Rossignol (Laurence), question d’actualité au gouvernement nº 2131G sur les valeurs éducatives, adressée au ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports lors de la séance publique du 17 novembre 2021.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, je souhaite évoquer avec vous la une du Figaro Magazine, qui révèle que nos enfants subiraient à l’école un endoctrinement. À l’appui de cette thèse, Le Figaro Magazine identifie deux dérives : l’antiracisme et la lutte contre l’homophobie.
Il me semblait, jusqu’alors, que l’antiracisme et la lutte contre l’homophobie faisaient partie des valeurs universelles, de celles que décline la devise de la République : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Les enseignants, et de nombreux citoyens, ont ainsi été choqués par cette campagne.
Monsieur le ministre, face à cette offensive, les enseignants ont besoin de vous entendre leur dire que l’antiracisme et la lutte contre l’homophobie sont bien des valeurs que l’école a mission de transmettre aux enfants, et que vous les soutenez.
Telle est la réponse que je vous propose de donner à cette question ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question-réponse et je vous laisserai avec plaisir poursuivre la réponse quand vous reprendrez la parole !
Je souhaite tenir des propos très simples et vous m’en donnez l’occasion, même si je n’ai pas vocation à réagir à chaque article de journal, au risque d’y consacrer mes journées.
L’école, nous en sommes tous d’accord, transmet des connaissances et des valeurs. Lorsqu’elle transmet des connaissances, elle est au cœur de son métier : l’instruction publique. C’est la raison pour laquelle j’insiste tant sur lire, écrire, compter et respecter autrui – on est alors déjà dans votre sujet.
Lorsqu’elle transmet des connaissances, elle transmet ipso facto des valeurs. En effet, si l’on ne sait pas bien lire, on se trouve déjà en difficulté sur la transmission de tout, y compris des valeurs.
Ensuite, l’école transmet des valeurs, en complément de la famille, bien entendu. C’est pourquoi il est important que la famille et l’école convergent. Elle le fait au titre des principes de la République – « Liberté, Égalité, Fraternité » –, et nous avons aussi beaucoup insisté sur la laïcité, car c’est le cadre qui permet l’épanouissement de ces principes.
Ces idées sont claires, elles constituent le socle républicain et il me semble que, à gauche, à droite comme au centre, partout dans l’hémicycle et dans le pays, on pourrait s’accorder sur cela.
Bien entendu, la lutte contre le racisme, le féminisme, la lutte contre l’homophobie s’intègrent complètement dans « Liberté, Égalité, Fraternité », je le dis très fortement. Je soutiens les professeurs qui opèrent cette transmission des valeurs, il n’y a aucun doute sur ce point.
Pourtant, il est exact aussi que notre société est traversée par des courants – je l’ai beaucoup dit ces derniers temps –, parfois venus de l’extérieur, y compris des États-Unis, lesquels ont une résonance dans certains cercles intellectuels et ne sont pas sans influence sur ce qui se passe à l’école ; ne pas le voir serait une erreur.
Madame la sénatrice, je n’ai pas lu les articles que vous avez relevés, j’ai seulement vu leur titre. De mon point de vue, il importe que nous soyons fermes sur les principes républicains sur la base de l’humanisme, c’est-à-dire pas dans une course victimaire. Au contraire, nous devons défendre l’idée que, parce que tous les êtres humains ont la même égale dignité, nous défendons tout le monde contre toute discrimination à l’école. Nous le faisons au nom de l’humanisme et non de la lutte des identités au sein de l’enceinte scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, votre réponse me va bien et je suis heureuse de vous avoir offert l’occasion de la donner au Sénat. Je forme le vœu qu’elle atteigne les enseignants.
Il existe, effectivement, des idéologies nouvelles, qui font l’objet de débats et que l’on peut critiquer, apprécier plus ou moins, voire ne pas apprécier du tout. Pour autant, tout ne se vaut pas.
Mes pensées vont en particulier à la jeune Dinah, cette élève victime de harcèlement scolaire, qui s’est suicidée. Elle était d’abord victime de harcèlement raciste, lesbophobe, homophobe. Elle s’est suicidée parce qu’elle n’en pouvait plus d’entendre « sale métisse » et « sale lesbienne ».
Aujourd’hui, il faut d’abord protéger nos élèves du racisme, de l’antisémitisme et de l’homophobie. C’est cela qui les tue ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)
Mise à jour du 18 novembre 2021
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 117 S (C.R.), 18 novembre 2021, p. 10643] au format PDF (3.35 Mo, 3 p.).