La Cour de justice de l’Union européenne a répondu aujourd’hui à la Curtea Constituțională a României (Cour constitutionnelle de Roumanie) qui l’avait interrogée quant à l’effet d’un « mariage » contracté par deux hommes en Belgique en 2010 sur leur droit à la libre circulation. Ce droit s’applique aux citoyens des pays membres de l’Union européenne, ainsi qu’à leur conjoint quand icelui n’est pas citoyen de l’Union européenne. Or, quand le Roumain Relu Adrian Coman avait voulu obtenir un permis de résidence pour son partenaire américain Robert Clabourn Hamilton au motif qu’icelui était son « conjoint », les autorités roumaines avaient refusé au motif que l’on ne peut être marié avec une personne du même sexe.
Dans ses conclusions rendues le 11 janvier 2018, l’avocat général Melchior Whathelet avait déjà contesté ce refus. Selon lui, la directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres de l’Union européenne « ne comporte aucun renvoi au droit des États membres pour déterminer la qualité de “conjoint” » (§ 33) ; or, « l’application uniforme du droit de l’Union [requiert] une interprétation autonome et uniforme » de cette notion (§§ 34, 78). Concédant que le terme « conjoint » – au sens de la directive sus-citée – renvoie bien au mariage, l’avocat général avait néanmoins considéré qu’il était « neutre du point de vue du genre et indifférent au lieu où [le mariage] a été contracté » (§ 49). Au motif de l’« évolution générale de la société à l’égard [du « mariage homosexuel »] » (§ 58), la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle « le terme “mariage”, selon la définition communément admise par les États membres, désigne[rait] une union entre deux personnes de sexe différent » lui paraissait « dépassée » (§ 57).
Les juges de la Cour de justice de l’Union européenne ont suivi cet avis dans leur arrêt rendu aujourd’hui. Eux aussi ont en effet estimé que « la notion de “conjoint”, au sens de la directive 2004/38, est neutre du point de vue du genre et est donc susceptible d’englober le conjoint de même sexe du citoyen de l’Union concerné » (§ 35).
« Il en découle qu’un État membre ne saurait invoquer son droit national pour s’opposer à la reconnaissance sur son territoire, aux seules fins de l’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, du mariage conclu par celui-ci avec un citoyen de l’Union de même sexe dans un autre État membre conformément au droit de ce dernier. » (§ 36)
Quoique les juges de la Cour de justice de l’Union européenne n’aient pas prétendu vouloir imposer aux États membres de l’Union européenne la reconnaissance du « mariage homosexuel », « matière relevant de la compétence des États membres » (§ 37), le fait d’en imposer la reconnaissance des effets juridiques – y compris aux pays qui ne reconnaissent pas le « mariage homosexuel » – affaiblit encore un peu plus la souveraineté desdits États, sous couvert du respect du droit européen. Au-delà du droit de libre circulation dont il s’agissait en l’espèce, il est à craindre que cet arrêt fasse jurisprudence pour permettre au lobby LGBT de revendiquer d’autres droits dans les pays qui restent encore attachés au sens naturel des notions de famille et mariage. In fine, le « mariage homosexuel » pourrait constituer l’« interprétation autonome et uniforme » de la notion de mariage.
Rappelons que nos camarades de la Coalitia pentru Familie (Coalition pour la famille), une association luttant contre le « mariage homosexuel » et le partenariat civil et pour la famille traditionnelle, veulent modifier le premier alinéa de l’article 48 de la Constitution de Roumanie afin que la famille y soit définie comme l’union entre une femme et un homme, et non comme l’union de conjoints selon le texte actuel : « Familia se întemeiază pe căsătoria liber consimţită între soţi… » (« La famille est fondée sur le mariage librement consenti entre les conjoints… »). Soutenue dans cette démarche par tous les cultes reconnus en Roumanie, la Coalitia pentru Familie a recueilli plus de trois millions de signatures afin que soit organisé un référendum constitutionnel. Toutes les démarches légales ayant été accomplies, il reste seulement à fixer une date, qui a déjà fait l’objet de plusieurs reports. D’autres pays, comme la Hongrie et la Pologne, ont inscrit le mariage dans leur constitution. Cinq pays de l’Union européenne (Bulgarie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie) ne reconnaissent aucune forme d’union entre personnes homosexuelles.
- Références
- Cour de justice de l’Union européenne
Grande chambre
5 juin 2018
Affaire nº C‑673/16 (Relu Adrian Coman, Robert Clabourn Hamilton, Asociația Accept c. Inspectoratul General pentru Imigrări, Ministerul Afacerilor Interne, Consiliul Național pentru Combaterea Discriminării)
Arrêt archivé au format PDF (1.25 Mo, 13 p.).
Communiqué de presse archivé au format PDF (220 Ko, 3 p.).
Conclusions de l’avocat général archivées au format PDF (1.72 Mo, 21 p.).
Demande de décision préjudicielle archivée au format PDF (780 Ko, 2 p.).
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