Mixité dans l’espace public

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 2 S (Q), 11 janvier 2018

Pérol-Dumont (Marie-Françoise), Question écrite nº 1893 à la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes sur la mixité dans l’espace public (Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 43 S (Q), 9 novembre 2017, p. 3472).

Marie-Françoise Pérol-Dumont (© D.R.)

Marie-Françoise Pérol-Dumont (© D.R.)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont attire l’attention de Mme la secrétaire d’État, auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes sur le développement de la mixité dans l’espace public.

S’il y a cinquante ans, l’espace urbain était plus dangereux, il était également plus vivant et plus mixte. Or, on constate depuis plusieurs décennies la forte pression qu’exercent les normes de genre sur les personnes dans l’espace public, les femmes bien sûr mais aussi les hommes qui ne répondraient pas aux codes normatifs de la masculinité. Tous sont contraints à des stratégies d’évitement ou d’autocensure par souci de sécurité, et les espaces qui favorisent la détente de tous sont encore trop peu nombreux et mal partagés.

De plus en plus de villes, conscientes de l’influence des politiques architecturales et d’urbanisme sur la mixité, mettent en place des initiatives visant à aménager l’espace urbain de façon à intégrer davantage et à réduire l’occupation genrée de l’espace public. La difficulté est qu’à l’heure actuelle, il n’existe quasiment pas d’études chiffrées sur cette problématique, alors que ces statistiques sont indispensables à ceux qui mettent en place ces politiques d’aménagement du territoire, élus et urbanistes en tête. De façon générale, les aspects sociologiques ne semblent pas être une priorité en matière d’urbanisme et la question du genre est totalement occultée des programmes des écoles d’architecture, rendant peu surprenant le fait qu’elle soit rarement prise en compte dans les projets d’urbanisme.

Elle lui demande donc son opinion sur cette question et les mesures qu’elle entend mettre en place pour y remédier.


Réponse du Secrétariat d’État, auprès du Premier ministre, chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 2 S (Q), 11 janvier 2018, pp. 103-104.

Marlène Schiappa (© D.R.)

Marlène Schiappa (© D.R.)

L’espace public et les équipements publics sont aujourd’hui majoritairement utilisés par les hommes et les garçons. C’est ce qu’illustrent plusieurs études menées par l’agence d’urbanisme Bordeaux métropole Aquitaine, avec Yves Raibaud entre 2010 et 2013 sur les équipements publics culturels ou de loisirs pour les jeunes. Elles font aussi apparaître une très grande inégalité dans l’attribution des moyens par les collectivités territoriales et par l’État selon qu’il s’agisse de loisirs dits féminins (gym, danse, etc.) ou masculins (skate, foot, etc.). Ces études montrent également que ces inégalités se retrouvent dans le mode de gestion des villes. Ainsi, la présence des femmes aux postes clés est faible, qu’il s’agisse des élus ou des personnes qui pensent et construisent la ville de demain : les architectes, urbanistes, directeurs des services d’équipement et concepteurs des programmes urbains sont presque exclusivement des hommes. La participation citoyenne (conseils de quartier, enquêtes publiques ou opérations de concertation) est généralement exercée par les hommes. Des « marches exploratoires de femmes », organisées dans quelques villes de France, permettent de faire connaître une autre vision de la ville. Plusieurs villes ont pris en compte la dimension de l’égalité femmes-hommes dans l’urbanisme. Par exemple, les villes d’Aubervilliers, Paris, Villiers-le-Bel, Nantes, Floirac, Bordeaux, et d’autres, travaillent avec l’association Genre et ville afin de sensibiliser et former différents publics (services techniques de collectivités locales, habitant.es des quartiers, ingénieurs, élus locaux et élues locales…) pour favoriser la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’aménagement de l’espace public. Au-delà de la mobilisation des collectivités locales que le Gouvernement ne peut qu’encourager, l’État soutient le déploiement des marches exploratoires dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qui contribuent à renforcer la participation citoyenne et la place des femmes sur ces territoires. Par ailleurs, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a missionné cinq parlementaires transpartisans afin de caractériser et de définir le harcèlement de rue et sa verbalisation d’une part, et de faire des préconisations sur la stratégie de communication autour de cette nouvelle infraction dans un but de prévention. Le rapport issu de ces réflexions devrait être remis à la secrétaire d’État en début d’année 2018 et s’inscrira dans la préparation du projet de loi luttant contre les violences sexistes et sexuelles. En dehors du champ répressif, la consultation organisée dans le cadre du Tour de France de l’égalité devrait permettre de dégager des recommandations pour une ville et un espace public plus inclusifs.


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