Conflit familial entre l’Angleterre et l’Espagne (3e round)

Courts and Tribunal Judiciary

La Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles a rendu aujourd’hui une intéressante décision dans une affaire internationale de divorce assez complexe et conflictuelle dont nous nous sommes déjà fait l’écho – voir nos chroniques du 14 septembre 2017 et du 3 février dernier, dont nous reprendrons l’essentiel plus bas. Le règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « règlement Bruxelles II bis », est toujours au cœur de la procédure. Nonobstant certaines particularités du régime de common law en vigueur outre-Manche, cette chronique pourrait aussi intéresser certains de nos lecteurs puisque les principes en cause ont une valeur pratiquement universelle.

Contexte

En l’espèce, un couple espagnol s’était marié en 2002 et avait eu un premier enfant l’année suivante. Le couple s’était installé en 2006 en Angleterre, où il avait eu un deuxième enfant la même année. La famille était retournée en Espagne en 2011, puis les parents s’étaient séparés en 2013 (jugement du 4 août 2020, § 7). La mère avait intenté une procédure de divorce en septembre 2013, en demandant que les enfants vivent avec elle en Angleterre, où elle avait trouvé un emploi. Un tribunal espagnol ayant accueilli cette demande à titre provisoire, la mère et les enfants avaient déménagé au Royaume-Uni en décembre 2013. Conformément à l’ordonnance provisoire, les enfants passaient un mois chaque été et une semaine à Noël avec leur père en Espagne (§ 8).

Dans le cours de la procédure de divorce qui se poursuivait, une psychologue nommée par le tribunal de première instance de Pamplona rapporta le souhait exprimé par les deux enfants de vivre avec leur père (§ 9). Le tribunal de Pamplona rendit son jugement définitif en juin 2016, fixant la résidence des enfants chez leur père en Espagne et accordant à la mère un droit de visite et d’hébergement pendant les vacances scolaires. La mère (cardiologue) était par ailleurs condamnée à payer une pension alimentaire mensuelle de 500 euros pour chaque enfant (§ 10).

La mère fit bien sûr appel de la décision en septembre 2016 et enleva les enfants pour les ramener en Angleterre. Le tribunal espagnol rendit peu après une ordonnance intimant à la mère de ramener les enfants en Espagne et la condamnant à une astreinte de 100 euros par jour de non exécution (§ 10). Le père déposa le mois suivant une requête auprès des juridictions anglaises pour que soient localisés ses enfants et que les décisions espagnoles soient exécutées (§ 11).

En raison de la procédure d’appel pendante en Espagne, la requête du père fit l’objet d’un sursis à statuer en novembre 2016 (application de l’article 27 du règlement Bruxelles II bis), et un tuteur fut désigné pour représenter les enfants, admis comme parties à la procédure devant la juridiction anglaise. Alors âgés de onze et quatorze ans, les enfants exprimèrent clairement à leur tuteur leur souhait de rester en Angleterre avec leur mère et lui confièrent que c’était leur père qui les avait persuadés de dire à la psychologue espagnole qu’ils voulaient vivre en Espagne (§ 11).

Un petit incident eut lieu en avril 2017 : alors que les enfants devaient passer les deux semaines de vacances de Pâques en Espagne avec leur père, icelui les emmena en Extrême-Orient avec l’intention d’y rester. L’aide du consul d’Espagne à Jakarta permit à la mère de retrouver les enfants en Indonésie et de les ramener en Angleterre (§ 12).

La cour d’appel espagnole décida en juillet 2017 de faire procéder à de nouvelles auditions des enfants. Le père déposa alors une plainte à la fin du mois suivant afin que la mère soit arrêtée lorsqu’elle amènerait les enfants en Espagne pour l’audition prévue en septembre – ce que la mère se garda bien de faire (§ 13).

Premier round

C’est dans ce contexte que s’était déroulée l’audience du 4 septembre 2017 devant la High Court of Justice (Family Division), qui a donné lieu au premier jugement précédemment commenté. Le juge Andrew Baker avait dû notamment y déterminer (jugement du 14 septembre 2017, § 17) :

  1. la compétence des tribunaux d’Angleterre et du Pays de Galles pour rendre des décisions concernant les enfants ;
  2. la suite à donner aux démarches du père pour faire reconnaître et exécuter les décisions espagnoles ;
  3. la nécessité de demander au tribunal espagnol de transférer la procédure à la juridiction anglaise, sur le fondement de l’article 15 du règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit « règlement Bruxelles II bis ».

La détermination des deux premiers points n’avait pas posé de problème. Il était évident que les tribunaux d’Angleterre et du Pays de Galles n’étaient pas compétents puisque les juridictions espagnoles avaient été « first seised », au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement Bruxelles II bis, et que la procédure initiale de divorce ainsi que la procédure d’appel se poursuivaient toujours « seamlessly » devant les tribunaux espagnols (§ 21). Prenant par ailleurs acte de l’appel en instance, de l’irrésolution du père sur ce point et des souhaits explicites des enfants, le juge Andrew Baker avait estimé qu’il n’était pas opportun de remettre en cause le sursis à statuer sur la requête en reconnaissance et exécution des décisions espagnoles (§ 23).

Restait donc à déterminer l’opportunité de demander le transfert des procédures d’Espagne en Angleterre. L’article 15 du règlement Bruxelles II bis stipule que cette procédure exceptionnelle ne peut avoir lieu que lorsque l’enfant a un lien particulier avec un État membre, dont les juridictions seraient mieux placées pour entendre l’affaire (ou une partie spécifique d’icelle), et que le transfert serait conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant (§§ 24-30).

Le juge Andrew Baker tint également compte de la jurisprudence, notamment AB v JLB Brussels II Revised Article 15 [2009] 1 FLR 517 (§ 31), et en tira les conclusions suivantes :

« (1) An exception

« 33. First, “the power to transfer a case or part of the case to the courts of another Member State is an exception to the general principle as the opening words of Article 15(1) make clear” (per Lewison LJ in Re M, […] at paragraph 50). “An exception does not necessarily require that the circumstances be exceptional. Nevertheless, it is an exception to the general rule, that the future of children should be decided in the courts of the member state where they are habitually resident. In general, it is expected that exceptions will be narrowly construed and applied” (per Baroness Hale of Richmond, with whom the other judges agreed, in Re N, […] at para 40).

« (2) When should the request be made?

« 34. Secondly, “the question of whether there should be a request under Article 15 should be considered alongside other jurisdiction issues at the earliest opportunity” (per Ryder LJ and Sir James Munby P in Re M at paragraphs 47 and 58 respectively). Although a transfer request may be made at any time, it will rarely be the case that another court would be better placed to hear the case when a judge has already heard and considered the evidence (per Baroness Hale of Richmond in Re N, […] at para 50).

« (3) The first question – “particular connection”

« 35. Thirdly, so far as the first question is concerned – the “particular connection” question – “in order to establish the existence of such a connection in a given case, reference must be made to the factors that are listed, exhaustively, in Article 15(3)(a) to (e)…. It follows that cases where those factors are lacking are immediately excluded from the transfer mechanism” (per CJEU in Child and Family Agency v D, para 51).

« (4) The second question – “better placed”

« 36. Fourth, so far as the second question is concerned – the “better placed” question – in deciding whether another court is better placed to hear the case, or a specific part thereof, the CJEU observed in Child and Family Agency v D, para 57, that

« “the court having jurisdiction must determine whether the transfer of the case to that other court is such as to provide genuine and specific added value, with respect to the decision to be taken in relation to the child, as compared with the possibility of the case remaining before that court. In that context, the court having jurisdiction may take into account, among other factors, the rules of procedure in the other Member State, such as those applicable to the taking of evidence required for dealing with the case. However, the court having jurisdiction should not take into consideration, within such an assessment, the substantive law of that other Member State which might be applicable by the court of that other Member State, if the case were transferred to it. If the court were to take that into consideration, doing so would be in breach of the principles of mutual trust between Member States and mutual recognition of judgments that are the basis of [the] regulation”.

[…]

« (5) The third question – best interests

« 38. Finally, it is now clearly established that the best interests question is a separate question which must be satisfied in addition to the other two. As Baroness Hale of Richmond in Re N, […] at para 43

« “It is the case … that the “better placed” and “best interests” questions are inter-related. Some of the same factors may be relevant to both. But it is clear that they are separate questions and must be addressed separately. The second one does not inexorably follow from the first”.

« 39. In deciding the “best interests” question,

« “The question is whether the transfer is in the child’s best interests. This is a different question from what eventual outcome to the case will be in the child’s best interests. The focus of the inquiry is different, but it is wrong to call it « attenuated ». The factors relevant to deciding the question will vary according to the circumstances. It is impossible to be definitive. But there is no reason at all to exclude the impact upon the child’s welfare, in the short or the longer term, of the transfer itself. What will be its immediate consequences? What impact will it have on the choices available to the court deciding upon the eventual outcome? This is not the same as deciding what outcome will be in the child’s best interests. It is deciding whether it is in the child’s best interests for the court currently seised of the case to retain it or whether it is in the child’s best interests for the case to be transferred to the requested court” (per Baroness Hale of Richmond in Re N, […] at para 43).

[…]

« 41. Whether to transfer a case or a specific part thereof is a decision for the court having jurisdiction. It is for that court to evaluate whether the three conditions are satisfied. But before the court of another Member state submits a request for a transfer under Article 15, it should assess for itself whether the conditions are met. It would be wrong for a court of another Member State to submit a request in circumstances where it was not satisfied that the conditions were met. »

Après avoir entendu les arguments des parties (§§ 42-52), le juge Andrew Baker avait aisément considéré que « the children manifestly have a “particular connection” with this country because they and the mother are, and have been for some time, habitually resident here » (§ 53). Les autres points avaient soulevé davantage de difficultés. L’affaire ayant déjà été jugée en Espagne et une procédure d’appel y étant en cours, « at first sight it might seem that it is far too late to transfer this case » (§ 55). Le juge Andrew Baker avait cependant considéré que les tribunaux d’Angleterre et du Pays de Galles seraient mieux placés « to evaluate the emotional needs and the wishes and feelings of the children and to carry out a comprehensive analysis of all the issues impinging on the children’s welfare » (§ 60), notamment parce que les enfants y seraient parties à la procédure et auraient ainsi la possibilité d’être interrogés par un tuteur et – le cas échéant – le juge lui-même, ce qui apporterait une « genuine and specific added value » (§ 58). Des raisons similaires avaient amené le juge Andrew Baker a conclure que le transfert de l’affaire aux tribunaux d’Angleterre et du Pays de Galles serait dans l’intérêt supérieur des enfants (§ 61).

« 62. For those reasons, I conclude that the circumstance of this case justify this court submitting a request to the Spanish court under Article 15. As required by article 15 (2), this request is supported by one of the parties, namely the mother. I recognise that it is highly unusual for such a request to be submitted after the conclusion of the hearing at first instance and at a point when the case is before the appeal court in the Member State with jurisdiction. For the reasons set above, however, I conclude that the criteria that must be satisfied in order for transfer under Article 15 to take place are indeed satisfied in this case. »

Les juridictions espagnoles devaient cependant parvenir aux mêmes conclusions pour que l’affaire soit effectivement transférée en Angleterre (§ 63). En attendant, les enfants demeuraient confiés à la mère, et le père ne bénéficiait plus que d’un droit de visite médiatisé en Angleterre ainsi que d’un contact hebdomadaire par FaceTime ou Skype (§ 66)…

Deuxième round

Les juridictions espagnoles refusèrent le transfert de la procédure en octobre 2017. Une nouvelle audience devant le juge Andrew Baker le mois suivant permit aux enfants de passer Noël et le Nouvel An avec leur père en Espagne, où ils furent auditionnés au début de janvier 2018 par un juge d’appel et un psychologue. L’aînée affirma qu’elle était fatiguée du conflit entre ses parents, qu’elle voulait rester avec ses amis et continuer d’aller à l’école en Angleterre, mais qu’elle voulait également continuer de voir son père et sa famille paternelle. Le cadet, tout en appréciant sa mère, voulait vivre avec son père, même s’il lui fallait changer d’école (jugement du 4 août 2020, § 15).

La cour d’appel espagnole rejeta en juillet 2018 l’appel de la mère contre la décision de juin 2016, ce qui aurait normalement dû clore la procédure espagnole. N’ayant pu récupérer ses enfants pour la seconde moitié des vacances estivales, le père dût cependant ressaisir le tribunal espagnol de première instance, lequel rendit une nouvelle ordonnance en août 2018 interdisant à la mère de déplacer les enfants d’Angleterre jusqu’à ce qu’ils soient chez leur père et lui refusant la délivrance de passeports espagnols pour les enfants. Le même tribunal ordonna de nouveau en décembre 2018 que les enfants vivent avec leur père. La mère fit appel de ces décisions (§§ 16-17).

Parallèlement, la mère intenta en octobre 2018 une procédure devant un tribunal anglais de la famille sur le fondement du Children Act 1989, demandant que la résidence des enfants soit fixée chez elle et qu’il soit interdit à leur père de les faire sortir d’Angleterre (§ 18).

À la suite de plusieurs audiences et décisions intermédiaires, quatre jours d’audience eurent lieu en septembre et octobre 2019 devant la juge Alison Russell, siégeant à la High Court of Justice (Family Division).

La mère soutint que la reconnaissance des décisions espagnoles devait être rejetée en vertu des alinéas a) et e) de l’article 23 du règlement Bruxelles II bis :

« Article 23

« Grounds of non-recognition for judgments relating to parental responsibility

« A judgment relating to parental responsibility shall not be recognised:

« (a) if such recognition is manifestly contrary to the public policy of the Member State in which recognition is sought taking into account the best interests of the child;

« (b) if it was given, except in case of urgency, without the child having been given an opportunity to be heard, in violation of fundamental principles of procedure of the Member State in which recognition is sought;

« (c) where it was given in default of appearance if the person in default was not served with the document which instituted the proceedings or with an equivalent document in sufficient time and in such a way as to enable that person to arrange for his or her defence unless it is determined that such person has accepted the judgment unequivocally;

« (d) on the request of any person claiming that the judgment infringes his or her parental responsibility, if it was given without such person having been given an opportunity to be heard;

« (e) if it is irreconcilable with a later judgment relating to parental responsibility given in the Member State in which recognition is sought;

« (f) if it is irreconcilable with a later judgment relating to parental responsibility given in another Member State or in the non-Member State of the habitual residence of the child provided that the later judgment fulfils the conditions necessary for its recognition in the Member State in which recognition is sought;

« or

« (g) if the procedure laid down in Article 56 has not been complied with. »

Avant de formuler sa décision, la juge Alison Russell avait d’abord fait le constat que les deux enfants résidaient habituellement en Angleterre et souhaitaient y rester (jugement du 3 février 2020, §§ 31-32). Elle avait ensuite exposé en détail la déposition de leur tutrice Jacqueline Roddy (§§ 33-48), qui avait rappelé que les enfants vivaient avec leur mère, laquelle représentait leur figure d’attachement, et avaient des contacts réguliers avec leur père – il est à noter que la tutrice s’était fortement opposée à la séparation de la fratrie, suggérée par le père (§ 43) – puis elle avait brièvement évoqué les dépositions des parents (§§ 49-50).

Au regard de l’article 23 a) du règlement Bruxelles II bis, la juge Alison Russell avait estimé qu’il serait sans doute contraire à l’ordre public de reconnaître et faire exécuter une ordonnance contre la volonté clairement affirmée d’une jeune fille de seize ans, mais qu’il ne pouvait en être de même pour un jeune garçon de treize ans (§§ 52-53). Ne semblant pas être parvenue à une opinion définitive quant à l’importance de la durée du séjour des enfants en Angleterre au regard de ce même alinéa a), la juge Alison Russell s’était finalement référée au e) de l’article 23 du règlement Bruxelles II bis pour rejeter la reconnaissance des décisions espagnoles :

« 62. [Mother]’s appeal against enforcement is allowed pursuant to Art 23 (e).

« 63. Exceptionally, given [daughter]’s age there will be s8 CA 1989 child arrangement orders in line with the guardian’s recommendations; that [children] live with their mother […]; [children] are to have contact, or spend time, with their father, […] in England and Spain, at dates and times to be agreed, no less than 3 months in advance (and in default the first half of all school holidays is to be spent with [the father]) during the children’s school holidays, subject to [the father] providing written permission to renew the children’s passports immediately and providing satisfactory documentary evidence that all criminal complaints against the [mother] in Spain has been withdrawn and the order dated 14th December 2018 has been discharged. Following any contact or time spent with their paternal family in Spain, [the father] must ensure that [children] are returned to the jurisdiction of England and Wales. »

Troisième round

Le père interjeta appel de cette décision en soutenant deux moyens :

  1. La juge Alison Russell a eu tort de conclure que le e) de l’article 23 du règlement Bruxelles II bis s’appliquait dans les circonstances de l’espèce. Cette disposition n’aurait pu s’appliquer que si la décision ultérieure inconciliable avait été rendue avant que soit présentée la requête paternelle en reconnaissance et exécution de la décision espagnole. Cette requête aurait dû être examinée prioritairement et celle de la mère aurait dû faire l’objet d’un sursis à statuer pour n’être examinée ultérieurement que si la reconnaissance de la décision espagnole avait été refusée (jugement du 4 août 2020, §§ 47-51).
  2. La procédure n’a pas été équitable : en ne s’intéressant qu’à la possibilité de faire exécuter la décision espagnole et à la question du contact entre le père et ses enfants, la juge Alison Russell n’a pas pris en compte la globalité de la situation des enfants. Elle ne s’est pas non plus fondée de manière appropriée sur le Children Act 1989, a sciemment écarté certains arguments et ne s’est pas donné la peine d’analyser l’évolution des opinions des enfants ni le rôle joué par la mère (jugement du 4 août 2020, § 52).

L’arrêt de la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles expose en détail le cadre juridique pertinent, notamment au regard du règlement Bruxelles II bis (§§ 21-32) :

  • les articles 8 (compétence générale en matière de responsabilité parentale), 16 (circonstances dans lesquelles une juridiction est réputée saisie), 17 (vérification de la compétence) et 19.3 (une juridiction saisie en second lieu doit se déssaisir en faveur de la juridiction première saisie) ;
  • l’article 21 (reconnaissance d’une décision), renforcé par l’article 26 (interdiction d’une révision au fond) ;
  • l’article 23, énonçant sept motifs de non-reconnaissance des décisions en matière de responsabilité parentale ;
  • l’article 27 (sursis à statuer en cas de recours dans l’État d’origine contre la décision dont la reconnaissance a été demandée) ;
  • l’article 28 (déclaration de force exécutoire, avec une disposition spécifique pour la procédure d’enregistrement existant au Royaume-Uni) ;
  • l’article 30 (modalités de dépôt de la requête déterminées par la loi de l’État membre d’exécution) ;
  • l’article 31, prévoyant qu’une décision doit être prise à bref délai et sans contradictoire ;
  • l’article 32 (notification de la décision au demandeur) ;
  • l’article 33 (recours) ;
  • l’article 47 (exécution des décisions rendues par la juridiction d’un autre État membre, sauf si jugement ultérieur inconciliable).

L’arrêt mentionne également les dispositions des Family Procedure Rules 2010 (Part 31) relatives à l’enregistrement et au traitement des décisions rendues en vertu du règlement Bruxelles II bis et de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (§§ 33-39).

L’analyse de la portée de l’article 23 e) du règlement Bruxelles II bis faite par le juge Peter Jackson est suffisamment intéressante pour être largement citée :

« 53. It is the clear aim of BIIa to ensure that there is clarity about which court has jurisdiction (i.e. the power) to make welfare orders about children. Except to the limited extent that Article 20 allows for the taking of urgent or provisional measures, there is no room for concurrent jurisdictions. In this case there can be no doubt that the English court had jurisdiction to make welfare orders at the time that it did. The children were habitually resident here and the Spanish court was no longer seised. The questions that then arise are:

« (1) Whether the court, faced with an enforcement application and a welfare application, was obliged to prioritise the former and stay the latter so that the non-recognition provision of Article 23(e) could not be engaged unless and until recognition and enforcement was refused for some other reason; and

« (2) If the court had no obligation to prioritise, how it should have approached the two applications.

« 54. As to the first question, any obligation to prioritise could only arise from the terms of BIIa itself, and specifically from an interpretation that in effect adds these words to Article 23(e) itself:

« “(e) if it is irreconcilable with a later judgment relating to parental responsibility given before the application for recognition is made in the Member State in which recognition is sought;”

« 55. There are a number of reasons for rejecting this rewriting of the provision.

« 56. First, it is not what the provision says.

« 57. Second, the whole tenor of BIIa is to confer equivalence upon orders made in different Member States, not superiority or priority. There is, as [children’s lawyer] submits, no principle to justify the imposition of an automatic stay on domestic welfare proceedings. This is reflected in the absence of a procedural provision in the Family Procedure Rules similar to that which requires domestic proceedings to be stayed in the face of an application under the 1980 Hague Child Abduction Convention.

« 58. Third, the applicability of the rewritten provision would in part depend upon the timing of the application for enforcement, which may lead to random outcomes as there is no time limit for when an enforcement application can be issued.

« 59. Fourth, such guidance as there is points the other way. The Explanatory Report of Dr Allegría Borrás on Article 15(2) of Brussels II (the equivalent provision to Article 23 of BIIa) [and] Article 18 of Brussels II (the equivalent of Article 26 BIIa) […] draws a clear distinction between “ruling again on the ruling made in the State of origin” during the enforcement process, which is prohibited, and “a new ruling on parental responsibility when a change in circumstances occurs at a later stage”, which is permitted.

« 60. Fifth, the suggested interpretation is not supported by the leading work Rayden & Jackson on Relationship Breakdown, Finances and Children (2016) […].

« 61. Sixth, Recital 33 of BIIa provides that the Regulation seeks to ensure respect for the fundamental rights of the child as set out in Article 24 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union […]. The importance attached to the views and best interests of children speaks against any interpretation of BIIa that might marginalise these factors.

« 62. Seventh, there is clear authority at the European level that reinforces the fact that a requested court which does not itself have general jurisdiction cannot refuse to enforce an order because, as a result of a subsequent change of circumstances, it might be seriously detrimental to the best interests of the child. Such a change must be pleaded before the court which has jurisdiction in the Member State of origin, which should also hear any application to suspend enforcement of its judgment: Povse v Alpago Case C-211/10; [2010] 2 FLR 1343. That authority is consistent with the general scheme of BIIa, and it does not apply to cases where the requested court itself has general jurisdiction.

« 63. Lastly, […] I would not accept [father’s lawyer]’s submissions that a literal interpretation of Article 23(e) would allow the requested court to “sidestep the enforcement process altogether”, still less that it would lead to the enforcement provisions of BIIa becoming “a dead letter”. If a principled approach is taken, that will not happen.

« 64. I would therefore simply hold that “a later judgment” to which Article 23(e) may apply is a judgment of a court with general jurisdiction that is given after the judgment which it is sought to enforce.

« 65. The second question concerns the proper approach to be taken where an English court is required to deal with concurrent applications for recognition/enforcement and welfare orders. Where this arises, the power to make welfare orders may, as noted by Rayden, be theoretically unfettered, but in practice it is subject to important constraints.

« 66. In the first place, the court is required to comply with the recognition and enforcement provisions of BIIa and must recognise and enforce the order unless a ground for non-recognition is established. In approaching the grounds for non-recognition, the court must always recall the principle of mutual trust, or comity, contained in Recital 21, and remain mindful that the recognition and enforcement process is not a welfare process.

« 67. Further, the grounds contained in sub-clauses (e) and (f) of Article 23 differ from the other grounds for non-recognition in that they do not merely involve a process of assessment by the court but can in certain cases be engaged as a result of action taken by the court itself. The scheme and spirit of the Regulation requires the court to act with restraint before exercising its powers in a way that sets up a barrier to enforcement.

[…]

« 70. I would also acknowledge the importance of recognition and enforcement decisions being taken without delay, as mandated by Article 31. […] But that cannot mean that appropriate, tailored, welfare enquiries should not be carried out where there are real issues to be decided.

« 71. […] It cannot be denied that in some cases the resolution of proceedings involving both forms of application will present the court with a challenge, both of substance and case management, but in all cases, the court is required to observe the mandatory obligations arising under BIIa unless it finds that one or more of the grounds for non-recognition have been established.

[…]

« 73. Drawing these matters together, where a court is faced with an application for a welfare order in a case where there is an earlier order in another Member State (whether or not that order has been registered in this jurisdiction), it should ask itself these questions:

« (1) Does the court have the power to make welfare orders on the basis that (a) the child is habitually resident in England and Wales or general jurisdiction arises on some other basis, and (b) the court of the other Member State is no longer seised?

« (2) If there is a power to make welfare orders, to what extent is it appropriate on the facts of the individual case to embark upon a welfare assessment of matters that were decided by the court of the other Member State, taking an earlier domestic order as an analogy?

« (3) If a welfare assessment is to be carried out, how can it be case managed to ensure that the issues for decision are clearly set out and that the requirement to determine an enforcement application without delay is observed?

« (4) If the welfare assessment suggests that an order might be made that is irreconcilable with a foreign order, would it be right to make such an order, taking a cautious approach and giving full weight to the conclusions and findings of the foreign court and to the principle of mutual trust that informs BIIa? »

Le juge Peter Jackson a par ailleurs rejeté la suggestion faite par l’une de avocates du père de renvoyer l’affaire à la Cour de justice de l’Union européenne (§ 74).

Ayant rappelé les dispositions des Civil Procedure Rules [52.21 (3)] relatives à l’appel (§ 75), le juge Peter Jackson a conclu ainsi :

« 76. Approaching the matter in accordance with the questions posed at paragraph 73 above, I reach these conclusions:

« (1) It is true that the judge, as she herself said, did not undertake an extensive legal analysis, but that essentially reflected the very brief submissions that were addressed to her on the scope of Article 23(e). For all that, she was in my view right to find that she had the power to make welfare orders on the basis that the children were habitually resident in England and Wales and that the Spanish court was no longer seised. She was also right not to accept the father’s argument that the recognition and enforcement proceedings should take priority. These conclusions dispose of the first ground of appeal.

« (2) In embarking upon a welfare assessment, the judge did not ask herself whether and to what extent that was appropriate in the light of the extensive Spanish proceedings and the Spanish custody order, which had to be recognised unless the appeal succeeded. I am nevertheless satisfied that on the facts of this case (by which I mean the age and wishes of the children, the length of their habitual residence in this country and the length of time since the most recent Spanish orders) it was open to the court to entertain and investigate the mother’s application.

« (3) Unfortunately, the way in which the court intended to address the applications before it was not set out with clarity. No doubt due in part to the nature of the father’s submissions, the fact that mother was unrepresented, and the lack of any precedent, the hearing was an uneasy compromise between an enforcement process and a welfare assessment. Properly understood, there was nothing to prevent the judge from hearing focused evidence on all relevant aspects of the children’s welfare alongside the enforcement application. Further, the length of the proceedings far exceeded what was appropriate in the circumstances and took insufficient account of the obligation under Article 31 to determine enforcement applications without delay, particularly bearing in mind the length of time that had already passed as a result of the mother’s Spanish appeal.

« (4) The judge rightly refrained from carrying out a review as to the substance of the Spanish orders. Such a review, as described by Dr Borrás, would mean ruling again on the ruling of the Spanish court. However, once the court had decided to carry out a welfare assessment, it was engaged in a different exercise altogether, and one that involved taking the Spanish judgments into consideration so that the court had the whole picture. The judge’s treatment of this issue at paragraph 31 supports the submission that the Spanish judgments were ignored, but it is clear from her extensive reference to them in her account of the background history that she was well aware of their contents. The result is that her analysis lacks an element in which the Spanish judgments are explicitly considered as part of the overall welfare assessment, and in which her decision to depart from them, notwithstanding considerations of comity, is explained. »

Concernant le second moyen d’appel (équité procédurale), le juge Peter Jackson a reconnu que la procédure n’avait sans doute pas été pleinement satisfaisante et que la juge Alison Russell n’avait effectivement pas porté son attention sur tous les détails de l’affaire, mais il a estimé que la procédure n’avait pas pour autant été entachée d’irrégularité (§ 78). De plus, un renvoi de l’affaire ne serait pas conforme à l’intérêt des enfants :

« 79. I would add that had the appeal been allowed on ground two, I would have taken some persuading that anything useful could be achieved by remitting the matter, as opposed to remaking the decision ourselves. The children have been subjected to continuous court proceedings in two jurisdictions since A was aged 9 and J aged 6. This is not a judgement on the contribution that both parents have undoubtedly made to this unhappy state of affairs, but there must come a point where the children are entitled to be relieved of the pressures of seven years of litigation that has brought them so little benefit. »

L’appel du père a donc été rejeté.

Références
England and Wales Court of Appeal (Civil Division)
Date : 4 août 2020
Décision : E (Children) [2020] EWCA Civ 1030

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