Question sur la résidence alternée en cas de violences conjugales

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 19 S (Q), 7 mai 2020

Cohen (Laurence), question écrite nº 12271 à la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la résidence alternée en cas de violences conjugales [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 37 S (Q), 19 septembre 2019, p. 4731].

Laurence Cohen (© D.R.)

Laurence Cohen (© D.R.)

Mme Laurence Cohen interroge Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur le principe de résidence alternée entre les deux parents, dans des situations de violences conjugales.

Les enfants sont souvent les témoins directs des violences, physiques et verbales, commises majoritairement par le mari sur son épouse. Dans les cas les plus dramatiques, les enfants peuvent même être présents lors du féminicide. S’en suivent des traumatismes profonds.

Pourtant en l’état actuel de la législation, le principe de la résidence alternée et l’exercice de l’autorité parentale sont toujours possibles, même en cas de violences conjugales ou intra-familiales.

En septembre 2019, la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations s’est prononcée pour une interdiction de la résidence alternée dans ces situations, en précisant « qu’un mari violent ne pouvait pas être un bon père ».

Aussi, elle lui demande quand le Gouvernement entend modifier l’article 373-2-1 du code civil pour adapter le régime juridique de l’autorité parentale aux spécificités des violences conjugales, en interdisant la résidence alternée pour l’auteur de violences et en prévoyant notamment l’attribution de l’exercice exclusif de l’autorité parentale au bénéfice du parent victime de violences conjugales ou à sa famille en cas de décès.


Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 19 S (Q), 7 mai 2020, p. 2133.

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

Nicole Belloubet (© Guillaume Paumier)

La lutte contre les violences conjugales et la protection des enfants qui en sont témoins est l’une des principales priorités d’action du Gouvernement. À l’issue des travaux du Grenelle des violences conjugales, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, a créé trois nouvelles mesures relatives à l’exercice de l’autorité parentale en cas de violences. Le juge pénal peut désormais attribuer l’exerce exclusif de l’autorité parentale au parent victime des violences dans sa décision de condamnation pénale (nouvel article 378 du code civil). Dans l’hypothèse d’une comparution immédiate, ce retrait intervient donc 48 h après les faits de violences et emporte retrait du droit de visite et d’hébergement du parent violent. Par ailleurs, l’article 378-2 du code civil créée une suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent. Le parent violent perd ainsi automatiquement ses droits sur les enfants dès sa mise en examen ou dès sa condamnation, et ce, pour une durée de six mois, afin de permettre à la victime ou à sa famille (nouvel alinéa 2 de l’article 377 alinéa 2 du code civil) de saisir le juge aux affaires familiales pour obtenir une décision au fond qui sécurisera la situation. Enfin, le juge aux affaires familiales qui accorderait au parent violent un droit de visite dans une ordonnance de protection, malgré l’interdiction de contact avec l’autre parent, devra motiver spécialement son choix de ne pas fixer cette visite en espaces de rencontre. Déjà aujourd’hui, en dehors de ces hypothèses, une résidence alternée ne peut être ordonnée judiciairement en cas de violences conjugales. D’une part les violences constituent un motif grave au sens de l’article 373-2-1 du code civil justifiant que l’exercice du droit de visite et d’hébergement soit refusé à l’un parent. D’autre part, ce même article permet, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, de confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents et d’organiser, si la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec l’autre parent l’exigent, le droit de visite dans un espace de rencontre. L’article 373-2-11-6º du code civil impose au juge aux affaires familiales qu’il prenne en considération « les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre », lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Il apparaît ainsi que le cadre législatif actuel, amélioré suite aux travaux du Grenelle des violences conjugales, prend pleinement en considération les spécificités des violences conjugales en matière d’exercice de l’autorité parentale et fixe un cadre protecteur pour l’enfant comme pour le parent victime.


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Un commentaire

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  1. Frédéric Dupret

    Les femmes vont abuser de ce nouveau droit. C’est une pression supplémentaire sur les épaules des hommes.

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