Conflit parental entre l’Angleterre et le Pakistan

Courts and Tribunal Judiciary

Siégeant à la Haute Cour de justice d’Angleterre et du pays de Galles, le juge Alistair MacDonald a débouté aujourd’hui une mère qui demandait le retour en Angleterre d’un de ses enfants prétendument retenu au Pakistan par la famille paternelle. Nonobstant les particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche, il nous paraît utile de signaler cette décision à l’attention de nos lecteurs, puisqu’elle concerne l’importante notion de résidence habituelle d’un enfant au regard de sa potentielle rétention illégale dans un pays étranger.

Contexte

En l’espèce, un couple marié en décembre 2007 au Royaume-Uni avait eu trois enfants, nés en juillet 2008, octobre 2010 et août 2016 (§§ 1…5). La famille avait suscité l’attention des services sociaux en octobre 2016, après que l’aîné eût révélé à son école que sa mère l’avait battu (§ 6). La mère s’était rendue en octobre 2020 au Pakistan pour y subir une intervention chirurgicale, emmenant avec elle l’aîné et le benjamin (§ 7). Le père et le cadet les avaient rejoints en novembre puis étaient rentrés en Angleterre le mois suivant. Laissant l’aîné au Pakistan dans la famille paternelle, la mère était retournée à son tour en Angleterre avec le benjamin en février dernier. Le couple s’était séparés une semaine plus tard (§ 8). La mère avait saisi les juridictions anglaises le mois suivant aux fins d’empêcher le père d’emmener le benjamin et le cadet au Pakistan, et d’ordonner le retour de l’aîné en Angleterre (§ 15).

Procédure

Le contentieux présenté au juge Alistair MacDonald portait sur la présence de l’aîné dans la famille paternelle au Pakistan. Le père affirmait que la mère et lui étaient convenus que l’enfant serait scolarisé au Pakistan tandis que la mère soutenait que le sujet avait certes été discuté mais qu’elle n’avait pas été d’accord et qu’elle avait été contrainte de rentrer en Angleterre sans l’aîné. Le père avait pu prouver que l’enfant avait été inscrit dans sa nouvelle école un mois avant son départ d’Angleterre et que la mère avait envoyé un courriel à l’administration scolaire anglaise pour l’en informer (§§ 9-10).

La mère alléguait aussi que l’aîné avait été l’objet d’attouchements inappropriés par l’un des chauffeurs de la famille paternelle en février dernier. L’enfant avait cependant démenti par écrit ces allégations (§ 12).

Enfin, l’aîné avait également été interrogé par un agent du Children and Family Court Advisory and Support Service et il ressortait très clairement du rapport remis au juge Alistair MacDonald que la scolarisation de l’enfant au Pakistan avait été prévue de longue date, qu’il se sentait bien avec ses grands-parents paternels ainsi que dans son école, et qu’il ne souhaitait pas retourner au Royaume-Uni dans l’immédiat (§ 13).

Il restait au juge Alistair MacDonald de répondre aux deux questions suivantes (§ 1) :

  1. Un enfant de près de treize ans vivant au Pakistan depuis neuf mois a-t-il encore sa résidence habituelle en Angleterre ?
  2. Dans l’affirmative, le tribunal doit-il ordonner le retour de l’enfant ?

Dispositions législatives applicables (§§ 16-24)

Le juge Alistair MacDonald a d’abord rejeté l’argumentation de l’avocat de la mère selon qui la détermination de la résidence habituelle aurait changé depuis le Brexit (§ 16) :

« There is nothing to suggest that the test for habitual residence, as distinct from the legal framework within that concept subsists, has changed following the departure of the United Kingdom from the EU. »

Ayant exposé brièvement la jurisprudence idoine (§§ 17-19), il a ensuite examiné l’approche appropriée pour les demandes de retour immédiat en vertu de l’inherent jurisdiction, en se référant notamment à la décision Re NY (A Child) [2019] UKSC 49 (§§ 20-24) :

« 21. No one seeks to suggest in this case that the invocation of the inherent jurisdiction as the vehicle by which the mother seeks a summary return order is unreasonable. Where the application is made under the inherent jurisdiction, the question of summary return turns on welfare. The child’s best interests are the court’s paramount concern when considering an application for return in the exercise of the inherent jurisdiction. […]

[…]

« 23. In Re NY (A Child) Lord Wilson considered that when evaluating the question of welfare in an application under the inherent jurisdiction the court is likely to find it appropriate to consider the first six items in the section 1(3) Children Act “welfare checklist” […]. »

Discussion (§§ 25-37)

La résidence habituelle de l’enfant était sans conteste en Angleterre avant son départ au Pakistan en octobre 2020. Il y était né, y avait grandi et sa langue maternelle était l’anglais. Il avait cependant des liens durables avec le Pakistan, où il avait déjà effectué de longs séjours, et son intégration pouvait y être plus rapide que dans un pays inconnu de lui.

Le juge Alistair MacDonald a estimé que les parents s’étaient bien mis d’accord pour que l’enfant fût scolarisé au Pakistan, qu’il y était bien installé, que sa famille paternelle s’en occupait bien et que rien ne permettait de soutenir les allégations de la mère, selon qui l’enfant aurait été l’objet d’attouchements inappropriés.

Les sentiments et souhaits fortement exprimés par l’enfant démontraient par ailleurs qu’icelui se considérait bien intégré dans son environnement familial et social au Pakistan.

Le juge Alistair MacDonald en a conclu que la résidence habituelle de l’enfant était désormais au Pakistan et a rejeté la requête de la mère.

Références
High Court of Justice (England and Wales)
Date : 22 juillet 2021
Décision : H v R (Habitual Residence in Pakistan) [2021] EWHC 2024 (Fam)

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