Divorce pour un couple de Français ou pour un couple mixte résidant à l’étranger

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 25 S (Q), 21 juin 2018

Bansard (Jean-Pierre), Question écrite nº 4311 au ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la question du divorce pour un couple de Français ou pour un couple mixte résidant à l’étranger (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 15 S (Q), 12 avril 2018, p. 1699).

Jean-Pierre Bansard (© D.R.)

Jean-Pierre Bansard (© D.R.)

M. Jean-Pierre Bansard attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur la question du divorce pour un couple de Français ou pour un couple mixte résidant à l’étranger.

Dans l’état de la législation, pour les couples résidant dans l’Union européenne, le tribunal compétent en matière de divorce est fixé depuis le 1er mars 2005 par le règlement dit « Bruxelles II bis » relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Ce règlement s’applique dès lors qu’un ressortissant communautaire ou un ressortissant non communautaire a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre. Le règlement Bruxelles II bis retient deux chefs de compétence : la résidence habituelle et la nationalité, entre lesquels le demandeur peut opter.

S’agissant de la nationalité, l’article 3-1b précise qu’il est possible de soumettre le litige matrimonial aux juridictions de l’État de la nationalité commune des deux époux. Dans le cas d’un couple composé de deux ressortissants français, ils peuvent ainsi saisir un tribunal français pour régler leur divorce.

Pour un couple résidant en dehors de l’Union européenne, c’est l’article 1070 du code de procédure civile qui reste seul applicable pour déterminer la compétence territoriale interne en matière de divorce. Si un couple mixte ou de Français peut engager d’un commun accord une procédure selon la loi locale, il est également possible pour tout Français de traduire son conjoint (même étranger) devant la justice française. Sa demande en divorce devra être déposée par un avocat au greffe du tribunal de grande instance (TGI) du domicile en France de l’un des conjoints. Si aucun des époux ne possède de résidence en France, l’avocat s’adressera au TGI de l’ancienne résidence française du demandeur ou, à défaut, au TGI de Paris. Si c’est le choix du couple de saisir la juridiction française, cette procédure entraîne de nombreuses difficultés et un coût non négligeable pour suivre à distance les étapes de la procédure et pour se rendre aux convocations du juge aux affaires familiales.

Or la loi nº 2016-1547 du 18 novembre 2016 permet désormais aux époux de consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire. Les notaires consulaires n’ont pourtant pas compétence pour recevoir de tels actes. C’est pourquoi il voudrait connaître les motifs autant juridiques que techniques qui empêchent les consulats dotés de services notariaux d’offrir cette possibilité à leurs administrés. Il voudrait savoir si le ministère compte, dans un moyen terme, l’intégrer à la gamme des services notariaux proposés par ces consulats.


Réponse du ministère de l’Europe et des affaires étrangères publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 25 S (Q), 21 juin 2018, p. 3120.

Jean-Yves Le Drian (© Pymouss)

Jean-Yves Le Drian (© Pymouss)

La loi nº 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a en effet modifié les articles 229 et suivants du code civil afin d’y ajouter la possibilité pour des époux de consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. Cependant, c’est en toute connaissance de cause et en bonne intelligence avec le ministère de la Justice que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) a tenu à ce que l’article 8 du décret nº 2016-1907 du 28 décembre 2016 relatif au divorce prévu à l’article 229-1 du code civil, exclue les notaires consulaires de ce dispositif, et ce pour plusieurs raisons. D’une part, le devoir de contrôle imposé au notaire par le nouvel article 229-1 du code civil dépasse très clairement le cadre des attributions notariales des notaires consulaires, qui n’ont pas de devoir de conseil à l’égard des usagers. D’autre part, cette mission était en contradiction avec les règles de droit international public et la convention de Vienne sur les relations consulaires. En effet, il n’existe aucune disposition de la convention de Vienne qui permette à un poste consulaire dans son rôle de notaire d’enregistrer des divorces. Il n’est absolument pas certain que les autorités locales auraient accepté cette nouvelle compétence et que celle-ci n’aurait pas été contraire à certaines législations locales. Pour rappel, aucun texte de droit international public ne permet à un poste diplomatique de recevoir ce type de divorce et aucune représentation diplomatique étrangère n’a de compétence en matière de divorce. En outre, le MEAE envisage de généraliser l’extinction de la fonction notariale dans les postes diplomatiques et consulaires. À ce jour, seuls quarante-trois postes sont compétents pour instrumenter en matière notariale et une suppression de cette compétence est envisagée pour début 2019. Les usagers peuvent, en fonction de l’offre locale, se tourner vers une solution locale (notaire ou juridiction) ; bien sûr, ils peuvent toujours aller en France pour établir devant leur notaire l’acte en question. Par conséquent, il apparaît totalement inenvisageable de rajouter une tâche aux notaires consulaires alors même que cette fonction est vouée à disparaître. Pour ce qui est de la difficulté supposée pour les époux de saisir la juridiction française ainsi que le coût élevé que cette procédure peut entraîner : pour mémoire, un jugement de divorce régulièrement prononcé à l’étranger produit ses effets en France sans exequatur. La jurisprudence dispense les Français résidant à l’étranger de devoir recourir à une procédure lourde et coûteuse en France. Concernant le coût de la procédure classique de divorce en France, il est à noter que le divorce par consentement mutuel n’a rien de gratuit et occasionne également des frais incompressibles. Outre les frais de la procédure en elle-même tels que définis par l’article 1144-5 du décret nº 2016-1907 du 28 décembre 2016 [sic – lire : article 1144-5 du code de procédure civile créé par l’article 4 du décret nº 2016-1907 du 28 décembre 2016], le coût du divorce varie également en fonction des honoraires des avocats choisis. Le dépôt chez le notaire de la convention s’élève ensuite à 42 € hors taxe (50,4 € TTC). Enfin, cette procédure de divorce n’est pas applicable à tous, elle ne peut avoir lieu si le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande à être auditionné par le juge ou si l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes des majeurs protégés. Le MEAE rappelle également que, dans certains pays, seul le divorce judiciaire est reconnu si l’un des époux est étranger, ceci excluant, de fait, de nombreux couples binationaux résidant à l’étranger. Le MEAE ne peut donc que rappeler que le décret 2016-1907 pose les bases juridiques de l’exclusion du notaire consulaire du dispositif de divorce par consentement mutuel et qu’il n’est pas envisageable de revenir sur ce principe.


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