Quand l’institution judiciaire s’intéresse à l’éjaculation…

Courts and Tribunal Judiciary

Si certains se noient dans un verre d’eau, d’autres prennent la tasse dans une soucoupe de sperme. C’est la mésaventure survenue à un père anglais, sanctionné par une décision rendue aujourd’hui par le juge Stephen Cobb, de la High Court of Justice (Family Division). Nos lecteurs anglophones pourront constater que le flegme et l’humour britanniques ne connaissent pas de demi-mesure…

En l’espèce, une femme et un homme s’étaient rencontrés dans un fast-food de Newcastle. Des échanges de messages par SMS et WhatsApp amenèrent la femme à accepter une invitation chez l’homme quelque temps plus tard, et le repas fut suivi d’au moins une relation sexuelle. Les deux partenaires continuèrent par la suite à se contacter par messagerie électronique. L’histoire aurait pu rester banale, si la jeune femme ne s’était retrouvée enceinte… Une procédure fut alors initiée pour régler l’entretien financier de l’enfant et les relations d’icelui avec son père.

C’est dans ce cadre que le père fut accusé d’avoir violé la mère, plus d’un an après les faits. Une décision de première instance rendue en mai dernier par la juge Jennifer Lesley Scully le reconnut coupable :

« On [date] 2016, at the father’s property, an act of sexual intercourse commenced between the parties, to which they were both in agreement. At some point during intercourse, the mother changed her mind, whether because of discomfort or the fear of ejaculation or both. The mother told the father to stop and not to ejaculate inside of her. I find that he did not do so, and by then the sexual act had ceased to be consensual. In failing to stop and failing to withdraw before ejaculation against her wishes, by the definition in the [Sexual Offences Act 2003], the father perpetrated a rape upon the mother. »

Le père interjeta appel. Se défendant seul, il argua que la juge Jennifer Lesley Scully n’avait pas correctement pris en compte tous les éléments de preuve présentés en première instance (les déclarations des parties, les interrogatoires effectués par la police, ainsi que les nombreux messages électroniques échangés par les parties), notamment les incohérences dans les propos de la mère, et qu’elle n’avait pas pris en considération le fait que la relation sexuelle avait été consentie ni que l’éjaculation interne n’avait été – selon lui – qu’un accident. Représentant la mère, l’avocate Claire Brissenden maintint la position de sa cliente, laquelle aurait demandé au père d’arrêter la relation sexuelle à mi-course, et elle s’appuya sur la définition du viol établie par le Sexual Offences Act 2003 comme étant la pénétration intentionnelle du vagin sans consentement explicite.

Le juge Stephen Cobb a d’abord rappelé dans sa décision d’aujourd’hui que la juge Jennifer Lesley Scully avait constaté que les deux parties n’avaient pas été totalement honnêtes dans leurs déclarations respectives (§§ 21-22). Ce nonobstant, et faute d’élément matériel probant, elle avait correctement évalué et examiné leurs arguments et rédigé un jugement approfondi et détaillé (§ 24), concluant justement qu’un viol avait bien eu lieu, non à cause de l’éjaculation mais simplement parce que la mère avait retiré son consentement à mi-course. L’appel du père a donc été rejeté, mais nos lecteurs anglophones liront avec intérêt les §§ 29-30 dans lesquels le juge Stephen Cobb estime que l’aspect pénal de l’affaire ne doit pas interférer dans la procédure civile en cours devant la juridiction familiale.

Références
High Court of Justice (Family Division)
Audience et décision du 21 novembre 2019
v M [2019] EWHC 3177 (Fam)

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