Communiqué de presse du Collectif national pour les droits des femmes
Une proposition de loi nº 307 sur le principe de garde alternée a été déposée le 17 octobre à l’Assemblée nationale. Elle sera proposée en première lecture le 30 novembre 2017.
Co-signée à la grande majorité par des député-es du MoDem, dont les deux tiers sont des hommes, cette proposition de loi nº 307 nous rappelle jusqu’au mot près l’article 7 de la proposition de loi nommée « Autorité parentale et intérêt de l’enfant » ou A.P.I.E., contre laquelle nous nous étions battu-es en 2014, et qui, une fois amendée et votée, est restée en suspens au Sénat.
Cette proposition, si l’on ne tient pas compte de la complexité des contextes, peut apparaître comme une proposition tout à fait juste : un enfant, dans l’absolu, a besoin de l’amour et des soins de ses deux parents et cela permettrait de partager les « tâches éducatives » à égalité.
Avec la loi actuellement en cours l’enfant dispose d’un lieu de résidence principale chez l’un des parents, et peut voir l’autre régulièrement grâce au principe du droit de visite, c’est la situation la plus courante.
La proposition de loi nº 307 préconise l’inscription de la « double domiciliation », une idée selon laquelle faire disparaître la notion de « résidence principale » permettrait à l’enfant de savoir qu’il est chez lui dans les deux lieux de ses parents, quel que soit le temps qu’il y passe.
Cette « double domiciliation », du point de vue de l’enfant, peut paraître louable, il aurait ainsi les deux adresses sur sa carte d’identité, sur les bulletins scolaires ou cahiers de liaison, etc. Oui, louable dans l’idéal ! …Mais nous ne sommes pas dupes : il s’agit bien là de la porte ouverte à une généralisation de la résidence alternée, sinon cette proposition de loi ne porterait pas ce titre.
Nous ne sommes pas dupes aussi parce que :
- Le principe actuel de la résidence principale chez l’un des parents et de droits de visite et d’hébergement chez l’autre parent est majoritairement demandé par choix des deux parents, et in fine tranché en cas de désaccord par le juge aux affaires familiales. Alors pourquoi proposer une loi intitulée « garde alternée » ? Est-t-il encore besoin de rappeler que si la majorité des résidences principales sont accordées aux mères c’est parce que les pères ne la réclament pas ? Selon le Ministère de la justice, seuls 18,8 % des pères réclament la résidence alternée et ils l’obtiennent à 17,3 %. C’est donc au nom des 1,5 % pour lesquels la justice tranche en défaveur de la garde alternée qu’il faudrait l’imposer à toutes et tous ? De la même manière, le Ministère estime que 93 % des pères et 96 % des mères obtiendraient satisfaction.
Nous savons que les foyers monoparentaux sont principalement composés de mères isolées, en rupture de lien avec leur ex-compagnon, particulièrement précarisées et qui ne perçoivent pas les pensions alimentaires qu’ils devraient leur verser. Quel sens aurait pour elles et leur-s enfant-s cette double domiciliation ? - Que penser de la double domiciliation pour la répartition des aides sociales ? du coefficient familial ? du calcul des retraites ? de la pension alimentaire ? Il y a lieu d’être vigilant-es à ce que la convention d’Istanbul soit respectée puisqu’elle érige en infraction les violences domestiques économiques.
- Le dernier point est le plus important. Alors que l’actualité de ces dernières semaines fait émerger un mouvement fort contre les violences et le harcèlement faits aux femmes, la double domiciliation, dans le cas précis des violences faites aux femmes et aux enfants est à proscrire totalement, comme toute résidence alternée d’ailleurs, c’est une évidence ! Quid du harcèlement post-séparation ? La résidence alternée devient alors une arme dans les mains du parent agresseur.
Cette proposition de loi est inutile, le principe de la résidence alternée existe déjà dans la loi. Aller vers une systématisation de la résidence alternée représente un danger pour les femmes et les enfants victimes de violences intra-familiales.
Pour ces raisons, nous demandons le retrait pur et simple de la proposition de loi nº 307.
Communiqué archivé au format PDF (27 Ko, 1 p.).
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