Yung (Richard), Question écrite nº 22220 au ministre de la justice sur le conflit de lois applicables au mariage des couples de personnes de même sexe [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 23 S (Q), 9 juin 2016, pp. 2466-2467].
M. Richard Yung interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les règles de conflit de lois applicables au mariage des couples de personnes de même sexe dont l’une au moins n’a pas la nationalité française. L’article 202-1, alinéa 2, du code civil permet d’écarter la loi personnelle d’un des futurs époux lorsque celle-ci prohibe le mariage des couples de personnes de même sexe. Cependant, en vertu de la circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cette dérogation à l’application de la loi personnelle ne peut pas s’appliquer aux ressortissants des pays avec lesquels la France est liée par des conventions prévoyant que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi personnelle. Plus précisément, aux termes d’une instruction ministérielle du 1er août 2013, la célébration du mariage n’est pas admise, « sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions », lorsque la convention spécifie que chaque futur époux est soumis aux dispositions de sa loi nationale (Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Maroc, Monténégro, Pologne, Serbie, Slovénie). À l’inverse, le mariage peut être célébré lorsque la convention ne vise expressément que la situation des Français (Algérie, Cambodge, Laos, Tunisie). Par un arrêt rendu le 28 janvier 2015, la première chambre civile de la Cour de cassation a validé le mariage d’un couple homosexuel franco-marocain, considérant que la convention franco-marocaine du 10 août 1981 permet aux autorités françaises d’écarter la loi marocaine interdisant le mariage des couples de personnes de même sexe, qui est « manifestement incompatible » avec l’ordre public international français. Considérant que la jurisprudence de la Cour de cassation doit pouvoir bénéficier à tous les étrangers, quelle que soit leur nationalité, il lui demande si le Gouvernement envisage de modifier la circulaire précitée, qui autorise toujours les officiers d’état civil à s’opposer à la célébration des mariages impliquant un ou deux ressortissants des pays avec lesquels la France a conclu une convention prévoyant l’application de la loi nationale aux questions relevant du statut personnel.
Yung (Richard), Question écrite nº 23762 au ministre de la justice sur le conflit de lois applicables au mariage des couples de personnes de même sexe [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 42 S (Q), 27 octobre 2016, p. 4695].
M. Richard Yung rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question nº 22220 posée le 09/06/2016 sous le titre : « Conflit de lois applicables au mariage des couples de personnes de même sexe », qui n’a pas obtenu de réponse à ce jour.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 45 S (Q), 17 novembre 2016, pp. 5013-5014.
Si l’article 202-1 alinéa 2 du code civil autorise le mariage aux couples de personnes de même sexe, l’application de ces dispositions s’est avérée délicate au lendemain du vote de la loi dans le cas où la France est liée à un État étranger par une convention bilatérale, dont les dispositions renvoient en matière de mariage à la loi personnelle de l’époux pour apprécier les conditions de fond requises pour contracter mariage. La jurisprudence a toutefois fait évoluer favorablement cette question. La première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi rendu un arrêt le 28 janvier 2015 aux termes duquel elle a étendu le bénéfice de l’article 202-1 alinéa 2 du code civil à un couple de personnes de même sexe franco-marocain, et écarté en conséquence la loi désignée comme applicable par la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, par application de l’article 4 de cette Convention qui précise que la loi de l’un des deux États parties peut être écartée par les juridictions de l’autre État, si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public. La Cour a jugé que tel est le cas de la loi marocaine compétente qui s’oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l’une d’elles soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet. La portée de l’article 202-1 alinéa 2 du code civil au regard notamment des conventions bilatérales visées par la circulaire du 29 mai 2013 étant désormais clarifiée par l’arrêt de la Cour de cassation du 28 janvier 2015, les mariages concernés par la situation visée à cet article, quelle que soit la nationalité des futurs époux, doivent pouvoir être célébrés, sans que le motif de la contrariété de la loi personnelle d’un des membres du couple puisse être invoqué pour s’opposer à ce mariage. Il est donc notamment possible de se marier avec une personne de même sexe ressortissante d’un des pays initialement exclus par la circulaire susvisée (Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Cambodge, Laos, Algérie). En conséquence, le garde des sceaux a invité les parquets qui seraient sollicités, à ne plus s’opposer à ce type de mariage dès lors que les conditions de l’article 202-1 alinéa 2 du code civil, dont le caractère d’ordre public est désormais affirmé par l’arrêt précité, sont réunies.
Question archivée au format PDF (221 Ko, 3 p.).