Petite chronique de jurisprudence : contribution aux charges du mariage – révocation d’une adoption simple

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 13 mai 2020, la Cour de cassation a rendu deux arrêts qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.

La contribution aux charges du mariage est d’ordre public

Mariés sous le régime de la séparation de biens, deux époux s’étaient séparés en 2013. L’épouse avait assigné son mari en contribution aux charges du mariage en juin 2016. Ayant engagé parallèlement une procédure de divorce, le mari fut condamné en mai 2017 à verser à son épouse une somme mensuelle de 3 000 euros au titre de la contribution aux charges du mariage du 1er janvier 2016 jusqu’au 10 mars 2017, date de l’ordonnance de non-conciliation, mais la cour d’appel de Douai déclara en novembre 2018 que la demande de l’épouse était irrecevable, au motif qu’une clause du contrat de mariage stipulait que chacun des époux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auraient pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature. L’épouse forma alors un pourvoi en cassation.

L’arrêt a été cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation, qui a rappelé que la contribution aux charges du mariage est d’ordre public :

« Vu les articles 214, 226 et 1388 du code civil :

« 10. Il résulte de l’application combinée de ces textes que les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d’ordre public de contribuer aux charges du mariage.

« 11. Dès lors, en présence d’un contrat de séparation de biens, la clause aux termes de laquelle “chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature”, ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l’un d’eux d’agir en justice pour contraindre l’autre à remplir, pour l’avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage.

« 12. Pour déclarer irrecevable la demande de l’épouse tendant à une fixation judiciaire de la contribution aux charges du mariage à compter de la date de son assignation, l’arrêt se fonde sur la clause figurant au contrat de mariage.

« 13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Références
Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 13 mai 2020
Nº de pourvoi : 19-11444

Insanité d’esprit de l’adoptant et révocation d’une adoption simple

Un homme avait consenti en 2007 à l’adoption simple de la fille majeure de son épouse. Les époux avaient fait donation en 2009 à leur fille de plusieurs biens immobiliers par actes notariés. L’homme avait introduit une requête en divorce en 2011 et avait assigné à cette occasion sa fille adoptive en révocation de son adoption simple et des donations qu’il lui avait consenties, alléguant son insanité d’esprit au moment des deux actes. La cour d’appel de Nancy avait accueilli sa demande et révoqué l’adoption simple en 2018. La fille adoptive avait alors formé alors un pourvoi en cassation.

L’arrêt a été cassé aujourd’hui par la première chambre civile de la Cour de cassation :

« Vu l’article 353, alinéa 1er, ensemble l’article 370, alinéa 1er, du code civil, ce dernier dans sa rédaction issue de l’article 32 de la loi nº 2016-297 du 14 mars 2016 :

« 4. Selon le premier de ces textes, l’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Selon le second, s’il est justifié de motifs graves, l’adoption peut être révoquée, lorsque l’adopté est majeur, à la demande de ce dernier ou de l’adoptant.

« 5. Il résulte de ces dispositions que l’intégrité du consentement de l’adoptant, en tant que condition légale à l’adoption, est vérifiée au moment où le tribunal se prononce sur celle-ci, de sorte que la contestation ultérieure du consentement de l’adoptant, qui est indissociable du jugement d’adoption, ne peut se faire qu’au moyen d’une remise en cause directe de celui-ci par l’exercice des voies de recours et non à l’occasion d’une action en révocation de cette adoption, laquelle suppose que soit rapportée la preuve d’un motif grave, résidant dans une cause survenue postérieurement au jugement d’adoption.

« 6. Pour accueillir la demande de révocation de l’adoption, l’arrêt retient que les constatations médicales résultant de l’examen psychiatrique effectué sur l’adoptant démontrent que ce dernier n’était pas sain d’esprit au moment où il a donné son consentement à l’adoption.

« 7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Rappelons pour terminer que l’article 370 du code civil prévoit que l’adoption simple – contrairement à l’adoption plénière – peut être révoquée s’il est justifié de motifs graves, pour peu donc qu’ils trouvent leur place après le jugement d’adoption. La gravité du motif fait l’objet d’une appréciation souveraine par les juges du fond. Ont été ainsi considérés comme motifs graves le comportement d’un fils ayant proféré à l’adresse de son père adoptif les injures les plus grossières, commis des voies de fait sur sa personne et confié à plusieurs personnes qu’il se refusait à porter son nom qu’il estimait déshonorant (Cour de cassation, arrêt du 20 mars 1978, pourvoi nº 76-13415) ou la mésentente profonde entre un fils et son père adoptif, tenant au moins pour partie à icelui, et la nécessité pour l’adopté de préserver la sérénité et la tranquillité de sa famille (cour d’appel de Rennes, arrêt nº 00/07022 du 13 mai 2002).

Références
Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 13 mai 2020
Nº de pourvoi : 19-13419

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