Messieurs les partisans de la « procréation médicalement assistée pour toutes », donnez votre sperme

PMA sans père

Bruno Décoret (© D.R.)

Bruno Décoret (© D.R.)

Actuellement, les Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (CECOS) pratiquant des inséminations artificielles avec donneur – qui font partie des procréations médicalement assistées, sans en être la seule pratique – manquent de donneurs de sperme bénévoles pour répondre aux nombreuses demandes de couples constitués d’une femme et d’un homme, ce dernier étant dans l’impossibilité de féconder son épouse ou compagne. L’ouverture d’une telle pratique, qui sera peut-être un droit dans la future loi en discussion – mais sans doute déjà virtuellement adoptée – va augmenter très sensiblement le nombre de demandes. D’où l’inquiétude d’un certain nombre de professionnels, et le questionnement de citoyens parmi lesquels l’auteur de ces lignes. Où trouvera-t-on la précieuse semence, devant être fournie bénévolement et gratuitement à toute femme qui en fera la demande ?

Or, il existe un moyen très simple d’en fournir de grandes quantités. Les partisans de l’adoption d’une loi « procréation médicalement assistée pour toutes » du sexe masculin sont très nombreux parmi les députés, personnalités politiques, du spectacle, du monde intellectuel, et autres. Sauf à être atteints eux-mêmes de stérilité, tous ces hommes ont la capacité de fournir sans trop se fatiguer de quoi alimenter les banques de sperme. Allons plus loin : si l’on en croit un sondage BVA publié le 23 juillet par Orange, 65 % des français seraient favorables à la « procréation médicalement assistée pour toutes », avec une moyenne légèrement supérieure pour les femmes. Cela représente tout de même au bas mot dix millions d’hommes pouvant donner leur sperme. Sachant que, actuellement, le sperme d’un donneur peut être utilisé pour la fécondation de dix receveuses, cela fait un potentiel de cent millions de naissances. Aucun risque de pénurie !

La campagne annoncée pour susciter des volontaires pourrait donc utiliser cet argument : « Puisque vous êtes favorable, apportez votre propre contribution ». Une telle campagne aurait une portée d’autant plus grande que les promoteurs affairés de la loi donneraient eux-mêmes le bon exemple. Messieurs Touraine, Mesnier, Chiche et autres n’hésitent pas – selon le très bien renseigné Mediapart – à faire « du lobbying interne » auprès de leurs collègues de la majorité, afin de faire taire les voix dissonantes comme celle de Madame Agnès Thill.

Jupiter

Statue de Jupiter (argent, bronze et cuivre, deuxième moitié du Ier siècle), trouvée au Vieil-Évreux en 1840, conservée au musée d’Évreux (© Vassil)

Ah ! Ça aurait de l’allure, un cortège de députés défilant devant un CECOS pour apporter leur modeste contribution à la cause qu’ils défendent avec ferveur. Et ce serait encore plus fort si ces donateurs généreux et cohérents obtenaient de voir figurer, en tête de leur cohorte, celui qui a fait de cette loi une promesse de campagne présidentielle, comme ils le répètent à l’envi – ce qui est contesté. Une telle présence ne ferait d’ailleurs que renforcer la posture jupitérienne de leur chef, car le dieu gréco-romain ne s’était pas privé de féconder les déesses, nymphes ou autres mortelles.

Allez-y, messieurs ! Vivez la riche expérience de vous retrouver seul dans une pièce, au fond d’un laboratoire, avec un petit récipient en verre et une pile de revues suggestives, et la consigne de ne ressortir qu’après avoir déposé dans ledit récipient les quelques gouttes de liquide que votre corps aura facilement produit par une méthode ancestrale, largement utilisée bien qu’elle soit condamnée par certaines morales religieuses. Avant de sortir de la pièce, vous n’échapperez pas à une pensée : ce don minuscule va contribuer à faire naître un être humain, qui sera porteur de la moitié de votre code génétique. Cet humain, vous ne le connaîtrez pas, ni ne connaîtrez celle qui va le porter neuf mois et l’éduquer, seule ou avec sa compagne. Mais lui pourra vous connaître, quelques dix-huit ans plus tard ; il ou elle pourra venir tirer votre sonnette et vous dire ceci : « Pendant toute mon enfance, je me suis posé une question obsédante : qui est mon père ? Maintenant, j’ai la réponse : c’est toi, et je demande – ou j’exige – que tu assumes cette paternité. » Peut-être cela n’arrivera-t-il pas, car les filles et garçons nés des suites de votre don n’en éprouveront pas le besoin, mais vous vivrez avec cette possibilité pendue au-dessus de votre tête – vos enfants aussi, si vous en avez. Ajoutons que la probabilité pour qu’elle devienne réalité sera d’autant plus grande que vous serez un homme connu, riche ou célèbre. Qui résistera, en apprenant qu’il est l’enfant de Zeus, à l’envie d’exiger de lui une place sur l’Olympe ? Certains préféreront ne pas savoir afin de pouvoir fantasmer sur la personnalité de leur géniteur. Une telle situation ne peut se produire dans la pratique actuelle de l’insémination artificielle avec don de sperme. En effet, à supposer que l’anonymat soit – illégalement – contourné et qu’un enfant conçu de cette façon retrouve le donneur, ce dernier pourra répondre de la manière la plus simple : « Tu as un père, c’est cet homme qui a demandé de l’aide pour pouvoir avoir un enfant avec ta mère et à qui j’ai accepté de donner un peu de mon liquide séminal, sous l’autorité des médecins. Mais ce n’est pas moi. »

Peut-être ce qui précède explique-t-il pourquoi les zélotes de la « procréation médicalement assistée pour toutes » préfèrent que l’insémination en question soit faite avec le sperme d’un autre homme, plutôt qu’avec le leur. Au tréfonds d’eux-mêmes, dans ce que l’on peut appeler l’instinct, l’inconscient, ou le réalisme, ils savent que les trois ou quatre centimètres cubes qu’ils auront déposés dans le flacon du CECOS ne sont pas qu’une simple excrétion de leur corps, mais contiennent un code complexe qui est une partie essentielle de leur être, qu’ils ont reçu de ceux qui les ont conçus, une signature, une clef indispensable pour engendrer la vie humaine, et que donner cette signature, c’est faire un terrible chèque en blanc, sans limite de validité et dont on ne sait pas l’usage qui pourra en être fait.

Alors, messieurs les défenseurs de la « bonne cause », prenez un temps de réflexion personnelle, recueillez – le cas échéant – l’avis de votre compagne et de vos enfants, et agissez de manière cohérente ! Si, en votre âme et conscience, vous persistez dans le soutien à la « procréation médicalement assistée pour toutes », ayez le courage de votre opinion : allez donner votre sperme dans un CECOS, publiquement, en affirmant sans ambiguïté qu’il permettra à une femme d’avoir un enfant sans contact avec un homme, et réclamez que, lorsqu’ils auront atteint la majorité, les fruits de votre don pourront connaître votre identité et prendre contact avec vous. Votre courage m’inspirera le respect et, si vous êtes nombreux, peut-être reverrai-je ma position sur le sujet. Si vous ne vous sentez pas capable de faire ce geste – ces gestes, car il faut plusieurs dons – et de le dire sur la place publique, ne culpabilisez pas, aucune cause ne peut vous obliger à donner un morceau de vous-même. Mais, dans ce cas, abandonnez ce projet de loi et laissez les femmes désireuses d’avoir un enfant trouver elles-mêmes l’homme qui en assumera la paternité, en recourant au besoin aux services d’un médecin si elles ne souhaitent – ou ne peuvent – pas accepter la semence masculine au cours d’un rapport sexuel.

Mise à jour du 2 septembre 2019

Cet article a également été publié sur le site du magazine Causeur sous le titre « Que les députés pro-PMA donnent leur sperme d’abord ! ».

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