aux partenaires de prétendre aux mêmes droits à la pension de réversion.

Mais aujourd’hui cette restriction du bénéfice de la pension de réversion aux seuls couples mariés porte d’autant plus atteinte au principe d’égalité à l’égard des couples non mariés que pour l’année 2016, seuls 233 000 mariages ont été célébrés pour 191 000 PACS signés.

Face au très net recul du mariage au bénéfice des autres modes de conjugalité, cette discrimination entre les couples est devenue plus profonde que jamais. C’est d’ailleurs ce qu’a pu retenir la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat dans un rapport parlementaire. En 2007, elle s’est déclarée favorable à l’extension des bénéficiaires de la pension de réversion aux partenaires pacsés et aux concubins avec des conditions qui leur seraient propres.

Le système actuel, centré sur le seul mariage, aboutit à une couverture financière incohérente et inégalitaire du risque de veuvage, préjudiciable autant à la majorité des couples français que des enfants nés hors mariage. En effet, à suivre le calcul prévu par [le] code de la sécurité sociale, les cotisations de retraite d’un assuré doivent revenir en intégralité à un conjoint divorcé alors même qu’un partenaire ou concubin avait pu partager sa vie avec l’assuré pendant plus longtemps et qu’un ou plusieurs enfants seraient nés du couple. Mais faute pour eux de n’avoir célébré leur union par un mariage, les survivants non mariés ne pourront faire valoir aucun droit sur la pension, ni même venir en concours avec le conjoint divorcé.

C’est d’ailleurs pour ces raisons que l’Allemagne et la Grande-Bretagne assimilent d’ores et déjà les partenariats enregistrés au mariage en ce qui concerne l’application des règles de réversion. Quant au Canada, la pension de réversion peut autant être versée à l’époux qu’au conjoint de fait.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 25 S (Q), 18 juin 2020, pp. 2843-2844.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Les devoirs et obligations des partenaires liés par un PACS ne sont pas comparables à ceux des époux. Dans notre droit, un ensemble de droits et d’obligations plus important est lié au mariage. Les droits sont le corollaire des obligations qui engagent davantage chacun des époux que les règles applicables aux partenaires. On peut rappeler par exemple, qu’un partenaire peut rompre unilatéralement et à tout moment le PACS. En outre, on peut relever que les couples de même sexe ont accès au mariage depuis la loi nº 2013-404 dite du « mariage pour tous » du 17 mai 2013. Ainsi, chaque couple est libre de choisir son degré d’engagement en ayant le choix entre le concubinage, le PACS et le mariage. Le statut du couple peut d’ailleurs évoluer dans le temps. Le Conseil Constitutionnel a considéré dans une décision nº 2011-155 QPC du 29 juillet 2011 que l’article L 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite n’est pas contraire à la Constitution. Il a souligné que le législateur a défini trois régimes de vie de couple qui soumettent les personnes à des droits et obligations différents et que la différence de traitement quant au bénéfice de la pension de réversion entre les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ou sont unis par un pacte civil de solidarité ne méconnaît pas le principe d’égalité.


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