Question sur la garantie contre les impayés des pensions alimentaires

Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 23 S (C.R.), 9 mars 2016

Monier (Marie-Pierre), Question d’actualité nº 782G à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes sur la garantie contre les impayés des pensions alimentaires [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 23 S (C.R.), 9 mars 2016, pp. 3886-3887].


M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain.

Marie-Pierre Monier (© D.R.)

Marie-Pierre Monier (© D.R.)

Mme Marie-Pierre Monier. Ma question s’adresse à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

Selon des chiffres cités par le rapport Fragonard d’avril 2013 sur les aides aux familles, 40 % des pensions alimentaires ne seraient pas entièrement payées, alors qu’elles représentent près d’un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres ; 90 000 foyers sont potentiellement concernés. Dans 85 % des cas, il s’agit d’une mère qui élève seule son enfant ou ses enfants.

Les statistiques indiquent que les familles monoparentales comptent parmi les familles les plus pauvres, même après l’effet redistributif des prestations.

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a prévu, dans son article 27, l’expérimentation d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Celle-ci a commencé le 1er octobre 2014 dans vingt départements ; elle doit s’achever le 1er avril 2016.

À cette date, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a prévu la généralisation de ce dispositif à l’ensemble du territoire. Cela apportera une réponse concrète à la pauvreté des familles monoparentales, réponse dont les acteurs de la politique familiale ont salué la pertinence.

Ce dispositif permet au parent qui a la charge de l’enfant de toucher une pension alimentaire complémentaire différentielle pour que toute pension atteigne au minimum 100 euros par mois et par enfant. Il rend également plus juste l’allocation de soutien familial en prévoyant un versement dès le premier mois d’impayés, ce qui permettra aux parents subissant des paiements irréguliers d’en bénéficier. Enfin, ce dispositif permet de responsabiliser davantage le parent débiteur par l’amélioration des procédures de recouvrement par la CAF.

Nous saluons ce dispositif. Il constitue un réel progrès social et une aide très concrète, principalement à destination des femmes, singulièrement des mères isolées.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous dresser un bilan de l’expérimentation de ce dispositif dans les vingt départements concernés ? Pouvez-vous également nous fournir quelques éléments sur la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires, évoquée comme un moyen de compléter ce dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Laurence Rossignol (© D.R.)

Laurence Rossignol (© D.R.)

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. Madame la sénatrice, en effet, aux violences déjà bien identifiées – violences intrafamiliales, violences sexuelles, viols –, s’ajoute un autre type de violence à l’encontre des femmes et, en particulier, des familles monoparentales : la violence économique que constitue le non-paiement des pensions alimentaires, qui plonge ces femmes et leurs enfants dans une situation d’extrême pauvreté.

Vous avez évoqué le rapport Fragonard, selon lequel 30 % à 40 % des pensions alimentaires ne sont pas versées ou sont payées partiellement ou irrégulièrement.

J’évoquerai également un phénomène plus difficile à quantifier, mais qui n’en existe pas moins, celui des pensions alimentaires non établies. Quand un couple non marié se sépare, il ne va pas toujours faire établir une pension alimentaire par un juge ; certains se séparent suivant une espèce de convention à l’amiable, auquel cas la mère ne peut se prévaloir d’un jugement pour obtenir le versement de sa pension alimentaire. C’est une autre source de non-paiement de la pension alimentaire.

Pour faire face aux grandes difficultés subies par les familles monoparentales, nous avons en effet expérimenté durant les deux dernières années, dans vingt départements, un mécanisme de garantie contre les impayés des pensions alimentaires. Son bilan est extrêmement positif ; il l’est même tant que nous avons décidé de généraliser cette garantie à compter du 1er avril prochain.

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Cette allocation, qui sera versée à toutes les familles monoparentales ne bénéficiant pas d’une pension alimentaire, garantira 100 euros par mois et par enfant. Elle pourra également apporter un complément de revenus à celles dont les pensions seraient inférieures à 100 euros.

Cette allocation présente un autre avantage : les caisses d’allocations familiales sont subrogées dans les droits de la personne et peuvent poursuivre, à la place des mères, les débiteurs. Cela mettra ces femmes à l’abri d’éventuelles violences identifiées préalablement au cours du processus de rupture.

Cette garantie des impayés des pensions alimentaires est très attendue ; c’est une belle réforme.

Nous travaillons également, comme vous l’avez évoqué, à la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires, qui nous permettrait de concentrer l’ensemble des procédures liées à l’établissement des pensions alimentaires, comme cela se fait actuellement au Québec.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, la Journée des droits des femmes, ce n’est pas uniquement le 8 mars, c’est chaque jour, pour le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Jean-Louis Carrère. Mais pas pour Les Républicains !


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