Question sur la réforme du Conseil économique, social et environnemental et les droits des femmes

Sénat

Rossignol (Laurence), question orale nº 1715S au Premier ministre sur la réforme du Conseil économique, social et environnemental et les droits des femmes [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 23 S (Q), 10 juin 2021, p. 3616].

Laurence Rossignol (© D.R.)

Laurence Rossignol (© D.R.)

Mme Laurence Rossignol attire l’attention de M. le Premier ministre à propos de la place de l’expertise en matière des droits des femmes au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le 15 janvier 2021 a été promulguée la loi organique nº 2021-27 visant à renforcer la place du CESE et la portée de ses avis, c’est-à-dire à faire du CESE un acteur clé de notre démocratie. Pour reprendre le vocabulaire employé à l’occasion de la présentation du texte, le CESE doit être : « le carrefour des consultations publiques et renouer avec sa vocation à représenter la société. »

Le 8 mars 2021, elle a envoyé un courrier au Premier ministre afin d’attirer son attention sur la nécessité d’améliorer la représentation des associations expertes en droits des femmes, en leur réservant 2 places au moment de la nomination des 45 représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative dont la répartition est précisée par décret en Conseil d’État.

Huit représentants de la vie associative ont finalement été désignés par le mouvement associatif. Aucune association experte en droits des femmes n’a été désignée dans ce cadre.

C’est dans le cadre des représentants de la cohésion sociale et territoriale qu’a été nommée une représentante de la fédération nationale solidarité femmes (FNSF). La présence de la FNSF est une bonne nouvelle, mais il n’aura échappé à personne que cette association est spécialisée dans la lutte contre les violences. C’est un sujet crucial dans lequel notre pays doit continuer à progresser. Pour autant, les droits des femmes ne peuvent pas se résumer à la question des violences, d’autant plus dans une instance consacrée à la vie économique, sociale et environnementale.

Depuis sa création en 1925, le Conseil a évolué afin de s’adapter aux besoins de la société. Puisque la grande cause du quinquennat est l’égalité entre les femmes et les hommes et que le CESE doit être un acteur clé de notre démocratie, il est légitime que ses représentants incarnent les dynamiques de notre pays. Aujourd’hui, soutenir et renforcer la mise en mouvement des femmes est un enjeu de transformation de la société, tant sur les enjeux d’égalité que sur l’ensemble des questions économiques et sociales. Il y a un besoin indéniable d’experts et d’expertes en droits des femmes, tout à la fois pour les questions spécifiques des droits des femmes et pour interroger les différentes transformations et réformes de manière intégrée.

Le renforcement du CESE et de la portée de ses avis par la loi du 15 janvier 2021 aurait pu être un levier au service de la grande cause du quinquennat. Or les annonces relatives à sa composition et les incertitudes qui persistent quant à son organisation (les droits des femmes auront-ils une commission ?) suscitent une forte inquiétude parmi les experts de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Elle lui demande comment le Gouvernement compte s’assurer que les droits des femmes fassent pleinement partie de l’expertise économique, sociale et environnementale du nouveau CESE.


Réponse du ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances lors de la séance publique du 20 juillet 2021.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question nº 1715, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Mme Laurence Rossignol. Le 15 janvier 2021, la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE), visant à renforcer la place de cette institution et la portée de ses avis, a été adoptée.

Pour reprendre le vocabulaire employé dans l’exposé des motifs, le CESE doit être le « carrefour des consultations publiques » et « renouer avec sa vocation de représentation de la société civile ».

Le 8 mars 2021, j’ai envoyé un courrier au Premier ministre, appelant son attention sur la nécessité d’améliorer la représentation des associations expertes en droits des femmes, en leur réservant deux places parmi les quarante-cinq représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative.

Huit représentants de la vie associative ont finalement été désignés par le mouvement associatif. Or aucune association experte en droits des femmes n’a été désignée dans ce cadre. Au titre des représentants de la cohésion sociale et territoriale, seule une représentante d’une association a été nommée, à savoir une représentante de la Fédération nationale Solidarité Femmes, la FNSF.

La présence de la FNSF est une très bonne nouvelle ; je m’en réjouis. Cette fédération est spécialisée dans la lutte contre les violences, un sujet crucial sur lequel notre pays doit continuer à progresser. Pour autant, les droits des femmes ne se résument pas à la question des violences, d’autant plus dans une instance consacrée à la vie économique, sociale et environnementale.

Depuis sa création en 1925, le CESE a évolué, afin de s’adapter aux besoins de la société. Puisque la grande cause du quinquennat est l’égalité entre les femmes et les hommes et que le CESE est supposé être un acteur clé de notre démocratie, il est légitime que ses représentants incarnent les dynamiques de notre pays.

Il y a un besoin indéniable d’experts et d’expertes en droits des femmes, tout à la fois pour les questions spécifiques aux droits des femmes et pour interroger les différentes transformations et réformes de manière intégrée.

Le CESE aurait pu servir de levier à cette grande cause. Les annonces actuelles relatives tant à son organisation qu’à sa composition suscitent une forte inquiétude parmi les experts de l’égalité entre les femmes et les hommes – nous ne sommes pas assurés que les droits des femmes soient traités par une commission ou par une délégation dédiée.

Cette question, je l’adresse également au Premier ministre. Comment compte-t-il agir pour que les droits des femmes fassent pleinement partie de l’expertise économique, sociale et environnementale du nouveau CESE ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice, vous évoquez le rôle du CESE dans la promotion des droits des femmes.

Je veux tout d’abord vous répondre sur sa composition.

Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion d’échanger avec le nouveau président du CESE, M. Thierry Beaudet, et la nouvelle présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité, Mme Agathe Hamel.

Cette délégation est composée de nombreuses personnalités au parcours féministe remarquable ; je suis certaine que vous les connaissez. Tel est le cas de Béatrice Clicq, secrétaire confédérale de Force ouvrière, chargée de l’égalité professionnelle et de la lutte contre les discriminations. Je pense aussi à Aminata Niakaté, avocate, ancienne présidente de la commission Égalité du Conseil national des barreaux et présidente de la commission Parité et égalité de l’Union nationale des professions libérales.

La FNSF siège bien au sein de cette délégation du CESE ; elle mène un travail essentiel sur la prévention et la promotion de l’égalité, même en dehors du champ des violences.

Sur le fond, cette délégation a pour ambition de promouvoir les droits des femmes. Elle ne se contentera pas de traiter le sujet des violences faites aux femmes, bien que ce sujet soit éminemment important, vous l’avez rappelé.

Les travaux du CESE en matière de droits des femmes ont déjà permis d’alerter les pouvoirs publics et d’améliorer l’action de l’État. Voyez plutôt le rapport Droits sexuels et reproductifs en Europe : entre menaces et progrès ou le rapport Crise sanitaire et inégalités de genre.

Enfin, comme me l’a affirmé Agathe Hamel, dans les prochaines priorités du mandat figurent non seulement l’éradication des violences faites aux femmes, mais aussi l’égalité professionnelle, la construction d’une culture de l’égalité ou encore la promotion des femmes aux postes décisionnels.

Je suis convaincue que cette délégation, ainsi que l’ensemble des membres du CESE, se saisiront de ces enjeux avec une grande détermination. Et je vous remercie, madame la sénatrice, de me permettre d’éclaircir ce point extrêmement important.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Il n’empêche, une association représentant les droits des femmes uniquement dans le domaine des violences, sans défendre la dimension systémique, n’est ni satisfaisante ni suffisante, même si j’ai confiance dans le fait que des personnalités féministes sont présentes dans l’ensemble du monde syndical, professionnel et associatif.

Je me réjouis de l’intégration de la FNSF, mais celle-ci n’est pas une association de défense des droits des femmes et de l’égalité !

Mise à jour du 21 juillet 2021

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