Lors de son audience publique de ce 15 novembre 2017, la Cour de cassation a rendu une importante décision en faveur de notre camarade Emmanuel Snackers, persécuté par le système judiciaire français depuis l’été 2013, en rappelant qu’aux termes de l’article 6 du règlement (CE) nº 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (dit « règlement Bruxelles II bis »), « un époux qui a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre, ou est ressortissant d’un État membre, […] ne peut être attrait devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des articles 3, 4 et 5 » de ce même règlement.
En l’espèce, notre camarade, de nationalité belge, s’était marié en France le 2 septembre 1995 avec une Française. Après avoir vécu pendant dix-sept ans en Belgique, où sont nés les trois enfants du couple, la famille s’était installée en Inde le 27 juillet 2012. À l’occasion de vacances estivales en France, l’épouse avait saisi d’une requête en divorce un juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montargis. Méprisant le règlement Bruxelles II bis, ledit juge s’était déclaré compétent pour statuer sur la requête en divorce dans son ordonnance de non-conciliation.
Méprisant aussi bien le même règlement, la cour d’appel d’Orléans avait confirmé le 6 mai 2014 la compétence des juridictions françaises. Ayant constaté qu’aucun des chefs de compétence énoncés aux articles 3 à 5 du règlement Bruxelles II bis ne pouvait être retenu, à défaut pour les époux d’avoir une résidence habituelle dans un État membre ou la nationalité commune d’un État membre, elle avait fait application de l’article 7 § 1 dudit règlement, disposant que « lorsque aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu des articles 3, 4 et 5, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État ».
Ayant constaté que les époux avaient fixé leur résidence habituelle en Inde et que les critères édictés à l’article 1070 du Code de procédure civile n’étaient donc pas remplis en l’absence de résidence habituelle des enfants en France, la cour d’appel d’Orléans avait par suite retenu que la compétence du juge français était fondée sur l’article 14 du Code civil, qui dispose que « l’étranger, même non résident en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l’exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français [et celles] contractées en pays étranger envers des Français ». L’épouse étant française et ayant contracté mariage en France, la cour d’appel d’Orléans avait donc pensé pouvoir confirmer la compétence des juridictions françaises pour statuer sur le divorce des époux.
Bien conseillé par une avocate de l’association SOS PAPA, notre camarade avait contesté cette compétence et formé un pourvoi en cassation. Appliquant strictement l’article 6 du règlement Bruxelles II bis, selon lequel « un époux qui a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre, ou est ressortissant d’un État membre, […] ne peut être attrait devant les juridictions d’un autre État membre qu’en vertu des articles 3, 4 et 5 » de ce règlement, la première chambre civile de la Cour de cassation a donc rejeté la compétence des juridictions françaises.
Il est à noter que la Cour de justice de l’Union européenne avait déjà eu à se prononcer sur l’étendue du « caractère exclusif des compétence définies aux articles 3, 4 et 5 » posé à l’article 6 du règlement Bruxelles II bis dans une affaire (arrêt C-68/07 du 29 novembre 2007, Kerstin Sundelind Lopez c. Miguel Enrique Lopez Lizazo) où elle avait conclu que « les juridictions d’un État membre ne peuvent pas […] fonder leur compétence sur leur droit national, si les juridictions d’un autre État membre sont compétentes au titre de l’article 3 dudit règlement ». Certains avaient compris que le droit national d’un État membre pouvait s’appliquer dès lors qu’aucun des chefs de compétence du règlement Bruxelles II bis n’était applicable. La Cour de cassation a fait une lecture stricte de l’article 6 du règlement, estimant que la présence dans le litige d’un ressortissant belge, donc « ressortissant d’un État membre », ne permettait pas de fonder la compétence des juridictions françaises sur le droit national, même si aucun des chefs de compétence de l’article 3 ne permet de saisir un juge d’un État membre. Par là-même, la Cour de cassation reconnaît la supériorité du droit de l’Union européenne sur le droit interne français dès lors que le litige entre dans le champ d’application du règlement Bruxelles II bis.
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 15 novembre 2017
Nº de pourvoi : 15-16265
Arrêt archivé au format PDF (64 Ko, 10 p.).
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