Lors de son audience publique de ce 20 mars 2019, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui montre les limites des dispositions destinées à lutter a priori contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et de maternité, qui font l’objet de la circulaire (NOR JUSCI904138C) diffusée aujourd’hui même par le ministère de la Justice (voir notre article de ce jour).
En l’espèce, un jugement marocain du tribunal de première instance de Mohammédia en date du 9 octobre 2012 avait ordonné la transcription sur les registres de l’état civil français de l’acte de naissance d’une enfant née dans cette ville d’un couple de nationalité française.
Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’était opposé à la demande de transcription formulée par les parents, en invoquant des « doutes sérieux sur la grossesse » : la mère était âgée de quarante-neuf ans au moment de la naissance, il n’y avait aucune preuve de sa présence sur le territoire marocain le jour de l’accouchement, la grossesse n’avait fait l’objet d’aucun suivi médical, et les délais de déclaration de l’enfant prévus au Maroc (trente jours suivant la naissance) n’avaient pas été respectés.
Les parents assignèrent alors aux fins d’exequatur du jugement marocain. Considérant que les faits déclarés dans l’acte de naissance ne correspondaient pas à la réalité (cf. article 47 du code civil), la cour d’appel de Rennes refusa la transcription de la filiation maternelle et rejeta la demande d’exequatur en présence d’une filiation conférée en fraude à la loi et contraire à l’ordre public français (cf. article 16-d de la Convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957).
L’arrêt a été cassé par la première chambre civile de la Cour de cassation car la cour d’appel de Rennes « a procédé à la révision au fond du jugement » marocain, violant ainsi les articles 16 et 19 de la Convention précitée :
« Il résulte du premier de ces textes qu’en matière civile, la décision rendue par une juridiction siégeant au Maroc a de plein droit l’autorité de chose jugée en France si elle émane d’une juridiction compétente, si les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, si elle est, d’après la loi marocaine, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution, si elle ne contient rien de contraire à l’ordre public français et n’est pas contraire à une décision judiciaire française possédant à son égard l’autorité de la chose jugée ; […] selon le second, le juge saisi d’une demande de reconnaissance d’un jugement marocain, qui procède d’office à l’examen des conditions de sa régularité internationale, se borner à vérifier si ces conditions sont réunies. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 20 mars 2019
Nº de pourvoi : 18-50005
Arrêt archivé au format PDF (96 Ko, 5 p.).
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