Le tribunal administratif de Nice a rendu aujourd’hui une décision relative aux modalités du contrôle de l’instruction dans la famille qui pourrait intéresser certains de nos lecteurs.
Par une décision du 16 mars 2016 prise en application des dispositions de l’article L131-10 du code de l’éducation, le directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale des Alpes-Maritimes avait enjoint à des parents de scolariser dans un établissement d’enseignement leur fille Manon, laquelle bénéficiait jusqu’alors de l’instruction dans la famille.
Les parents demandèrent l’annulation de cette injonction au tribunal administratif de Nice, lequel a rejeté aujourd’hui leur requête, en procédant à une substitution du motif de la décision attaquée.
A d’abord été écartée l’erreur de droit invoquée par les parents :
« 2. En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la circonstance que leur enfant soit inscrite dans un établissement d’enseignement à distance ne saurait faire obstacle à la vérification, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini aux dispositions également précitées de l’article L. 131-1-1 du même code. »
Appliquant la jurisprudence du Conseil d’État (décision nº 335033 du 23 décembre 2011), le tribunal administratif de Nice a ensuite écarté le vice de procédure invoqué par les parents, tiré de l’absence de « l’indication du délai dans lequel [ils devaient] fournir leurs explications ou améliorer la situation et des sanctions dont [ils] seraient l’objet dans le cas contraire » dans la notification des résultats du contrôle pédagogique effectué à leur domicile le 7 janvier 2016 que leur avait adressée le directeur académique des services de l’Éducation nationale :
« 3. […] Il ne ressort cependant des pièces du dossier, notamment des différents échanges qui ont pu avoir lieu au sujet dudit contrôle et de ses suites entre les requérants et les services compétents de l’académie de Nice, ni que l’omission susmentionnée ait eu une influence sur le sens de la décision litigieuse ni qu’elle ait privé les intéressés d’une garantie. »
Ayant relevé que la décision contestée était fondée sur le refus des parents de soumettre leur enfant à un second contrôle pédagogique à leur domicile après un premier contrôle dont les résultats avaient été jugés insuffisants, le tribunal administratif de Nice a fait droit à la demande de substitution de motifs présentée par le recteur de l’académie de Nice en substituant au motif tiré du refus de présentation à un second contrôle celui « tiré de l’insuffisance des résultats de l’évaluation des connaissances et compétences de l’enfant », constatée lors du premier contrôle. Ce motif étant « de nature à fonder légalement la décision litigieuse » à la date à laquelle elle avait été prise et cette substitution de motifs ne privant les requérants d’aucune garantie procédurale, le tribunal administratif de Nice a par conséquent écarté le moyen tiré de l’erreur de droit entachant le motif initialement invoqué.
A été enfin écarté le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont aurait été entachée la décision attaquée :
« 5. […] Il appartient […] à l’administration, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et sous le contrôle du juge, de déterminer, en les modifiant éventuellement d’une année sur l’autre, les modalités du contrôle de l’instruction d’un enfant à domicile. »
Pour vérifier que le droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L131-1-1 du code de l’éducation est respecté, ce contrôle peut donc notamment « comprendre la réalisation de tests » par l’enfant. En l’espèce, le tribunal administratif de Nice a relevé que les parents se bornaient « à contester les modalités de contrôle retenues par l’administration » en arguant de la « liberté de choix laissée aux parents dans les modalités de l’apprentissage éducatif » mais ne contestaient pas sérieusement « l’insuffisance des résultats de l’évaluation des connaissances et des compétences de leur enfant », sur laquelle était fondée la décision litigieuse.
Le tribunal administratif de Nice a pu ici s’appuyer sur la décision nº 370323 du Conseil d’État en date du 13 janvier 2014 : seul le motif de « l’insuffisance de l’enseignement dispensé » à l’enfant peut légalement fonder une mise en demeure de scolariser icelui dans un établissement d’enseignement en application de l’article L131-10 du code de l’éducation ; l’administration commet une erreur de droit si elle fonde cette mise en demeure sur le refus de la famille de déférer au contrôle diligenté par l’administration.
Ce sujet des modalités du contrôle de l’instruction dans la famille a déjà donné lieu à plusieurs décisions – parfois divergentes – des juridictions administratives, dont certaines ont été signalées et commentées sur notre site :
- le tribunal administratif de Paris a jugé qu’il appartient à l’administration de déterminer le lieu du contrôle, ainsi que la présence ou non des parents lors de la vérification des connaissances et compétences acquises par l’enfant (décision nº 0614267 du tribunal administratif de Paris en date du 15 mars 2007) ;
- le tribunal administratif de Limoges a jugé que l’administration peut décider que le contrôle se déroule hors du domicile parental uniquement si des éléments objectifs lui permettent de craindre qu’il soit fait obstacle à son bon déroulement (décision nº 1201087 du tribunal administratif de Limoges en date du 6 février 2014) ;
- l’annulation de la mise en demeure a par contre été prononcée au motif que la procédure prévue par l’article L131-10 du code de l’éducation n’avait pas été respectée (décision nº 1313801 du tribunal administratif de Paris en date du 3 juin 2014, décision nº 1404163 du tribunal administratif de Rennes en date du 12 février 2016).
- Références
- Tribunal administratif de Nice
5e chambre
Lecture du 4 décembre 2018
Décision nº 1602811
Décision archivée au format PDF (170 Ko, 6 p.).
Attention ! La jurisprudence et la loi évoluent en permanence. Assurez-vous auprès d’un professionnel du droit de l’actualité des informations données dans cet article, publié à fin d’information du public.