Question sur les mariages suspicieux

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 34 S (Q), 27 août 2020

Savin (Michel), question écrite nº 12133 à la ministre de la Justice sur les mariages suspicieux [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 35 S (Q), 5 septembre 2019, p. 4451].

Michel Savin (© D.R.)

Michel Savin (© D.R.)

M. Michel Savin attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les suspicions de mariages blancs qui s’imposent à de nombreux maires, en amont de la célébration de ceux-ci, l’un des contractants se trouvant en situation irrégulière.

Dans le cadre des formalités nécessaires à l’organisation du mariage, en sa qualité d’officier d’état-civil, le maire fait procéder, conformément à l’article 63 du code civil, à l’audition des requérants.

Cependant, aucune disposition législative ne subordonne la célébration d’un mariage à la régularité de la situation d’un étranger au regard des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire français. Il ne peut donc être refusé, par un service d’état-civil d’une collectivité, de traiter un dossier de mariage, du simple fait de la situation irrégulière de l’un des époux.

Il semble s’avérer, par ailleurs, que les procureurs de la République, ont de grandes difficultés à s’opposer à ce type de mariage par manque de motifs suffisants permettant de remettre en cause la sincérité matrimoniale des futurs époux.

Aussi, il le remercie de bien vouloir lui indiquer s’il ne serait pas utile, si l’État souhaite véritablement s’opposer au flux migratoire et à certaines pratiques mettant en doute la sincérité des contractants, de prendre des mesures destinées à contrôler davantage les projets de mariages précités.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 34 S (Q), 27 août 2020, pp. 3796-3797.

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

Depuis 1993, diverses lois sont venues étoffer les dispositifs mis en place pour lutter contre les mariages frauduleux ou forcés, en particulier contractés aux fins d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour sur le territoire français, voire à terme la natoinalité [sic] française. Ainsi en est-il du renforcement du formalisme préalable à toute célébration de mariage, en particulier de l’audition des futurs époux instaurée par la loi nº 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Une telle audition est susceptible d’étayer le signalement effectué par l’officier de l’état civil au procureur de la République qui peut, conformément à l’article 175-2 du code civil, surseoir ou s’opposer à un mariage dont il estime qu’il serait contracté exclusivement à des fins migratoires. La jurisprudence rendue en matière de mariages frauduleux ainsi que l’expérience des parquets et des officiers de l’état civil ont permis de lister un certain nombre d’indices ou d’indicateurs de fraude du mariage dont un grand nombre sont mis en exergue grâce à l’attention particulière des officiers de l’état civil instruisant les dossiers de mariage. Tel est le cas notamment de l’indication d’une adresse fausse, des retards répétés et non justifiés pour produire des pièces du dossier de mariage, des projets de mariages successivement reportés ou annulés, de la présentation du dossier de mariage et de l’accomplissement des diverses formalités par un seul époux sans que l’autre n’y soit jamais associé, de l’existence de projets de mariages de couples différents comportant les mêmes témoins, de l’intervention dans plusieurs dossiers de mariage d’une même personne servant d’intermédiaire voire d’interprète, de l’existence de divorces et remariages multiples dissous par divorce à des dates rapprochées pour l’un des conjoints, etc. L’examen du dossier de mariage et l’enquête éventuellement diligentée sont ainsi indispensables et permettent, s’il y a lieu, au procureur de la République de s’opposer à la célébration du mariage, dans le respect des droits fondamentaux. Il est d’ailleurs rappelé que, dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition de la loi précitée du 26 novembre 2003 qui permettait à l’officier de l’état civil de considérer que le séjour irrégulier de l’étranger en France était un indice du caractère frauduleux du mariage faisant obstacle à celui-ci. Par ailleurs, le procureur de la République peut également contester un mariage frauduleux, a posteriori, en assignant les époux devant le tribunal judiciaire aux fins d’annulation du mariage. Cette procédure permet de lutter contre les mariages effectués à de seules fins migratoires, dans les hypothèses où les indices de fraude sont trop ténus avant la célébration du mariage ou lorsque la fraude ne se révèle qu’après la cérémonie. Ainsi, le Gouvernement estime que les dispositifs légaux mis en place apparaissent appropriés pour lutter contre les mariages frauduleux tout en préservant la liberté fondamentale du mariage.


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