Question sur la fin de la prescription quinquennale des actions en paiement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 34 S (Q), 27 août 2020

Cohen (Laurence), question écrite nº 13874 à la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur la fin de la prescription quinquennale des actions en paiement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 3 S (Q), 16 janvier 2020, pp. 236-237].

Laurence Cohen (© D.R.)

Laurence Cohen (© D.R.)

Mme Laurence Cohen alerte Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la problématique sérieuse que pose la prescription de cinq ans pour les actions de paiement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation d’un enfant majeur.

En effet, lorsqu’un lien de filiation est judiciairement déclaré et prouvé, son établissement, en raison de son caractère déclaratif, a un effet rétroactif. Corrélativement, en application de l’article 371-2 du code civil, les parents sont rétroactivement tenus à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, de jurisprudence constante. Bien que le droit ait évolué et que la règle « aliments ne s’arréragent pas » ne s’applique pas en ce domaine, notre droit conserve malheureusement encore des failles juridiques qui mettent en situation de précarité des enfants et très souvent leurs mère.

Ce sont chaque année des dizaines d’entre elles qui suite à une action de recherche en paternité se voient privées de pensions alimentaires au motif de la prescription de l’action invoquée par les pères.

À l’aune du projet de loi en préparation pour l’émancipation économique des femmes, il apparaît plus qu’urgent que ces problématiques d’actions en paiement des contributions à l’entretien et à l’éducation ne viennent pas entraver et compliquer des parcours qui ont déjà impacté les trajectoires individuelles.

Il existe un lien très fort entre la précarité et les pensions alimentaires impayées ou mal payées. Ces compensations financières qu’ils et elles sont en droit de percevoir devraient être la règle de droit commun et n’être remises en cause ni par une annulation de jugement, ni par le motif de la prescription lorsque la filiation est établie.

Aussi, elle lui demande si la fin ou l’allongement du délai de prescription sera porté dans le futur projet de loi pour l’émancipation économique des femmes.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 34 S (Q), 27 août 2020, pp. 3799-3800.

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

L’action en recherche de paternité est réservée à l’enfant, représenté par sa mère durant sa minorité. Elle doit être exercée dans un délai de dix ans à compter de la naissance. Cependant, la prescription étant suspendue en faveur de l’enfant pendant sa minorité, celui-ci est également recevable à agir de sa majorité jusqu’à l’âge de vingt-huit ans. Le tribunal judiciaire qui fait droit à la demande peut, dans le même jugement, statuer sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Les arrérages de pension ne peuvent toutefois pas être réclamés pour la période antérieure à cinq ans avant l’assignation en recherche de paternité. En effet, s’il est vrai que l’adage « aliments ne s’arréragent pas », selon lequel les obligations alimentaires n’ont pas vocation à être capitalisées, ne s’applique pas à la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, celle-ci n’ayant pas un caractère purement alimentaire, il n’en demeure pas moins que l’action fondée sur l’article 371-2 du code civil visant à voir fixer une contribution à l’entretien et à l’éducation d’un enfant est soumise à la prescription quinquennale de droit commun, y compris lorsque la paternité d’un enfant est établie à l’issue d’une action judiciaire dont les effets sont eux rétroactifs au jour de la naissance. La réforme de la prescription de 2008 n’a rien changé sur ce point. Il ne s’agit pas d’un oubli du législateur, mais de la nécessité de prévenir des effets disproportionnés d’une action judiciaire tardive en recherche de paternité pouvant aboutir à voir condamner un débiteur (susceptible au demeurant d’ignorer de bonne foi sa paternité), à régler à titre rétroactif des sommes excessives. La capitalisation des arrérages sur une période de cinq ans est d’ores et déjà susceptible de conduire à des condamnations pécuniaires d’un montant très élevé. Il n’apparaît pas opportun en conséquence de remettre en cause l’application de la prescription quinquennale en matière de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. Les mères, pour bénéficier du soutien financier plein et entier du père de leur enfant, doivent en conséquence engager l’action en [recherche de] paternité, au nom de celui-ci, dès ses premières années, dans l’intérêt même de l’enfant.


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