Rossignol (Laurence), question d’actualité au gouvernement nº 1244G sur le délai concernant les avortements dans le cadre du confinement, séance du 1er avril 2020.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous avez, j’imagine, pris connaissance de l’appel lancé hier par une centaine de médecins, auquel se sont joints le directoire de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et de nombreuses personnalités.
Les signataires de cet appel proposent trois mesures pour garantir l’accès de toutes les femmes à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) pendant la crise sanitaire. Ces médecins ont en effet observé que les conséquences cumulées du confinement et des effets désorganisateurs de la crise sanitaire sur les services hospitaliers mettent en cause la garantie, pour toutes les femmes, et notamment les jeunes filles mineures, de pouvoir accéder à une IVG, et ce d’autant plus que le filet de sécurité que constituent les avortements hors délai pratiqués à l’étranger n’existe plus dans les circonstances présentes de circulation.
Aussi vous demandent-ils de débloquer trois verrous pendant la durée de la crise, en allongeant de deux semaines le délai légal pour les IVG par aspiration et pour les IVG médicamenteuses et en levant l’obligation d’un délai de quarante-huit heures entre la première consultation et la pratique de l’IVG pour les mineures.
Monsieur le ministre, que répondez-vous à ces trois propositions ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, à la suite de votre première interpellation, et sans même avoir attendu la parution de la tribune en question, dont j’ai évidemment pris connaissance – je m’en suis entretenu dès hier avec Marlène Schiappa –, j’avais saisi mes services.
Je vous confirme que les remontées des territoires attestent d’une réduction inquiétante du recours à l’IVG pour les raisons très bien exposées dans cette tribune et sur lesquelles vous m’avez déjà interpellé. Mon engagement sur ce sujet est total. Vous me donnez aujourd’hui l’occasion de vous répondre sur le fond.
Je tiens à dire très clairement qu’il est hors de question que l’épidémie de Covid-19 restreigne le droit à l’avortement dans notre pays. Plusieurs dispositions, qui sont encore au stade de l’instruction, vont être prises dans les plus brefs délais.
Durant l’épidémie, les IVG médicamenteuses doivent être encouragées, facilitées, tout en garantissant le libre choix des femmes. J’ai demandé à mes services de travailler sur une plus grande utilisation de la téléconsultation. Il s’agit de faire en sorte que la première consultation et la consultation de suivi après prise de la pilule abortive puissent être réalisées par téléconsultation, et non en présentiel. Les téléconsultations connaissent un essor incroyable, ce qui devrait permettre de répondre à cette problématique des consultations avant et après prise de la pilule abortive.
Reste la question de la consultation au cours de laquelle est délivrée la pilule abortive. J’ai entendu la demande des gynécologues de repousser le délai pour la pratique des IVG médicamenteuses en ville et à domicile de sept à neuf semaines. Il s’agit là de questions techniques : il est essentiel de ne pas briser la chaîne du froid, la pilule abortive étant conservée congelée. Nous regardons ce qu’il est possible de faire sans prendre de risques dans la chaîne du médicament, mais sachez que je n’ai pas d’opposition de principe à cette mesure.
J’ai demandé à toutes les équipes des centres IVG et hospitalières de maintenir le recours à l’IVG instrumentale.
En ce qui concerne les recours tardifs, il existe une cause d’interruption médicale de grossesse pour détresse psycho-sociale qui permet de déroger aux délais. Une fois le confinement levé, il faudra déterminer, de manière collégiale, si une femme n’ayant pu aller en consultation pour bénéficier d’un avortement dans les conditions classiques du fait du confinement peut relever de cette situation de détresse psycho-sociale. Ces propos vous auront fait comprendre quelle est ma position personnelle sur ce point.
Des réponses très claires seront apportées sur l’ensemble de ces sujets en lien avec les gynécologues et ma collègue Marlène Schiappa.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses sur l’IVG médicamenteuse. Effectivement, des perspectives s’ouvrent en la matière : la Grande-Bretagne est passée hier à un délai de dix semaines. Même si ce type d’IVG n’est pas aussi simple qu’il y paraît, l’exemple de la Grande-Bretagne montre qu’une telle évolution est possible.
En ce qui concerne l’IVG par aspiration, monsieur le ministre, je ne m’étais pas contentée, voilà deux semaines, de vous interpeller : j’avais déposé un amendement. Si le Gouvernement, par l’intermédiaire de Mme Pénicaud, n’avait pas émis un avis défavorable, le délai légal aurait d’ores et déjà été allongé de deux semaines. Apparemment, il est permis de déroger au code du travail, au code des assurances, à tous les codes, sauf à celui de la santé publique pour allonger les délais en matière d’IVG !
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Rossignol. Je le regrette profondément, car si l’interruption médicamenteuse de grossesse peut constituer une solution, ce n’est pas la meilleure pour les femmes, surtout dans la perspective de la fin du confinement.
Amendement nº 2 (19 mars 2020) archivé au format PDF (46 Ko, 1 p.).
Mise à jour du 2 avril 2020
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 28 S (C.R.), 2 avril 2020, pp. 2859-2860] au format PDF (384 Ko, 3 p.).