Madame la directrice générale de l’Unesco, chère Audrey Azoulay,
Monsieur le Défenseur des droits, cher Jacques Toubon,
Madame la Défenseure des enfants,
Mesdames Messieurs les ministres,
Madame la maire de Paris,
Mesdames Messieurs les élus,
Messieurs les présidents, Excellences,
Mesdames Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames Messieurs,
Chers enfants, alors nous nous retrouvons d’abord dans ce lieu et je tenais à être présent à vos côtés aussi ici et c’est plus qu’un symbole c’est rappeler l’origine, la sève de ce qu’est l’Unesco. Et nous arrivons dans un moment un peu particulier, celui de cette quarantième conférence générale de l’Unesco qui nous a valu la présence du Secrétaire général des Nations Unies la semaine dernière, conférence générale qui est une relance de cette ambition éducative, culturelle, artistique que l’Unesco porte. Cette maison ce sont les Nations Unies à Paris, cette maison c’est comme le disait Blum la « conscience » des Nations Unies. Et donc parler ici des droits de l’enfant, parler ici d’une des grandes chartes que les États ont décidé pour eux-mêmes est à mes yeux de la plus grande force. Et donc merci de ne pas seulement nous accueillir, mais de faire vivre ces principes. Merci à l’Unesco.
Vous l’avez dit Monsieur le Défenseur des droits, Madame la directrice générale à l’instant, trente ans, trente ans que cette Convention internationale des droits de l’enfant a été conçue puis progressivement signée, ratifiée par la France. Mais le combat continue pour beaucoup d’autres pays parce que nous n’y sommes pas. Alors je suis pour ma part heureux et fier de notre pays qui a participé, contribué il y a trente ans à la rédaction de ce texte, qu’il a ensuite aussitôt signé, rapidement ratifié pour le mettre en œuvre. Et tout cela vient de loin, au fond d’une culture philosophique, politique qui a toujours irrigué la France depuis Rabelais en passant par Rousseau jusqu’à Françoise Dolto pourrais-je dire. Il y a en France cette histoire justement de la reconnaissance de ce que sont les droits de l’enfant, de l’importance de l’éducation, de la formation des esprits, de l’éducation des jeunes gens, d’abord il faut bien le dire des jeunes garçons et en France, plus tôt qu’ailleurs des jeunes filles aussi et de cette conscience que l’enfant avait un droit particulier dans la société. Parce qu’il était déjà cet être en devenir, parce qu’il fallait le protéger, parce qu’il fallait l’aider à construire sa propre conscience. Et cette philosophie a bien évidemment irrigué les Lumières mais au-delà de cela l’action des premiers républicains. Et donc ce sujet en France est d’importance et c’est aussi pour cela que je voulais être parmi vous.
Et je suis parmi vous avec cette fierté de ce que la France a fait porter, avec aussi beaucoup d’humilité. Humilité devant tout le travail qui est fait chaque jour par le Défenseur des droits, la Défenseure des enfants mais si je puis dire partout dans le pays. Nos associations, les travailleurs sociaux, les magistrats, nos départements, leurs services qui sont en particulier en charge de l’aide sociale à l’enfance, vous l’avez rappelé, nos éducateurs, toutes celles et ceux qui accompagnent les enfants en situation de fragilité, les enfants en situation de handicap pour lesquels nous nous battons beaucoup, toutes celles et ceux qui chaque jour œuvrent à l’effectivité de ces droits qu’ils soient ceux de la convention ou ceux de notre droit national. Et je sais que bien souvent ils se sont retrouvés seuls, que pour beaucoup de ces associations qui ont porté parfois des mesures qu’on prend aujourd’hui ou qui sont encore attendues ils ont eu le sentiment qu’on ne les écoutait pas toujours, que ce combat était oublié. Et donc la mobilisation nationale que nous sommes en train de conduire, que vous portez est à mes yeux extrêmement importante mais elle ne doit rien enlever à ce combat parfois solitaire, souvent de soutier mené par toutes celles et ceux que je viens d’évoquer. Et dans cette liste je veux évidemment avoir une pensée toute particulière pour nos professeurs et nos éducateurs, celles et ceux qui chaque jour accompagnent nos enfants et les aident à grandir. Et avec cette humilité je veux avoir une très grande détermination en venant vous voir. Alors je suis désolé parce qu’on m’a dit que c’était une conférence inversée et que c’est vous qui alliez poser les questions et que les gens répondent mais moi j’arrive avec un discours. Donc je vais essayer quand même de répondre à des questions que vous ne m’avez pas posées et de vous dire deux trois choses à vous de cette détermination. Parce qu’il y a beaucoup de choses encore à faire.
Je le disais, nous il y a trente ans on a aidé à construire ce texte, on l’a signé, on l’a ratifié mais est-ce que tout va bien en France ? Non. Malgré l’engagement de beaucoup. Il y a des combats que nous avons encore à mener, je le disais on le mène pour les enfants en situation de handicap. On a beaucoup fait pour qu’il y ait plus de places à l’école, pour qu’on puisse avoir une école plus inclusive, plus de structures. Ce combat va continuer et on ne lâchera rien. Et puis l’entrée dans le travail. On a, vous l’avez rapidement évoqué, des situations qui sont encore inacceptables, d’enfants qui vivent dans la très grande précarité, qui dorment dans la rue aujourd’hui parce que leurs familles dorment dans la rue. Nous avons ce défi des mineurs non-accompagnés et donc de ces enfants qui ont été pris justement dans ces grandes migrations et qui sont dans des situations aujourd’hui encore inacceptables dans notre pays. Et donc je suis parfaitement lucide, volontaire et déterminé sur tous ces sujets où j’ai demandé au gouvernement d’agir et où nous aurons dans les prochains mois des rendez-vous importants. Et je salue le travail d’aiguillon que beaucoup d’entre vous mènent sur ce point, parce que nous ne devons rien céder. Et pour passer de la convention aux actes, et au fond pour essayer de dire deux trois choses concrètes, il y a peut-être trois sujets sur lesquels je voulais insister, trois sujets sur lesquels nous sommes profondément engagés et qui font partie de ces actes à mettre en œuvre.
Le premier c’est le combat en matière d’éducation, d’accompagnement de la petite enfance. Je le disais en reparlant de cette grande odyssée française justement pour pouvoir aller à l’école, apprendre. Ce qu’on sait c’est que plus vite on est accompagné dans la famille, à l’école, mieux on est encadré, plus vite et plus facilement on arrivera à être un bon citoyen, à être heureux, à bien se développer, à être ensuite heureux à l’école comme vous. Alors on a pris des décisions pour l’école, par exemple de réduire le nombre d’élèves par classe en CP-CE1. On va continuer sur la grande section de maternelle et les autres classes progressivement parce qu’on apprend mieux quand on est moins nombreux. Il y a une deuxième décision importante c’est de s’assurer que partout on ait des personnes pour accompagner les élèves qui sont plus fragiles, en situation de difficulté à l’école. On n’est pas encore au résultat mais on a beaucoup amélioré les choses avec ces auxiliaires de vie scolaire qui jouent un rôle très important. Troisième chose, et moi j’y crois beaucoup, pour la première fois depuis plus de cinquante ans on a changé l’âge et donc on a porté l’obligation d’aller à l’école à trois ans. Et cela touche surtout certains territoires ultramarins et les personnes qui sont, qui étaient les plus fragiles, où les parents parfois ne travaillaient pas, n’emmenaient pas forcément les enfants à l’école. Or ce sont des âges où on se sociabilise beaucoup plus facilement, et où être à l’école change beaucoup de choses. Mais quand on regarde nos grands voisins, quand on regarde ceux qui font mieux que nous pour les droits de l’enfant on s’aperçoit qu’il y a un âge fatidique, c’est celui en quelque sorte qu’on ne rattrape pas à l’école, c’est les trois premières années, ces mille premiers jours. Et c’est pour cela qu’on a confié une mission à une commission d’experts qui est présidée par Boris Cyrulnik, qui est un grand spécialiste du sujet, qui est de nous dire comment on peut faire pour que nos enfants soient le mieux possible en France pendant les mille premiers jours de vie. C’est très dur parce que jusqu’à présent on se disait cela ne touche pas l’État, ce n’est pas une politique publique. Et c’est vrai que cela reste d’abord et avant tout le rôle des parents, de la famille. Mais d’abord tout le monde ne naît pas parent, ça s’apprend. Et plus on est dans la difficulté économique, sociale, plus on a soi-même connu des difficultés enfant, plus c’est dur d’être parent. Et ensuite quand on a des accidents de la vie c’est parfois très dur. Et puis, en quelque sorte, c’est là déjà que les premières inégalités se font et on s’aperçoit quand on a un enfant qui grandit dans une famille où tout va bien, où les parents peuvent s’occuper de lui, où il est plein d’amour, il va se développer, il va apprendre beaucoup plus facilement et il va arriver à l’école déjà avec une situation bien plus favorable que d’autres. Et donc cette commission mille premiers jours elle va nous proposer pour le début de l’année prochaine des mesures très concrètes : comment on aide les parents à devenir parents ? Cela commence dès le quatrième mois de grossesse. Comment on améliore nos visites médicales aussi parfois pour mieux dépister ? On a commencé par exemple avec ce travail de lutte contre l’autisme, mais comment mieux dépister certaines pathologies qui font que l’enfant ne se retrouvera pas forcément au fond de la classe si ça va mal en arrivant et parce que là aussi il faut l’aider, il faut corriger. Comment on peut mieux accompagner les parents pour apprendre ? Soit en donnant plus de congés parentaux, en les organisant mieux, en développant davantage ou mieux les crèches, les différents modes de garde. Je ne vais pas être ici plus détaillé, mais il y a une myriade de choses très concrètes à faire. On a besoin d’être éclairé par les plus grands spécialistes et d’apprendre d’autres pays. J’en prends un, la Finlande. La Finlande fait beaucoup mieux que nous sur ce sujet. Elle fait beaucoup mieux que nous. Elle a des enfants qui arrivent mieux et plus facilement à l’école, qui sont plus heureux. C’est une société plus inclusive grâce à tout ça, et donc, ce chantier est essentiel et on va continuer d’y être engagé. J’y crois pour ma part beaucoup et j’attends beaucoup de ça parce que c’est, comment être plus heureux collectivement dans la société.
Il y a un deuxième grand chantier. Il a beaucoup occupé, le secrétaire d’État, Monsieur Taquet, la garde des Sceaux aussi et beaucoup d’autres ministres qui sont concernés. C’est le combat contre les violences faites aux enfants. Et ça, c’est le deuxième grand chantier sur lequel je voulais insister. Ce sont des violences qui peuvent être verbales, physiologiques, physiques, sexuelles. Et ici, je n’oublie aucun des prénoms des enfants qui ont disparu ces derniers jours, semaines, mois dans notre pays. Ça se passe partout dans la société et ça se passe avant tout dans la famille. Le Défenseur des Droits l’a dit, en vous interpellant, en disant : « parlez ». C’est vrai que c’est très dur quand on est un enfant et que on subit des choses. On subit. Mais il faut apprendre à parler, apprendre aux enfants à dire : ceci, c’est mon corps, c’est ma personne, elle doit être respectée même quand ça se passe dans la famille. Il y a souvent eu un tabou dans notre société comme dans beaucoup d’autres pour ne pas dire. Mais les réalités sont là. Deux enfants sont tués chaque semaine par un de leurs parents. Et la moitié d’entre eux ont moins d’un an. Moins d’un an. Ceux-là, ils ne peuvent pas dire, mais il y a d’autres personnes souvent pour voir autour. Il y a des regards qui se détournent. Il y a des silences qui sont faits. Il y a aussi des parents qu’on a laissé s’isoler et aller vers le pire. Alors, face à cela, il y a plusieurs tabous qu’il faut lever et qu’on est en train collectivement de lever. C’est pour cela aussi que je remercie les artistes, les engagés qui sont mobilisés sur ce combat. Les cinéastes. Il y a eu des films formidables comme Les Chatouilles qui ont été sortis l’année dernière. Il y a des gens qui ont vécu ça dans leur chair et qui portent ce message parce que lever un tabou, c’est un combat culturel. Mais il faut accepter de dire que ce n’est pas parce que c’est dans la famille que tous les droits sont permis et que tous les silences sont autorisés. Et parfois les choses se passent dans des plis, des replis, des silences. Notre littérature en est pleine. On n’a plus à les accepter. Et donc protéger nos enfants, c’est dire, c’est leur apprendre à dire, leur apprendre à faire respecter leur corps, c’est aussi apprendre cela aux parents et c’est dire le meilleur ami de la famille si l’enfant dit quelque chose d’étrange sur lui, il faut l’écouter. Et dans la famille, il faut aussi écouter. Et donc oui, les pouvoirs publics ont aussi un droit de regard, d’action, comme une forme de droit d’ingérence quand il s’agit de protéger nos enfants et nous devons l’assumer. Et on ne doit rien y céder. Alors ce chemin, on va le faire collectivement ensemble. Mais il est important. Il ne s’arrête bien évidemment pas à la famille. Il se construit aussi à l’école.
J’ai eu l’occasion de vous interpeller il y a quelques semaines quand c’était la journée contre le harcèlement scolaire. Mais les violences, c’est aussi à l’école. Peut-être que vous savez ce que c’est, vous l’avez déjà soit subi, soit parfois vu. C’est quand tout le monde se moque du même élève. C’est quand tout le monde l’isole dans la classe pour telle ou telle raison. Tout cela parce qu’il a un drôle de comportement. Peut-être qu’il a un problème qu’il ne vous dit pas. Parce qu’il ne s’habille pas tout à fait pareil. Parce qu’il a telle ou telle difficulté ou parce qu’on a décidé d’en faire un bouc émissaire. Parce qu’il a la tête pour ça. Le dire là aussi. Parce que je peux vous dire que des années, parfois des décennies après, celui dans la classe qui a été isolé, qui parfois a bien fait rire, il a encore les cicatrices de tout ça. Et je peux vous dire que quand on a été complice de ces agissements, bien souvent, on le regrette. Et là aussi, ce harcèlement qui paraît sympathique au début et qui peut paraître innocent, ce n’est rien. On rit à quelques-uns. Quand il conduit à s’isoler, quand il conduit quelqu’un à souffrir, il peut amener au pire. Et là aussi, on l’a vu au suicide de tel ou tel enfant, à des traumatismes qui se révéleront plus tard, à des drames. Ça se passe à l’école, ça se passe dans la cour de récréation, ça se passe devant l’école, ça se passe sur les réseaux sociaux là aussi. Et donc ce combat, nous devons le mener là. On a besoin de vous aussi pour déjà être, si je puis dire, conscient du rôle que vous avez et de la bienveillance qu’on doit avoir collectivement dans notre école. Et sur ce point, vous savez combien le ministre de l’Éducation nationale, mon épouse aussi est profondément engagée dans ce combat contre le harcèlement à l’école, dans les clubs de sport, dans la rue, partout. Mais on doit aller plus loin sur ce sujet de la violence faite aux enfants. Et donc, c’est tout l’objet du plan qui a été bâti par le secrétaire d’Etat qui a été proposé, exposé en lien avec beaucoup d’autres ministres et qui consiste justement à proposer un plan de mobilisation, d’actions contre ces violences. Je ne vais pas ici rappeler les vingt-deux actions. Je crois sous votre contrôle, Monsieur le ministre, qui sont ainsi proposées, mais qui marque une véritable mobilisation des pouvoirs publics pour protéger l’enfant. Les enfants, tous les enfants, y compris ceux qui sont à la frontière de différentes situations. Entre le handicap et l’aide sociale à l’enfance. Ces enfants qui étaient parfois oubliés parce qu’ils n’étaient pas forcément dans la bonne case. Mais il y a une chose pour moi qui est très importante si je devais en souligner une dans ce plan. C’est la mobilisation très forte pour protéger les enfants de toutes les personnes dont on sait qu’elles sont potentiellement dangereuses pour nos enfants. C’est-à-dire, les personnes qui ont eu justement des actes de consultation d’images pédopornographiques et qui était un sujet qu’on n’avait pas pris pleinement à bras le corps jusque-là. En effet, aujourd’hui, jusqu’à aujourd’hui, on pouvait avoir été condamné pour consultation et détention d’images pédopornographiques mais exercer une profession en contact avec les enfants parce que cette information pourtant capitale n’était pas accessible à tous les employeurs. C’était une réalité dans notre pays. Et je sais pour beaucoup d’associations, de combattants de ce sujet, un scandale absolu. Alors ce que nous allons mettre en place maintenant est simple. La peine sera menée, sera portée et durcie à cinq ans d’emprisonnement pour consultation d’images pédopornographiques. Ce qui veut dire qu’il y aura une inscription automatique au fichier judiciaire national, le fameux FIJAIS qui permet justement de recenser toutes ces personnes qui sont dangereuses. Jusqu’à présent, parce que notre droit n’était pas clair, il y avait en moyenne quatre cents personnes chaque année qui consultaient ou détenaient de tels contenus, qui étaient donc des gens potentiellement dangereux pour nos enfants. Quatre cents personnes chaque année qu’on trouvait, qu’on avait identifié et qui ne figuraient pas au FIJAIS. Maintenant, ce sera terminé. Ils y seront.
La deuxième chose, et j’y tiens profondément, c’est que toutes les personnes qui dirigent des crèches, des écoles, des clubs de sport, des associations agréées ou qui ont une délégation de service public, non seulement pourront, mais devront consulter ce fichier quand elles embauchent quelqu’un. Elles y auront accès et nous allons passer avec tous les ministères des audits pour nous assurer qu’elles le font bien. Et pour s’assurer que telle personne, qui parfois a commis le pire il y a cinq ans, dix ans, quinze ans, si elle a purgé sa peine, elle doit pouvoir se réinsérer dans la société. Mais on ne doit pas la réexposer à nos enfants. Et là aussi, il faut être extrêmement clair. Et donc, ce sera maintenant possible grâce à ce plan d’action. Nous l’auditerons, nous le surveillerons. Ce sera non seulement une possibilité, ce qui n’était pas le cas aujourd’hui, mais un devoir. Ce sujet est essentiel parce qu’on a eu trop de drames en agissant pas assez fortement.
Et puis, le troisième sujet sur lequel je voulais m’exprimer devant vous. Vous dire notre mobilisation, mon engagement, c’est aussi la protection des enfants dans l’espace numérique. C’est le dernier point sur lequel je voulais insister. C’est une priorité qui est très importante. C’est protéger nos enfants face à de nouvelles menaces, de nouvelles transformations. Il y a trente ans, le numérique n’était pas ce qu’il était aujourd’hui. J’ai vu certaines et certains d’entre vous étaient en fac. Donc évidemment, vous avez accès aux réseaux sociaux. Après, il y en a qui y ont accès très jeune. Cela dépend des familles, des situations. Et donc, ils ont accès parfois à des messages qui sont durs. C’est ce que j’évoquais sur le harcèlement qui se passe aussi sur le numérique mais ils ont aussi accès à des contenus qui ne sont pas faits pour eux. Et là aussi, par exemple, les contenus pornographiques. En moyenne, on considère que dans notre pays, c’est à treize ans, treize ans qu’on accède à la pornographie. Je ne sais pas si vous imaginez. Cela veut dire que pour beaucoup de jeunes, l’imaginaire se construit, la sexualité se bâtit par les stéréotypes, la brutalité qui va avec ces images et tout ce que ça peut induire. Et donc, ça fait partie de l’éducation que vous ayez progressivement accès aux réseaux sociaux, à ce que le numérique permet d’avoir pour apprendre, pour savoir, oui, mais qu’on vous protège aussi sur le numérique comme on vous protège dans la société. On n’emmène pas un enfant, quand on le promène dans la rue, dans un sex-shop à treize ans, la plupart du temps. Vous en conviendrez avec moi. Il n’est pas choquant de dire : on doit protéger nos enfants pour ne pas considérer que c’est un espace où tout est permis le numérique, où on devrait détourner le regard et où la liberté en quelque sorte, n’aurait plus d’ordre public, plus qui permet aussi d’éduquer, de protéger. Dans beaucoup de cas d’ailleurs, nos enfants ont par ce truchement accès à la pornographie de manière totalement involontaire, par le biais de publicités qui arrivent, par des pratiques qui sont inacceptables. Et là aussi, dès le début de l’année prochaine, il y a quelques mesures très claires, très fortes qu’on va prendre, sur lesquelles je voulais insister.
La première, c’est permettre aux parents de reprendre davantage la main sur l’utilisation du numérique par leurs enfants. Je veux que soit mis en place un contrôle parental par défaut, qui permettra de garantir simplement son application. Aujourd’hui, c’est une démarche volontaire. Dans la plupart des cas, ça n’est pas suffisant. Ça doit être un contrôle par défaut. Je sais que ça gêne beaucoup de plateformes, beaucoup d’opérateurs numériques. Très bien. Je sais que le dogme est souvent la liberté. J’aime la liberté, moi aussi, mais la liberté n’existe pas s’il n’y a pas d’ordre public. Et donc, on donne six mois aux acteurs de l’internet pour participer à cela, pour nous proposer des solutions robustes. Et je le dis très clairement : dès maintenant, nous préparons la loi. Si dans six mois, nous n’avons pas de solution, nous passerons une loi pour le contrôle parental automatique. Ensuite, sur ce sujet, la responsabilité et les sanctions des sites pornographiques, qui permettent aux mineurs d’accéder à leur contenu, doivent aussi être renforcées et là-dessus, dans notre projet de loi audiovisuelle, il y a plusieurs éléments très importants sur lesquels je voulais insister. D’abord, on va maintenant enfin préciser dans notre code pénal que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l’accès à la pornographie des mineurs de moins de quinze ans. Il s’agira ainsi de généraliser des dispositifs de vérificateurs d’âge efficaces sur les sites pornographiques. Le choix des moyens sera laissé à l’appréciation des sites, pourvu qu’ils soient efficaces et réels. Et à cette nouvelle obligation répondront de nouvelles sanctions. Les juges pourront ainsi bloquer les sites qui ne respecteront pas cette loi. Et puis on va donner une compétence au Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui est l’instance française qui contrôle. Quand vous regardez la télévision, et qu’il y a des choses qui ne sont pas correctes, il y a quelqu’un qui est chargé de contrôler, qui peut sanctionner. Il peut mettre des amendes, voire plus. Eh bien, cette même instance sera étendue à la protection des mineurs contre la pornographie. Le CSA contrôlera que les plateformes respectent bien cette nouvelle obligation et il pourra lui aussi appliquer des sanctions à l’encontre des contrevenants. C’est là aussi un élément très important et j’y tiens.
Il y a d’autres sujets sur lesquels nous allons continuer à avancer : le harcèlement en ligne, comme je l’ai évoqué, qui suppose de faire avancer notre droit. Mais ces combats, et en particulier celui en matière de numérique, doivent aussi devenir des combats européens et internationaux, parce que la France seule ne peut agir. Il suffirait d’ouvrir un site en Belgique, en Allemagne ou ailleurs pour arriver au même résultat sans qu’il puisse être régulé en France. Donc, ce combat, nous allons le porter au niveau européen de la même manière et je souhaite que nous puissions aussi le porter au niveau international. C’est pourquoi je demande au secrétaire d’État en charge de l’enfance de lancer des travaux en ce sens avec ses homologues pour aboutir en 2020 à une nouvelle déclaration de politique internationale qui portera sur la protection des enfants dans le monde numérique. Nous avons en effet besoin de protéger la vie privée et les données personnelles des enfants, de protéger nos enfants contre le cyberharcèlement et la haine en ligne, de protéger nos enfants contre la pédo-criminalité et la diffusion d’images d’enfants en ligne, de mieux les protéger contre l’accès en ligne à des contenus illicites, de les protéger contre l’exposition précoce aux écrans. Cela suppose une nouvelle forme d’engagement international. Cela suppose de bâtir là aussi un nouveau cadre pour faire face à des acteurs qui sont internationaux et qui agissent comme tels. Et donc il nous faut construire ce nouveau droit. C’est ce que je souhaite que la France puisse porter et ce sur quoi nous pouvons avancer.
Voilà les trois sujets sur lesquels je voulais particulièrement insister devant vous ce matin, avant que vous ne poursuiviez vos travaux. Mais je n’oublie pas tout ce que je n’ai pas dit ou effleuré trop vite et des combats souvent rappelés par les associations, le Défenseur et la Défenseure que j’évoquais rapidement au début de mon propos. Ils sont aussi essentiels que ce que je viens de livrer.
Et à nos enfants, je veux le dire comme cela a été dit : apprenez ces droits, ayez accès à ces droits, parlez, libérez la parole, considérez qu’il n’y a pas d’automatisme, et que quand quelque chose vous heurte, vous rend malheureux, il faut le dire. Le dire à vos proches, le dire à vos maîtres, à vos enseignants, le dire à vos amis. Mais permettez-moi aussi de vous dire une chose et de nous dire une chose : il y a tous ces combats. Ces combats, ce sont les nôtres pour vous et parfois, on doit les mener avec vous. Mais n’oubliez pas l’innocence parce que parfois, on vous met beaucoup sur les épaules. Le premier droit d’être enfant, c’est le droit d’être innocent, c’est-à-dire de découvrir la vie avec bonheur, de considérer que l’on n’est pas forcément exposé à tous les maux de la Terre non plus, et qu’on a le droit d’être heureux et d’accéder de manière heureuse à l’éducation, à l’amour, à l’amitié, et donc c’est notre travail à nous. Vous allez nous questionner sur celui-ci et c’est bon que vous ayez à en connaître et que vous le sachiez. Mais parfois, j’ai le sentiment que dans notre société, on ne laisse plus à personne le droit d’être innocent et un peu heureux. Alors, je remercie les artistes, les associations qui sont là, de prendre avec nous cette charge de souci, pour vous en délester parce que ce qu’on doit avant tout vous donner, c’est ce droit d’être innocent, heureux dans notre société. Soyez-le. Ne laissez cela à personne. Personne n’a à vous le voler. C’est un temps béni. Il passe vite, trop vite. Parfois, on a envie de grandir. On regrette ce temps-là, croyez-moi. Mais c’est ce qu’on vous doit au premier chef, vous aider à grandir au bon rythme et à être innocent.
Voilà, Mesdames et Messieurs, chers enfants, ce que je voulais vous dire, mais en vous quittant et en vous souhaitant un bon travail, je voulais vous donner un rendez-vous, un rendez-vous à l’Élysée en janvier prochain, à une autre date, celle du 26 parce que le 26 janvier, c’est la date de signature de cette même convention par la France. Et donc, comme j’aime que les déclarations soient suivies d’effets et qu’il y ait des réunions de chantier, je vous invite tous et j’invite toutes nos associations qui sont en charge de ce combat, tous les acteurs de ce combat, à nous retrouver à l’Élysée, le 26 janvier prochain, pour faire un point sur l’avancée, pour aussi ouvrir de nouveaux sujets. Je vous rassure, ceux qui regarderont verront que c’est un dimanche. Ce n’est pas ça qui m’arrête, nous le ferons en fin de journée et ça nous permettra de faire un point de rendez-vous. Nous en aurons beaucoup. Ce sujet n’avancera pas seul. Ce combat est un combat de longue haleine mais qui supposera beaucoup de mobilisation. Donc, merci à vous, à tous les engagés.
Merci à nos enfants.
Je vous dis au 26 janvier.
Bon travail à vous et merci à tous.
Discours archivé au format PDF (685 Ko, 6 p.).