Conway-Mouret (Hélène), Question orale nº 1133S au secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur le coût de la prise en charge des enfants handicapés à l’école [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 7 S (Q), 13 février 2020, pp. 762-763].
Mme Hélène Conway-Mouret attire l’attention de M. le secrétaire d’État, auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le coût de la prise en charge des enfants handicapés à l’école. L’égalité et la fraternité sont les valeurs inscrites sur chacune de nos écoles. Elles attestent de l’importance de faire de nos établissements des établissements inclusifs, adaptés à toutes et à tous quelle que soit la situation des élèves. L’intégration des enfants porteurs de handicap demande des aménagements particuliers et notamment dans certains cas la présence d’une auxiliaire de vie scolaire.
À la différence de la France, à l’étranger, les auxiliaires de vie scolaire (AVS) sont rémunérées directement par les parents, mais certains établissements ou certaines entreprises peuvent contribuer à leur financement. Dans le cas des élèves boursiers, une aide financière supplémentaire peut être apportée si la demande est faite au consulat. C’est donc en complément de cette bourse déjà accordée au titre des frais de scolarité qu’une aide spécifique est donnée pour couvrir la rémunération de l’accompagnant en classe. Cependant, l’enveloppe des bourses étant limitée, le niveau de l’aide apportée est rarement suffisant pour couvrir les dépenses des familles.
Lors d’un déplacement en Espagne, elle a été sollicitée par des parents d’élèves handicapés en grandes difficultés financières. Elle a notamment échangé avec des représentants de l’association « Aledas », qui fait un travail formidable pour aider les enfants en difficulté d’apprentissage scolaire. Tous l’ont alertée sur le déficit d’aide financière nécessaire pour épauler correctement les familles. Au lycée français de Barcelone, on recense onze AVS qui aident treize enfants dont quatre autistes. Le salaire brut d’une auxiliaires de vie scolaire est de 14,50 euros par heure pour la personne qui l’engage. Or, l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ne prévoit que 10 euros par heure pour couvrir cette dépense. Les 4,5 euros restant, sont à la charge des familles boursières. Il serait donc indispensable que la participation de la bourse corresponde au montant réel payé par les familles.
Elle souhaiterait savoir ce que le ministère des affaires étrangères peut faire pour soutenir la scolarisation de ces élèves boursiers handicapés.
Réponse de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, lors de la séance du 16 juin 2020.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question nº 1133, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’intégration des enfants porteurs de handicap exige des aménagements particuliers, notamment, dans certains cas, la présence d’une auxiliaire de vie scolaire.
Les conséquences économiques de la crise sanitaire que nous traversons aggravent les difficultés que rencontrent de nombreux parents d’enfants handicapés scolarisés dans nos établissements scolaires à l’étranger pour faire face aux coûts de scolarité, qui sont élevés, et à la rémunération de l’accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH), qui s’y ajoute.
À l’étranger, ces derniers sont rémunérés directement par les parents. Certains établissements ou entreprises contribuent à leur financement, pour quelques familles. Dans le cas des élèves boursiers, une aide financière supplémentaire peut être apportée si une demande est faite en ce sens auprès du consulat. C’est donc en complément d’une bourse déjà accordée pour couvrir les frais de scolarité qu’une aide spécifique est allouée afin de couvrir la rémunération de l’accompagnant en classe. Cependant, le niveau de l’aide apportée est rarement suffisant pour couvrir les dépenses des familles.
Lors de mon dernier déplacement en Espagne, j’ai échangé avec les conseillers consulaires et des représentants de l’association Aledas, qui font un travail formidable pour aider les enfants en difficulté d’apprentissage scolaire au lycée français de Barcelone. Dans ce lycée, onze AESH aident treize enfants, dont quatre autistes. Le salaire brut d’un AESH est de 14,50 euros de l’heure pour la personne qui l’engage. Or l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) ne couvre cette dépense qu’à hauteur de 10 euros. Les 4,50 euros restants sont à la charge des familles boursières.
Je vais vous faire une proposition, monsieur le secrétaire d’État – elle est honnête, bien sûr. (Sourires.) On pourrait par exemple envisager que la bourse corresponde au montant total des frais encourus par les familles et que les critères sociaux pris en compte lors des conseils consulaires des bourses scolaires soient élargis, au moins pendant cette période d’aides exceptionnelles, pour aider les familles.
Je souhaiterais savoir si le ministère de l’Europe et des affaires étrangères envisage de revoir les critères d’attribution de cette aide afin de soutenir la scolarisation de ces élèves boursiers handicapés et d’être ainsi en phase avec la politique du Gouvernement à l’égard des handicapés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Conway-Mouret, vous le savez, le handicap est une des grandes causes du quinquennat portées par le Président de la République, Emmanuel Macron. Permettre à l’école d’être pleinement inclusive est donc une priorité du Gouvernement, et cette priorité doit naturellement se décliner au sein de l’enseignement français à l’étranger.
Un principe clair s’applique aujourd’hui dans les établissements du réseau de l’AEFE : le montant de la rémunération des accompagnants des élèves français boursiers en situation de handicap doit être intégralement pris en charge. J’insiste sur le caractère intégral de la prise en charge – interpellé par votre question, j’ai bien vérifié ce point auprès de l’AEFE, qui est formelle. S’agissant du cas particulier qui a été soulevé lors de votre rencontre avec l’association Aledas, si d’aventure un reste à charge était constaté, je propose qu’un dialogue soit engagé avec l’association. De notre point de vue, en effet, il n’y a pas d’obstacle à ce que cette prise en charge soit intégrale.
Une centaine d’élèves boursiers environ ont bénéficié de cette prise en charge au cours de l’année scolaire 2018-2019, pour un montant légèrement supérieur à 350 000 euros, financé au titre du programme 151 du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.
Voilà pour le principe général. Dans le détail, le nombre d’heures d’accompagnement financées pour chaque élève est fixé, comme en France, sur avis de la MDPH, au regard du programme scolaire et du handicap de l’enfant. La MDPH s’appuie elle-même, naturellement, sur un avis médical et sur les indications de l’équipe pédagogique de l’établissement, après quoi le dossier est pris en charge.
Nous devons avoir à l’esprit que, si la loi de 2005 sur le handicap ne trouve pas à s’appliquer stricto sensu hors de France, elle doit demeurer une référence constante de nos décisions et de la politique d’inclusion mise en œuvre au sein des établissements de l’AEFE. C’est pourquoi je souhaiterais, au-delà du sujet que vous avez soulevé, celui de l’éventuel reliquat restant à la charge des familles d’enfants boursiers, que nous puissions mener une réflexion plus large et aller plus loin, en étudiant la faisabilité de l’extension de ce dispositif à des familles non boursières. Pour certaines familles non boursières, en effet, cette prise en charge représente une dépense très importante, qui peut parfois être un obstacle à la scolarisation dans notre réseau, compte tenu par ailleurs des frais afférents à une telle scolarisation. Je souhaite en tout cas travailler sur ce sujet avec ma collègue Sophie Cluzel, mais également avec les parlementaires qui représentent les Français établis hors de France.
Nous voilà, madame la sénatrice, munis d’une belle feuille de route qui doit nous permettre de progresser et d’aller de l’avant dans la prise en compte du handicap dans l’enseignement français à l’étranger.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, vos propos me rassurent ; mais, me semble-t-il, le cas que j’ai évoqué n’est pas exceptionnel. Si tel était le cas, Mme Cazebonne n’aurait pas déposé des amendements sur ce sujet à l’Assemblée nationale, qui ont d’ailleurs été refusés par le Gouvernement.
J’ai pris l’exemple de Barcelone, parce que je m’y suis rendue lors du dernier déplacement que j’ai pu faire et parce que les 4,50 euros y étaient en quelque sorte l’équivalent des 5 euros d’APL pour les étudiants : une charge supplémentaire difficile à supporter, notamment pour les familles boursières, qui ont des problèmes et ont besoin d’être aidées.
L’association Aledas fait certes un travail formidable en essayant, précisément, d’aider les familles, mais on ne saurait faire reposer une telle aide sur la bonne volonté de certains. Le plus simple serait d’adopter la proposition que je vous ai faite, c’est-à-dire d’intégrer ce coût supplémentaire pour les familles dans le montant de la bourse, plutôt que de juxtaposer des aides spécifiques à la bourse. Il faudrait simplement revoir les critères d’attribution des bourses et élargir les critères sociaux qui sont aujourd’hui retenus.
Mise à jour du 17 juin 2020
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 50 C.R. (Q), 17 juin 2020, pp. 5687-5688] au format PDF (386 Ko, 3 p.).