Bouloux (Yves), question écrite nº 23468 au ministre de la Justice sur la lutte contre les violences conjugales [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 25 S (Q), 24 juin 2021, pp. 3924-3925].
M. Yves Bouloux attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre les violences conjugales.
Depuis 2019, les policiers et les gendarmes témoignent d’une augmentation des procédures pour violences dans le couple. Dans la Vienne, en quelques mois, les violences ont augmenté de 26 % en zone police et de 40 % en zone gendarmerie.
Les parquets sont aujourd’hui submergés par cette explosion des violences conjugales. Tous font le même constat : ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour enquêter, et assurer l’accompagnement et le suivi des mesures ordonnées.
Le 7 juin 2021, la conférence nationale des procureurs a appelé à ce que les parquets soient dotés de moyens supplémentaires dédiés à la lutte contre les violences conjugales.
Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que compte prendre, en urgence, le Gouvernement pour faire face à cet afflux de procédures en matière de violences conjugales et, en particulier, si des moyens supplémentaires vont être accordés aux parquets.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 43 S (Q), 4 novembre 2021, pp. 6217-6218.
La lutte contre les violences conjugales est une priorité d’action majeure du ministère de la justice, comme en atteste la circulaire relative à l’amélioration du traitement des violences conjugales et à la protection des victimes du 9 mai 2019. Celle-ci donne des directives de politique pénale aux procureurs de la République afin que la protection des victimes de violences conjugales soit mieux prise en compte. Ces instructions ont été renouvelées par les circulaires récentes, notamment les dépêches des 19 et 27 mai 2021 qui prévoient un signalement immédiat de nouveaux faits de violences conjugales ou de violations d’obligations judiciaires à la permanence du parquet. Il a également été demandé aux services pénitentiaires d’insertion et de probation et de l’application des peines de procéder à un inventaire des suivis en cours pour les condamnés pour violences conjugales. En parallèle, les outils de protection, téléphone grave danger et bracelet anti-rapprochement sont utilisés de manière croissante par les juridictions, avec bientôt 3 000 TGD déployés (1 768 attribués à l’heure actuelle soit plus de 400 % d’augmentation en deux ans et 2 514 déployés) et 434 bracelets anti-rapprochement déjà prononcés, dont 314 sont actifs. Ces dispositifs innovants mobilisent non seulement les forces de l’ordre et les parquets mais également les juges correctionnels, les juges d’application des peines, le personnel de greffe et les associations d’aide aux victimes ou de contrôle judiciaire et les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les ordonnances de protection ont également connu un essor particulier avec + 96 % de demandes acceptées entre 2018 et 2020. Les juridictions ont mis en place de nouvelles organisations pour les délivrer dans le délai de six jours. Les juridictions ont également été incitées, notamment par la dépêche du 27 mai 2021, à organiser des comités de pilotage décloisonnés pour traiter des situations à risque. Ces nouvelles méthodes de travail nécessitent une vigilance et un engagement de chaque instant de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, mais permettent une meilleure efficacité. Des outils pratiques ont été élaborés et diffusés afin de soutenir l’action des juridictions notamment dans la mise en œuvre de filières de l’urgence qui permettent un traitement prioritaire et dédié de tous les dossiers de violences conjugales. Aujourd’hui ce sont 72 juridictions qui ont mis en place ces filières de l’urgence. Par ailleurs, nous renforçons le suivi des auteurs de violences conjugales. C’est ainsi que trois services pénitentiaires d’insertion et de probation expérimentent la réalité virtuelle comme outil de prévention de la récidive. Le principe de cette expérimentation consiste à faire visionner aux auteurs de violences conjugales un film 360º avec un casque de réalité virtuelle. Ils sont ainsi immergés dans une situation ultra-réaliste de violences conjugales. Ce film permet lors du visionnage de changer de point de vue, prenant, selon les moments, la place de l’auteur, celle de la victime ou celle de l’enfant qui assiste aux violences. Cet outil a vocation à servir de base au dialogue entre l’auteur de violences conjugales, les psychologues et les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation afin de travailler sur la perception de l’impact de ses actes, l’empathie et ainsi de travailler sur la prévention de la récidive. Cette expérimentation est accompagnée d’une recherche-évaluation afin de mesurer son impact sur les auteurs et de procéder aux ajustements nécessaires, notamment dans la définition des profils visés et la méthode d’utilisation dans la prise en charge de l’auteur. En outre, j’ai décidé d’étendre sur les 10 régions pénitentiaires l’expérimentation actuellement en cours sur les tribunaux judiciaires de Nîmes et Colmar de contrôle judiciaire avec placement probatoire. Ce nouveau dispositif allie une prise en charge des auteurs avec un hébergement dans une structure adaptée. Le conjoint violent est ainsi immédiatement évincé du domicile conjugal, tout en faisant l’objet d’un strict contrôle des obligations par un suivi renforcé exercé par le SPIP et d’une prise en charge à la fois sanitaire, sociale, éducative et psychologique. Concernant les moyens dévolus à la lutte contre les violences conjugales au sein des juridictions, il vient d’être mis en œuvre un plan de recrutement de contractuels spécifiquement positionnés sur le traitement de ce contentieux. Ce renfort est arrivé en juridiction au 1er septembre 2021. Il concerne les juridictions du premier et du deuxième groupe, ainsi que les juridictions du troisième groupe qui présentent les volumes de procédures de violences conjugales les plus significatifs. Ainsi, 61 tribunaux judiciaires sont autorisés à recruter 1 agent pour une durée de 3 ans : soit en qualité d’assistant spécialisé, soit en qualité de juriste-assistant, soit en qualité d’agent contractuel de catégorie A, selon l’appréciation des chefs de cour et de juridiction. Par ailleurs, le soutien aux autres tribunaux judiciaires s’est fait également par une autorisation de recrutement d’un agent contractuel de catégorie A, pour une durée de 4 mois, renouvelable au vu des besoins qui seront identifiés. Ces recrutements, qui viennent s’ajouter aux nombreux renforts déjà accordés aux juridictions dans le cadre de la mise en œuvre de la justice de proximité (près de 2 000 emplois créés en un an, représentant une hausse de 11,2 % des effectifs de personnels non magistrats), doivent permettre la mise en œuvre d’une politique pénale proactive de lutte contre les violences conjugales. Cet effort est confirmé et amplifié en 2022 avec un budget proposé en hausse de + 25 % pour l’aide aux victimes.
Question archivée au format PDF (138 Ko, 3 p.).