Question sur la saisine du juge du référé en cas d’éloignement géographique volontaire

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 1 A.N. (Q), 1er janvier 2019

Latombe (Philippe), Question écrite nº 7975 à la ministre de la justice sur la saisine du juge du référé en cas d’éloignement géographique volontaire [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 18 A.N. (Q), 1er mai 2018, p. 3665].

Philippe Latombe (© D.R.)

Philippe Latombe (© D.R.)

M. Philippe Latombe attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité de saisir en référé le juge aux affaires familiales (JAF) lorsqu’un parent, dans le cadre d’une séparation, se rend coupable d’éloignement géographique volontaire. L’article 373-2 du code civil indique de manière très explicite dans son alinéa 3 que « tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ». Malgré cet article du code civil, certains parents, principalement dans le cadre de divorces conflictuels, décident, de façon arbitraire et sans consultation préalable, de déménager à des dizaines de kilomètres, voire des centaines de kilomètres de l’autre parent, rendant ainsi toute mise en place de résidence alternée impossible. Le parent victime de cet éloignement géographique volontaire se retrouve alors sans recours judiciaire lui permettant de sanctionner ce départ et de faire respecter ses droits. En effet, entre la saisie du JAF et le jugement, il peut se passer plusieurs mois, ce qui laisse le parent et les enfants dans une situation particulièrement inconfortable. Il lui demande s’il serait envisageable d’émettre une circulaire incitant l’ensemble des JAF, lorsqu’un parent se rend coupable d’éloignement géographique volontaire en violant les dispositions de l’article 373-2 alinéa 3 du code civil, à statuer en référé sur les nouvelles modalités de résidence de l’enfant, dans l’intérêt supérieur de ce dernier ? Par ailleurs, il lui demande s’il est possible de prévoir des sanctions, dès lors qu’il a été prouvé que l’éloignement géographique volontaire a été mis en œuvre de façon abusive, dans le seul but de nuire au droit de l’autre parent.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Assemblée nationale », nº 1 A.N. (Q), 1er janvier 2019, p. 12444.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

En matière familiale, comme pour toute matière civile, le choix du cadre procédural revient aux parties, et en particulier au demandeur. Pour que le juge aux affaires familiales statue en référé, à la suite d’un éloignement géographique ou pour tout autre motif, il faut le saisir d’une demande de référé, comme le permet l’article 1073 du code de procédure civile. Dans ce cas, la décision qu’il rend n’a pas l’autorité de la chose jugée quant au fond. L’article 1138 du même code permet par ailleurs aux parties d’obtenir une décision au fond à délai rapproché en ayant recours à la procédure en la forme des référés. Il appartient donc au parent qui souhaite disposer rapidement d’une décision d’utiliser, avec l’assistance d’un avocat au besoin, le cadre procédural adéquat. Le juge ne peut pas d’initiative statuer dans un cadre procédural différent de celui dans lequel il a été saisi. Quel que soit le cadre procédural choisi, il convient de rappeler que le juge aux affaires familiales saisi peut, au vu des circonstances du déménagement de l’enfant notamment, considérer que le parent qui a déménagé avec l’enfant en mettant l’autre devant le fait accompli, ne respecte pas les droits de ce dernier ; il peut modifier en conséquence la résidence de l’enfant s’il estime que ce changement est dans l’intérêt de l’enfant. Il peut également répartir les frais de déplacement augmentés du fait de l’éloignement ou ajuster le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. En outre, le fait pour un parent, alors que l’enfant réside habituellement chez lui, de ne pas notifier son changement de domicile, dans un délai d’un mois, à l’autre parent qui peut exercer à l’égard de l’enfant un droit de visite ou d’hébergement est un délit. Il peut être puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. Ce comportement, comme d’autres atteintes à l’exercice de l’autorité parentale, est d’ores et déjà sanctionné, et même pénalement réprimé.


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