Modalités du contrôle de l’instruction dans la famille

Tribunal administratif de Limoges (© D.R.)

Le tribunal administratif de Limoges a rendu aujourd’hui une décision relative aux modalités du contrôle de l’instruction dans la famille qui pourrait intéresser certains de nos lecteurs.

En l’espèce, des parents avaient déclaré qu’ils assuraient l’instruction de leurs trois enfants dans la famille, en application de l’article L131-5 du code de l’éducation.

Le directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale de la Creuse les informa par un courrier daté du 15 mai 2012 qu’il diligenterait un contrôle en vue de vérifier que l’enseignement assuré était conforme au droit de l’enfant à l’instruction inscrit à l’article L131-10 du code de l’éducation, et que le lieu de ce contrôle était fixé dans les locaux de l’administration.

Les parents avaient alors demandé que le contrôle soit réalisé à leur domicile, mais leur requête fut rejetée le 12 juin 2012. Les parents persistant dans leur refus de se rendre dans les locaux de l’administration, le directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale leur signifia que ce refus serait considéré comme une opposition au contrôle.

Les parents saisirent alors le tribunal administratif de Limoges d’une requête tendant à l’annulation des décisions contestées, soutenant notamment que la décision de refus d’effectuer le contrôle à leur domicile était prise en violation de l’article L131-10 du code de l’éducation, lequel ne prévoit pas que l’administration puisse imposer un contrôle dans ses locaux.

Cette requête a été rejetée aujourd’hui. Après avoir rappelé les termes des articles L131-1-1 et L131-10 du code de l’éducation, le tribunal administratif de Limoges a jugé ainsi :

« 7. […] Si, en prévoyant que le contrôle pédagogique de l’enseignement à domicile a lieu “notamment au domicile des parents de l’enfant”, le législateur a entendu définir le lieu de ce contrôle comme étant principalement le lieu où est dispensé l’enseignement assuré aux enfants, afin que puissent être vérifiés, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation, non seulement le niveau des connaissances acquises mais également le milieu éducatif au sein duquel l’enfant reçoit ses enseignements, ces dispositions ne font toutefois pas obstacle à ce que l’autorité administrative, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et sous le contrôle du juge, décide que le contrôle pédagogique se déroule dans les locaux de l’administration.

« 8. […] En l’espèce, […] il ressort des pièces du dossier que les décisions litigieuses […] ont été prises dans le but d’assurer une certaine sérénité des conditions de déroulement de ce contrôle, eu égard aux tentatives des intéressés d’y faire obstacle ; […] si M. et Mme B… soutiennent que tel n’est pas le cas, il ressort toutefois des pièces produites qu’au cours du contrôle précédemment réalisé à leur domicile le 1er juillet 2011, les époux B… ont exigé la présence d’un témoin et ont refusé que leurs enfants soient soumis à des tests tendant à évaluer les connaissances acquises ; […] dans un courrier du 19 septembre 2011 adressé à l’administration, les requérants ont affirmé qu’ils n’accepteraient de recevoir les services de l’éducation nationale qu’à certaines dates et uniquement l’après-midi, qu’ils refuseraient tout contact téléphonique et qu’ils exigeaient une demande écrite de rendez-vous ; […] M. et Mme B… ont également indiqué qu’ils s’opposeraient à ce que leurs enfants répondent à des questions écrites ou orales ou participent à un entretien ; […] dans un courrier du 19 juin 2012, les intéressés ont de nouveau affirmé que le contrôle se déroulerait en présence d’un huissier de justice.

« 9. […] Il résulte de l’ensemble des circonstances de l’espèce que les décisions en litige sont justifiées par un comportement de M. et Mme B… devant être regardé comme faisant obstacle au bon déroulement du contrôle pédagogique de l’éducation dispensée à leurs trois enfants ; […] il suit de là qu’en décidant que ce contrôle se déroulerait dans les locaux de l’administration, le directeur académique des services de l’éducation nationale de la Creuse n’a pas entaché les décisions litigieuses d’une erreur manifeste d’appréciation. »

Après l’arrêt nº 07PA01764 de la cour administrative d’appel de Paris en date du 18 décembre 2007 (voir notre article du 15 mars 2007), ce jugement apporte des précisions utiles sur les dispositions de l’article L131-10 du code de l’éducation et sur les modalités pratiques du contrôle de l’instruction dans la famille. Le législateur a prévu que le contrôle de l’enseignement délivré dans la famille « a lieu notamment au domicile des parents de l’enfant », c’est-à-dire au lieu où cet enseignement est délivré à l’enfant, mais n’a pas pour autant exclu que ce contrôle puisse se dérouler ailleurs, par exemple dans des locaux de l’administration, si des circonstances particulières font craindre qu’il soit fait obstacle à son bon déroulement. Le choix du lieu du contrôle par l’administration scolaire n’est cependant pas totalement libre : un contrôle hors du domicile familial ne peut être décidé que si des éléments objectifs permettent de considérer qu’il ne pourra pas s’y dérouler dans de bonnes conditions, et cette décision est soumise à un contrôle restreint du juge (contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation).

En l’espèce, le tribunal administratif de Limoges a retenu que le comportement des parents tendait à faire obstacle au contrôle de l’enseignement dispensé à leurs enfants et justifiait que le lieu du contrôle soit fixé dans les locaux de l’administration. Les décisions contestées n’étaient donc pas entachées d’une erreur manifeste d’appréciation, et les conclusions tendant à leur annulation ont par conséquent été rejetées.

Références
Tribunal administratif de Limoges
1re chambre
Lecture du 6 février 2014
Décision nº 1201087

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