Herzog (Christine), Question écrite nº 7835 à la ministre de la justice sur le recours à la note en délibéré devant les juridictions de l’ordre judiciaire [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 46 S (Q), 22 novembre 2018, p. 5881].
Mme Christine Herzog attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fait que l’article R. 731 du code de justice administrative consacre le principe de la note en délibéré devant les juridictions administratives alors que l’article 445 du code de procédure civile ne permet le recours à la note en délibéré qu’en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président. Elle lui demande s’il ne serait pas judicieux d’ouvrir les possibilités de recours à la note en délibéré devant les juridictions de l’ordre judiciaire notamment lorsque des faits nouveaux surgissent pendant la période du délibéré et méritent d’être portés à la connaissance du juge.
Réponse du ministère de la Justice publiée dans le Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 51 S (Q), 27 décembre 2018, pp. 6804-6805.
Le recours aux notes en délibéré est très ancien devant le Conseil d’État. À l’origine, il offrait aux parties la possibilité de transmettre à la formation de jugement des éléments de réponse aux arguments développés par le commissaire du Gouvernement, devenu rapporteur public, qui, jusqu’au décret nº 2006-964 du 1er août 2006, avait la parole en dernier. Cette pratique rétablissait le principe d’égalité malgré la clôture des débats. Désormais, alors même qu’elles peuvent prendre la parole à l’issue du prononcé des conclusions du rapporteur public, l’article R. 731-3 du code de justice administrative prévoit que les parties à l’instance peuvent, à l’issue de l’audience, adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. Si tel est le cas, l’article R. 741-2 de ce code prévoit que la décision doit en faire mention. Lorsqu’il est saisi d’une telle note en délibéré, il appartient au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il est en revanche tenu de le faire à peine d’irrégularité de sa décision si cette note contient l’exposé, soit d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office (CE, 12 juillet 2012 [sic – lire 2002] , nº 236125). De la même manière, devant le juge judiciaire, c’est le principe du contradictoire qui détermine le recours à la note en délibéré. Si l’article 445 du code de procédure civile interdit en principe aux parties, après la clôture des débats, de déposer une note à l’appui de leurs observations, elles sont cependant recevables à produire une telle note pour répondre à l’avis du ministère public, celui-ci ayant la parole en dernier comme partie jointe. On retrouve ici la logique à l’œuvre dans la procédure contentieuse administrative. Par ailleurs, la note en délibéré est admise lorsque le président sollicite de la part des parties des éclaircissements sur des points de droit ou de fait. La jurisprudence l’admet également lorsque la note comporte la communication d’une pièce susceptible de modifier l’opinion du juge lorsque l’adversaire s’est abstenu de la verser aux débats. L’encadrement du recours à la note en délibéré se justifie par le fait qu’il convient, dans un objectif de célérité, de marquer la clôture des débats et de ne pas prolonger l’audience, en dehors du prétoire, du fait d’un échange ininterrompu de notes entre les parties, sans contrôle effectif du juge. En application de l’article 444 du code de procédure civile, celui-ci reste d’ailleurs tenu d’ordonner la réouverture des débats lorsque les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. Les garanties apportées aux parties sont donc équivalentes en procédure civile et en procédure administrative contentieuse.
Question archivée au format PDF (222 Ko, 3 p.).