Lavarde (Christine), question orale nº 1459S au ministre de la Justice sur les moyens du tribunal judiciaire de Nanterre [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 2 S (Q), 14 janvier 2021, p. 118].
Mme Christine Lavarde attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les moyens du tribunal judiciaire (TJ) de Nanterre, et particulièrement sur le manque de moyens humains.
Le département des Hauts-de-Seine, deuxième département français le plus densément peuplé, avec plus de 1,6 million d’habitants, plus de 6 000 sièges sociaux et un des plus grands quartiers d’affaires d’Europe avec le site de la Défense mérite une juridiction correctement dotée en moyens humains et matériels. L’absence de moyens se traduit par des délais d’audience de plus en plus longs, et des magistrats et greffiers, malgré leur dévouement et leur implication, fatigués et découragés.
Par exemple, alors que les violences familiales ont augmenté de 36 % lors du premier confinement et de 60 % lors du second (données nationales), les dossiers de divorce ne sont audiencés que plus d’un an après la mise en état terminée.
La présidente du tribunal indiquait en avril 2020 qu’entre le 16 mars et le 11 mai, 432 audiences civiles ont été renvoyées, représentant 9 500 dossiers. À la suite de la grève des avocats, et avant même l’entrée en vigueur du confinement, deux chambres civiles fixaient déjà leurs audiences jusqu’en 2022.
Le dévouement des magistrats et des greffiers ne peut suffire à régler la situation.
Elle lui demande quels sont les moyens concrets qu’il entend mettre en place pour régler cette situation devenue urgente et combien d’ouvertures de postes sont budgétées en 2021 pour le TJ de Nanterre.
Réponse du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, lors de la séance publique du 9 février 2021.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, auteur de la question nº 1459, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christine Lavarde. Madame la ministre, je vais vous faire voyager et vous emmener dans les Hauts-de-Seine. Ma question portera sur les moyens de la justice dans ce département.
Les Hauts-de-Seine comptent 1,6 million d’habitants, plus de 6 000 sièges sociaux et l’un des plus grands quartiers d’affaires d’Europe, le site de la Défense. Aujourd’hui, la juridiction est sous-dotée en moyens à la fois humains et matériels. Le tribunal judiciaire de Nanterre est pourtant la cinquième juridiction française.
La juridiction est composée de 108 magistrats du siège, dont 101 en effectif réel. Selon la présidente du tribunal, Mme Catherine Pautrat, il en faudrait dix de plus. Elle écrit elle-même qu’elle mène un combat auprès de sa hiérarchie « pour que les effectifs de la juridiction de Nanterre soient revalorisés comme ils l’ont été à Marseille, Lyon ou Bobigny ». Par ailleurs, les 172 greffiers et 20 directeurs des services de greffe sont aussi en nombre insuffisant selon les bâtonniers.
Cette absence de moyens se traduit par des délais d’audience de plus en plus longs. L’implication des magistrats et des greffiers ne suffit pas. Par exemple, alors que les violences familiales ont augmenté de 36 % lors du premier confinement et de 60 % lors du second, les dossiers de divorce ne sont audiencés que plus d’un an après la mise en état terminée, soit un des plus longs délais sur l’ensemble du territoire national.
La présidente du tribunal indiquait en avril 2020 que, entre le 16 mars et le 11 mai, 432 audiences civiles ont été renvoyées, représentant 9 500 dossiers. Par ailleurs, à la suite de la grève des avocats, et avant même l’entrée en vigueur du confinement, deux chambres civiles fixaient déjà leurs audiences jusqu’en 2022. Le délai d’obtention d’une date de référé, c’est-à-dire d’une procédure d’urgence, est de quatre mois.
Dans les autres tribunaux de la juridiction, les délais sont également très longs. Ainsi, au conseil des prud’hommes de Nanterre, il faut attendre jusqu’à 2024. Au tribunal de proximité de Puteaux, le délai est de treize mois pour obtenir en référé une date d’audience.
Je l’ai dit, le dévouement des magistrats et des greffiers ne peut suffire à régler les problèmes. Quels moyens humains et matériels vont donc être accordés au tribunal judiciaire de Nanterre en 2021 et en 2022 ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice Lavarde, votre question porte sur une thématique que suit tout particulièrement le garde des sceaux : la constitution de stocks d’affaires en raison des effets conjugués de la grève des avocats et de la crise sanitaire.
Vous l’avez rappelé, la mobilisation des magistrats et des greffiers n’est pas à remettre en cause. Les juridictions sont d’ores et déjà mobilisées pour réduire les stocks et les parquets ont réalisé un important travail de réorientation des procédures pénales. Mais, vous avez raison, il faut aller encore plus loin.
Afin de soutenir les juridictions dans la réduction des délais de traitement des affaires et leur permettre de résorber de manière importante leur stock, le garde des sceaux a décidé de confier à un groupe de travail la responsabilité de lui soumettre des propositions concrètes. Ce groupe de travail pluridisciplinaire est composé de magistrats, de fonctionnaires de justice et d’avocats. Il a pour mission de proposer au garde des sceaux toutes les mesures nécessaires, rapidement opérationnelles, pour atteindre cet objectif. Les recommandations de ce groupe sont attendues pour le 31 mars prochain.
S’agissant des emplois, le budget du ministère de la justice pour 2021 ayant connu une hausse historique, les juridictions bénéficient à l’échelon national de 914 emplois en renfort dans le cadre de la justice de proximité.
Le tribunal judiciaire de Nanterre a ainsi bénéficié de la création de 19 emplois, ce qui représente une augmentation des effectifs de 5,4 %, dont deux renforts seront plus particulièrement affectés au soutien du pôle famille.
Ces renforts s’inscrivent dans une trajectoire de consolidation des effectifs de greffe du tribunal judiciaire de Nanterre, qui ont augmenté de 16 emplois au cours des cinq dernières années, soit une hausse de 5,4 %, bien supérieure, en moyenne, à celle des autres juridictions à l’échelon national sur la même période, qui s’établit à 1,6 %.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Vous évoquez la constitution d’un groupe de travail, ce qui signifie qu’il ne me sera pas apporté de réponse dans l’immédiat. Je vérifierai, madame la ministre, que les nouveaux emplois que vous venez d’indiquer auront bien été créés postérieurement à la rentrée solennelle du tribunal, à laquelle j’ai assisté. On m’avait alors indiqué que les moyens étaient défaillants.
Pour faire sourire les sénateurs présents, j’indique que le tribunal va enfin pouvoir ouvrir ses fenêtres, après quarante-huit ans de fermeture, grâce aux travaux qui vont être réalisés au cours des prochains mois. Vous le voyez, nous sommes tout de même assez loin d’une justice efficace !
Mise à jour du 10 février 2021
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 12 S (C.R.), 10 février 2021, pp. 904-905] au format PDF (387 Ko, 3 p.).