Compétence en cas d’opposition à l’exécution forcée d’une décision en matière d’aliments

Cour de justice de l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne a répondu aujourd’hui à l’Amtsgericht Köln (tribunal de district de Cologne, en Allemagne) qui l’avait interrogée l’année dernière pour savoir si une juridiction d’un État membre est compétente pour statuer sur l’opposition d’un débiteur à l’exécution forcée d’une décision en matière d’aliments rendue dans un autre État membre. Le sujet pourra intéresser nos lecteurs confrontés à des procédures internationales.

En l’espèce, un père résidant en Allemagne avait été condamné en mai 2009 par le Sąd Okręgowy w Krakowie (tribunal de district de Cracovie, en Pologne) au paiement d’une pension alimentaire mensuelle d’un montant d’une centaine d’euros en faveur de sa fille mineure, laquelle résidait avec sa mère en Pologne. Agissant au nom de sa fille, la mère avait poursuivi l’exécution du jugement en Allemagne et saisi à cette fin l’Amtsgericht Köln en juillet 2016 pour qu’il déclare la décision exécutoire, puis elle avait engagé une procédure d’exécution forcée en Allemagne. Le père avait contesté la procédure et introduit en avril 2018 devant le même tribunal une action en opposition à exécution, faisant valoir que la majeure partie de la dette alimentaire était éteinte.

S’interrogeant sur sa compétence pour statuer sur cette action, l’Amtsgericht Köln avait décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de deux questions préjudicielles en janvier 2019 :

« 1. Lorsqu’elle est dirigée contre un titre étranger constatant une créance alimentaire, l’action en opposition à exécution prévue à l’article 767 de la Zivilprozessordnung allemande (code de procédure civile allemand, ci-après le “ZPO”) est-elle une action en matière d’obligations alimentaires au sens du règlement (CE) nº 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires ?

« 2. En cas de réponse négative à la question précédente, l’action en opposition à exécution prévue à l’article 767 du ZPO, lorsqu’elle est dirigée contre un titre étranger constatant une créance alimentaire, est-elle une action en matière d’exécution des décisions au sens de l’article 24, point 5, du règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (« règlement Bruxelles I bis ») ? »

La compétence de l’Amtsgericht Köln a été corroborée aujourd’hui par la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a confirmé – c’était prévisible – que l’opposition à l’exécution d’une décision en matière d’aliments relève bien du règlement (CE) nº 4/2009 du 18 décembre 2008, dit règlement « Aliments » (§§ 31-35).

Bien qu’aucune disposition de ce règlement ne vise expressément la compétence au stade de l’exécution (§ 36), son article 41 indique toutefois que « la procédure d’exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l’État membre d’exécution » et qu’« une décision rendue dans un État membre qui est exécutoire dans l’État membre d’exécution y est exécutée dans les mêmes conditions qu’une décision rendue dans cet État membre d’exécution » (§ 37). Il en découle que l’action en opposition à exécution, qui « ne vise ni à modifier [la décision initiale] ou à obtenir une nouvelle décision […], ni à solliciter la révision au fond de ladite décision » (§ 46), relève bien de la compétence des juridictions de l’État membre d’exécution (§ 38).

Par ailleurs, le préambule du règlement (considérant 30) cite expressément « l’acquittement de la dette par le débiteur au moment de l’exécution » parmi les motifs de refus ou de suspension de l’exécution prévus par l’article 21 (§ 45). Il appartiendra à l’Amtsgericht Köln d’apprécier le bien-fondé et la recevabilité des éléments de preuve fournis par le père débiteur de la créance d’aliments quant à l’acquittement allégué de sa dette (§ 47).

La Cour de justice de l’Union européenne a donc ainsi statué (§ 52) :

« Le règlement (CE) nº 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, doit être interprété en ce sens que relève de son champ d’application, ainsi que de la compétence internationale des juridictions de l’État membre d’exécution, une action en opposition à exécution introduite par le débiteur d’une créance d’aliments, qui est dirigée contre l’exécution d’une décision rendue par une juridiction de l’État membre d’origine et ayant constaté cette créance, qui est étroitement liée à la procédure d’exécution.

« En application de l’article 41, paragraphe 1, du règlement nº 4/2009 et des dispositions du droit national pertinentes, il appartient à la juridiction de renvoi, en tant que juridiction de l’État membre d’exécution, de statuer sur la recevabilité et le bien-fondé des éléments de preuve rapportés par le débiteur de la créance d’aliments, visant à étayer l’allégation selon laquelle ce dernier a acquitté en grande partie sa dette. »

Références
Cour de justice de l’Union européenne
Troisième chambre
4 juin 2020
Affaire nº C-41/19 (FX c. GZ)

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