Une condamnation pour non-représentation d’enfant confirmée par la Cour de cassation

Cour de cassation

Lors de son audience publique de ce 10 avril 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.

Dans le cadre de la procédure de divorce d’un couple franco-libanais, parents d’un jeune garçon, un juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris avait rendu en juin 2014 une ordonnance de non conciliation accordant au père des droits de visite et d’hébergement pouvant s’exercer au Liban durant les vacances scolaires. Arguant d’un risque d’enlèvement, la mère avait ensuite systématiquement empêché son futur ex-mari de voir leur fils.

Cette attitude avait conduit la cour d’appel de Paris à condamner la mère en octobre 2017 à un an d’emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l’épreuve, pour avoir commis le délit de non-représentation d’enfant, réprimé par l’article 227-5 du code pénal. La mère avait alors formé un pourvoi en cassation, faisant notamment valoir qu’une sanction assortie d’un sursis simple aurait été suffisante puisqu’elle n’avait jamais été condamnée auparavant, et qu’il s’agissait d’une atteinte disproportionnée… à sa vie familiale.

Constatant que son comportement visait seulement à éloigner l’enfant de son père, la Cour de cassation a rejeté aujourd’hui les arguments de la mère et entériné la décision de la cour d’appel de Paris :

« Attendu […] que les juges ont souverainement apprécié que la prévenue n’avait pas rapporté la preuve du risque d’enlèvement de l’enfant par son père, la cour d’appel a justifié sa décision […] ;

« Attendu que, pour condamner Mme U… à la peine d’un an d’emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l’épreuve, l’arrêt énonce que la nature et la gravité des faits poursuivis, soit ce refus persistant de la mère de représenter leur fils à son père, y compris sur le territoire français, la personnalité et l’obstination dont fait preuve Mme U… amènent la cour à estimer que seule une peine d’emprisonnement ferme est de nature à sanctionner utilement le délit reproché, toute autre sanction étant manifestement inadéquate ; que les juges ajoutent que cette peine sera en partie assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve pour prévenir le renouvellement des faits et que l’insuffisance des renseignements sur la situation personnelle précise de Mme U… fait obstacle au prononcé de l’une des mesures d’aménagement prévues par les articles 132-25 à 132-28 du code pénal ;

« Attendu qu’en l’état de ces motifs qui répondent aux exigences de l’article 132-19 du code pénal, la cour d’appel a justifié sa décision ;

« D’où il suit que le moyen, qui est inopérant en sa troisième branche en ce qu’il invoque une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, laquelle ne saurait résulter d’une condamnation à une peine d’emprisonnement prononcée conformément aux exigences de l’article 132-19 du code pénal, doit être écarté. »

Il peut être utile de préciser pour les âmes sensibles que cette mère n’a pas fait ni ne fera un seul jour de prison ferme. Les pouvoirs des juges sont en effet extrêmement étendus quant au choix de la peine et à ses modalités d’exécution. Le délinquant peut être dispensé de toute peine si son « reclassement » est acquis, que le trouble a cessé et que le dommage subi par la victime est réparé. Si le reclassement est en voie d’être acquis, que le trouble va cesser et que le dommage va être réparé, le prononcé de la peine peut être ajourné (c’était le cas en l’espèce), cet ajournement étant éventuellement assorti d’une injonction ou d’une mise à l’épreuve. La peine peut également être assortie d’un sursis – partiel ou total – à son exécution, notamment si le délinquant n’a pas d’antécédents judiciaires, le sursis pouvant être prononcé avec mise à l’épreuve (c’était aussi le cas en l’espèce).

Par ailleurs, la loi pénitentiaire nº 2009-1436 du 24 novembre 2009 prévoit que toute peine inférieure à deux ans (ou un an en cas de récidive légale) doit être examinée par le juge de l’application des peines pour envisager un aménagement (bracelet électronique, jours-amendes, placement à l’extérieur, semi-liberté, stage de citoyenneté, travail d’intérêt général…). On aura relevé que de telles mesures d’aménagement avaient été refusées en l’espèce par la cour d’appel de Paris.

Rappelons enfin que les délais beaucoup trop longs de l’institution judiciaire ainsi que la dichotomie (particulièrement aberrante en matière familiale) entre juridictions civiles et pénales rendent trop souvent inopérante la répression légale des atteintes à l’exercice conjoint de l’autorité parentale ou au maintien des relations entre enfants et parents. Nos lecteurs concernés par ces problèmes pourront se reporter aux deux fiches pratiques annexées à cette chronique : la première a été publiée sur le site du ministère de l’Intérieur et rappelle utilement que « faire obstacle au droit de visite de l’autre parent est un délit même si le parent auteur des faits exerce seul l’autorité parentale » ; plus ancienne mais toujours pertinente, la seconde a été conçue par l’association SOS PAPA.

Références
Cour de cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 10 avril 2019
Nº de pourvoi : 17-86631

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