Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Assemblée nationale

Le texte de la proposition de loi nº 4347, « visant à agir concrètement en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », a été examiné ce soir au cours d’une réunion de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Marie-George Buffet (© D.R.)

Marie-George Buffet (© D.R.)

Outre les habituelles jérémiades féministes selon lesquelles les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes seraient autant d’injustices, le rapport de Marie-George Buffet contient quelques éléments qui nous paraissent dignes d’intérêt.

Une discrimination sexiste caractérisée

Au vu de la liste des personnes auditionnées par la rapporteure, force est de constater que la soif d’égalité féministe s’accommode fort bien d’une discrimination sexiste caractérisée. Quinze personnes ont participé à quatre tables rondes : treize femmes, deux hommes. Faut-il en déduire qu’aux yeux de Marie-George Buffet deux hommes pèsent autant que treize femmes ?! Par ailleurs, une table ronde spécifique a été ouverte aux seules associations féministes (Collectif national pour le droit des femmes, Femmes solidaires, Osez le féminisme !), sans qu’on ait songé à consulter de la même façon des associations de pères. Enfin, seules deux organisations syndicales « représentatives des salariés » ont été conviées au pince-fesses parlementaire : CGT et SUD ; outre que la représentativité syndicale en France est largement sujette à caution, on aimerait savoir sur quels critères a été établie cette sélection restrictive…

Les positions des différents groupes parlementaires

Deux articles nous intéressent plus particulièrement dans cette proposition de loi : l’article 7, qui étend le congé maternité à dix-huit semaines ; l’article 8, qui allonge le congé paternité à quatre semaines (au lieu de onze jours actuellement), voire six semaines en cas de naissances multiples (au lieu de dix-huit jours).

Nous relevons ici les positions exprimées par les représentants des différents groupes parlementaires, en commençant par la présentation de Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine) :

« Le titre III propose […] de mieux répartir les congés autour de la naissance, qui sont aujourd’hui très inégalement répartis entre le père et la mère. En France, seuls 4 % des parents qui prennent un congé parental sont des hommes, soit l’un des taux les plus bas de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a par ailleurs proposé de contraindre les pères à prendre leur congé de paternité.

« L’article 7 propose d’allonger de deux semaines la durée de congé de maternité, afin de mettre notre droit en conformité avec les recommandations de l’Organisation internationale du travail (OIT). L’article 8 propose d’allonger la durée du congé de paternité à quatre semaines consécutives, contre seulement onze jours aujourd’hui. »

Marie-Françoise Clergeau (groupe socialiste) :

« […] Nous adopterons l’article 7 étendant le congé maternité. Il anticipe des dispositions européennes à venir ; il s’inscrit dans un mouvement d’amélioration de la protection des femmes enceintes, dans la continuité, notamment, de la loi travail qui a porté de quatre à dix semaines la période de protection contre le licenciement.

« Enfin, concernant l’article 8, l’allongement du congé de paternité, devenu, grâce à notre majorité en 2012, “congé de paternité et d’accueil de l’enfant”, nous paraît opportun. Mais cet allongement doit rester réaliste et raisonnable au regard des dépenses qu’il engendre. C’est pourquoi nous nous abstiendrons pour le vote en commission et proposerons, en séance publique, un amendement cohérent avec ce que nous proposions dans une précédente proposition de loi en 2010, soit un allongement de trois jours, portant ce congé de onze à quatorze jours et de dix-huit à vingt et un jours en cas de naissances multiples. Notons également que les trois jours de naissance s’ajoutent à ce congé. »

Isabelle Le Callennec (groupe les Républicains) :

« Sur la parentalité, nous pouvons tout à fait débattre de l’idée d’allonger la durée du congé de maternité et du congé de paternité. À titre personnel, j’y suis favorable. Pour mémoire, en Europe, les situations sont très disparates : cinquante-deux semaines à 40 % du salaire au Royaume-Uni, seize semaines à 60 % du salaire en France environ, quatorze semaines à 100 % du salaire en Allemagne. Mais, pour débattre, il faudrait disposer de toutes les données. L’allongement que vous proposez a un coût. Il n’est pas chiffré et vous ne dites pas par qui et comment il serait financé. Les indemnités journalières sont prises en charge par la branche maladie de la sécurité sociale. Comment couvrirez-vous ces dépenses nouvelles ? »

Le congé maternité dans l’Union européenne

 

Francis Vercamer (Union des démocrates et indépendants) :

« Nous estimons […] que les dispositions relatives à la parentalité et à l’allongement du congé maternité sont intéressantes et nécessiteraient un débat. Je suis heureux que le groupe socialiste ait décidé de maintenir ces articles, ce qui nous permettra de le tenir effectivement, en commission ou en séance.

« Le droit en la matière n’est pas figé, comme en témoigne la prolongation de la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur pour les femmes à l’issue de leurs congés liés à la grossesse et à la maternité. Cette mesure fut soutenue par le groupe UDI et inscrite dans la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. »

Dominique Orliac (groupe radical, républicain, démocrate et progressiste) :

« L’article 7 propose d’étendre le congé de maternité à dix-huit semaines, en citant les recommandations de l’OIT et de la Confédération européenne des syndicats. Cet article s’inscrit bien dans l’idée que les radicaux de gauche avaient portée dans le cadre de l’ordre du jour réservé à leur groupe, il y a tout juste un an, lors de la discussion sur le projet de loi relatif au travail. Il portait sur des mesures législatives destinées à mieux protéger les femmes à l’issue de leur congé maternité, en prolongeant la période légale pendant laquelle elles ne pouvaient être licenciées. Cette proposition de loi avait été adoptée à l’unanimité. Elle protégeait aussi, pour le même temps, les hommes, ce qui représentait une avancée importante dans ce domaine. La discussion avait d’ailleurs été assez dure pour faire comprendre que l’égalité entre hommes et femmes s’entendait ainsi de manière réciproque.

« Quant au partage de la parentalité, nous sommes totalement ouverts sur la question, et bien évidemment d’accord avec la proposition de nos collègues du groupe de la gauche démocratique et républicaine, qui vise à allonger, à l’article 8, le congé de paternité de onze jours à vingt-huit jours, voire à quarante-deux jours en cas de naissances multiples. »

Le congé paternité, pas pour tous les pères

Créé par l’article 55 de la loi nº 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, le congé de paternité permet aux pères de bénéficier d’un congé indemnisé suite à la naissance ou à l’adoption d’un ou de plusieurs enfants. Ce congé a une durée de onze jours consécutifs, étendus à dix-huit jours en cas de naissances ou d’adoptions multiples.

Dans son rapport, Marie-George Buffet rappelle l’étendue du dispositif :

« Le congé de paternité s’applique à l’ensemble des salariés du secteur privé, aux travailleurs indépendants, aux travailleurs agricoles, aux fonctionnaires et aux chômeurs indemnisés au cours des douze derniers mois précédant la naissance. »

Elle en relève aussi le « relatif succès » :

« Depuis sa mise en place au 1er janvier 2002, le congé de paternité a rencontré un relatif succès puisque près de sept pères sur dix éligibles au dispositif (68 %) y ont eu recours en moyenne. De plus, 95 % des pères ayant pris un congé de paternité ont consommé l’ensemble des jours de congé qui leur étaient accordés. »

Cependant, le statut professionnel du père influe de façon discriminatoire sur l’indemnisation du congé :

« Le montant de l’indemnisation du congé dépend du secteur d’activité du père : pour les salariés relevant du régime général, le montant maximum de l’indemnité journalière versée pendant le congé est de 84,90 euros par jour au 1er janvier 2016 – sauf lorsqu’une convention ou un accord de branche prévoit le maintien intégral du salaire ; pour le régime agricole, le père perçoit des indemnités journalières (s’il est salarié) ou une allocation de remplacement (s’il est exploitant) ; pour les fonctionnaires, le salaire est intégralement maintenu. »

Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de ce double constat :

« Pour autant, le détail des données relatives au recours au congé paternité révèle d’importantes disparités en fonction du statut du père. Ainsi, alors que neuf pères fonctionnaires sur dix prennent leur congé de paternité, seuls 32 % des indépendants et 48 % des salariés en contrat à durée indéterminée ont recours au congé de paternité.

«  […] Le recours relativement élevé au congé de paternité ne doit pas non plus dissimuler les dysfonctionnements des autres types de congés parentaux, dont la durée est plus élevée. Le congé parental d’éducation, par exemple, bien que réformé en 2014, peine toujours à attirer les pères, qui ne représentaient en 2015 que 5,1 % de l’ensemble des bénéficiaires de ce congé. »

Se référant à une enquête de l’INSEE, la rapporteure avance deux explications :

« Selon le type de congé considéré, les motifs régulièrement invoqués par les pères pour justifier de cette réticence sont :

  • « d’une part, la perte de revenus problématique pour la situation financière de la famille – lorsque le père occupe un poste mieux rémunéré que sa conjointe –, s’agissant du congé parental d’éducation ;
  • « et, d’autre part, la crainte que ce congé soit un frein à leur carrière. »

Or, nous référant à la même source, il semble que le « frein à [la] carrière » soit une cause assez marginale (6 % des réponses), loin derrière la « perte de revenus » (22 %) et les arrangements alternatifs (17 %). Par ailleurs, il faut noter que la « perte de revenus » n’est en aucune façon liée au fait que « le père occupe un poste mieux rémunéré que sa conjointe » (la perte s’apprécie sur le budget global du couple), et que ce motif joue davantage encore pour celle-ci (39 %)…

 

En tout état de cause, s’il y a quelque part un « impératif d’égalité » à mettre en œuvre, ce serait déjà en indemnisant de la même façon tous les salariés, quel que soit leur statut. Et, avant de penser à un allongement – au demeurant tout à fait souhaitable – de la durée du congé de paternité, ne conviendrait-il pas de trouver les moyens d’indemniser ce dernier de sorte qu’il ne pénalise pas le budget des familles ?

Quoi qu’il en soit, les deux articles ont été adoptés sans modification par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.


Pro memoria

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