Piednoir (Stéphane), Question orale nº 826S à la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations sur la réalité effective de la coparentalité en cas de séparation [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 22 S (Q), 30 mai 2019, p. 2814].
M. Stéphane Piednoir appelle l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, au sujet du principe de coparentalité et de sa réalité effective en cas de séparation.
Le principe de coparentalité, introduit par la loi nº 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, établit qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, et ce même en cas de séparation.
Selon une récente étude de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 40 % des enfants de moins de 25 ans issus d’une séparation ne voient plus ou peu leur père [1]. L’intérêt de l’enfant commande d’envisager des solutions pour qu’il n’ait pas à souffrir de ne plus voir l’un de ses parents lorsque c’est possible.
En outre, une note de 2012 [sic] du ministère de la justice enseigne qu’après divorce ou séparation 73 % des enfants vivent uniquement chez leur mère et ne rencontrent leur père qu’un week-end sur deux, 7 % vivent uniquement chez leur père et 17 % vivent en résidence alternée.
Devant le contraste saisissant de ces chiffres, et bien que le nombre de résidences alternées augmente lentement, la question de l’égalité entre hommes et femmes dans la parentalité doit être posée.
Il pourrait être envisagé de faire, comme dans d’autres pays, de la résidence alternée un principe de base afin de rééquilibrer la place des deux parents auprès de l’enfant lors d’une séparation. Mettre en place une présomption de résidence alternée en cas de séparation permettrait à de nombreux enfants de grandir dans un climat plus serein.
Convaincu des bienfaits sur l’enfant de l’exercice d’une véritable coparentalité, il lui demande ce qui pourrait être mis en place pour qu’en cas de séparation et lorsque la situation le permet, un enfant ne soit pas privé de la présence d’un de ses parents.
Réponse ministérielle lors de la séance du mardi 2 juillet 2019
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, auteur de la question nº 826, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adressait initialement à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je souhaite appeler son attention sur un fait de société qui a pris de l’importance ces dernières années : le principe de coparentalité, introduit par la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. Ce principe établit qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses deux parents, qu’ils soient séparés ou non. Pourtant, dans de nombreux cas de séparation, le père, sans que ce soit nécessairement son souhait, ne voit son enfant que très rarement, voire plus du tout. Selon une étude de l’Insee sur les familles monoparentales, en 2005, cela concernait 40 % des enfants issus d’une séparation, ce qui est évidemment considérable.
Les chiffres du ministère de la justice vont dans le même sens et témoignent des inégalités en matière de coparentalité. En 2012, après divorce ou séparation, 73 % des enfants vivaient uniquement chez leur mère et ne rencontraient leur père qu’un week-end sur deux, 7 % vivaient uniquement chez leur père, enfin 17 % seulement étaient en résidence alternée. Si le nombre de résidences alternées progresse lentement malgré tout, le fossé entre ces chiffres doit nous interpeller sur l’égalité réelle entre femmes et hommes en matière de parentalité.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi ne pas faire de la résidence alternée un principe de base, afin de rééquilibrer la place des deux parents auprès de l’enfant lors d’une séparation ? Mettre en place, comme dans d’autres pays, une présomption de résidence alternée en cas de séparation permettrait à de nombreux enfants de grandir dans un climat plus serein. Plus qu’une possibilité parmi d’autres, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, la coparentalité pourrait être la règle.
Que comptez-vous mettre en place pour que la coparentalité s’exerce pleinement en cas de séparation et que, dès que la situation le permet, un enfant ne soit pas privé de la présence de l’un de ses parents ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Piednoir, je répondrai en lieu et place de ma collègue secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, qui vous prie de l’excuser. Soyez convaincu qu’avec Marlène Schiappa nous travaillons sur de nombreux sujets, ce qui concerne les enfants touchant souvent la cellule familiale dans son ensemble.
Le Gouvernement soutient le principe de coparentalité que vous évoquez, que les parents vivent ensemble ou non, qu’ils aient été mariés ou non. L’article 373-2 du code civil affirme, et ce depuis 2002, que chacun des parents doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
La question que vous posez relève davantage du ministère de la justice, mais je peux partager avec vous quelques éléments permettant de poser le cadre du sujet que votre question aborde.
C’est le juge aux affaires familiales, selon l’article 373-2-9 du code civil, qui fixe la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun de ses parents ou, si la résidence alternée n’est pas retenue, au domicile de l’un d’eux. L’article 373-2-6 de ce même code confie en effet au juge aux affaires familiales le soin de prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité des liens de l’enfant avec chacun de ses parents. En outre, l’article 373-2-11 fait de l’aptitude à respecter les droits de l’autre parent l’un des éléments que le juge aux affaires familiales doit prendre en considération lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Dans cette mission, notamment lorsqu’il lui est demandé de trancher un désaccord, le juge aux affaires familiales doit être particulièrement attentif au maintien d’un équilibre, afin de maintenir la coparentalité que vous évoquez, mais aussi et avant tout être attentif à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est pourquoi la décision du juge au cas par cas reste la règle et que l’on ne peut pas préjuger du bien-fondé ou de l’intérêt pour l’enfant d’une résidence alternée, même si elle permet le plus souvent de maintenir l’équilibre de la coparentalité. Chaque histoire est spécifique ; chaque enfant est différent. La relation qui a pu se construire, les défis auxquels la famille est confrontée nécessitent forcément une approche au cas par cas, avec toutes ses richesses, mais aussi parfois ses limites. C’est le sens de cette matière humaine.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour l’ensemble de vos réponses.
La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.
M. Stéphane Piednoir. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Vous avez bien compris le sens de ma question.
Comme vous, je soutiens le principe de la coparentalité, parce que l’on ne saurait se satisfaire que, chaque année, des milliers d’enfants s’éloignent un peu plus de l’un de leurs parents, le plus souvent contre leur gré. L’absence d’un parent est la plupart du temps préjudiciable à l’enfant. Elle peut d’ailleurs créer des troubles que personne ne souhaite généraliser dans notre société.
Le sens de ma question était le suivant : prenons la responsabilité, si ce n’est de systématiser, du moins de généraliser plus qu’aujourd’hui cette règle, parce qu’il y a une disproportion dans les jugements rendus.
Note de P@ternet
- Récente ? Il s’agit de la première vague de l’enquête « Études des relations familiales intergénérationnelles » (renommée ensuite « enquête sur les relations familiales et intergénérationnelles »), réalisée en 2005… Le constat que 40 % des enfants de moins de vingt-cinq ans victimes d’une séparation parentale ne voient plus ou peu leur père a été fait dans : Chardon (Olivier), Daguet (Fabienne), Vivas (Émilie), « Les familles monoparentales. Des difficultés à travailler et à se loger », Insee Première, nº 1195, 20 juin 2008, p. 3.
Question archivée au format PDF (375 Ko, 2 p.).