L’accès à l’avortement favorise-t-il la prospérité économique ?

Communiqué de presse d’Alliance Vita

Alliance Vita

La remise en question par la Cour suprême de l’arrêt Roe vs Wade sur l’avortement a suscité un débat enflammé aux États-Unis et au-delà. Des voix, dont celle de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, ont agité les risques que feraient peser les restrictions à l’avortement sur l’économie. À l’appui de ces alertes relayées dans de nombreux médias, des études établissent un lien entre l’accès à l’avortement et la prospérité économique. Dans une note d’analyse, Alliance Vita s’est penchée sur ces études afin de vérifier la réalité de ce lien et des conclusions qui en sont tirées.

Existe-il un lien de causalité entre l’accès à l’avortement et le bien-être économique des femmes et des enfants à long terme ?

Les déclarations de Janet Yellen s’appuient principalement sur un mémoire rédigé par 154 économistes en septembre 2021 et remis à la Cour suprême américaine lors du débat sur la constitutionnalité de la loi du Mississipi. Ce mémoire entend démontrer que l’accès à l’avortement (isolé des autres facteurs) « est lié de manière causale aux progrès des femmes dans la vie sociale et économique ». Or si la méthodologie de l’inférence causale utilisée pour évaluer l’incidence de la légalisation de l’avortement sur le développement économique des femmes démontre un impact de l’avortement sur la démographie, elle ne permet pas d’établir un lien direct avec l’économie sauf à considérer qu’une faible natalité est source de bien-être économique.

Par ailleurs, concernant l’effet de la légalisation de l’avortement sur la réussite scolaire et sur les salaires des femmes, un article datant de 1996 sur des données des années 1960 utilisé par les économistes, montre que la légalisation de l’avortement a un impact significatif pour les adolescentes noires sur leur niveau d’éducation et leur taux d’emploi mais pas sur leurs salaires et aucun impact pour les adolescentes blanches. En revanche, cet article trouve un lien inexpliqué et significatif entre les salaires des hommes blancs qui augmentent et la légalisation de l’avortement.

Plus généralement, de nombreuses publications mettent en avant le « désavantage économique » résultant du fait d’avoir un enfant sur les revenus, sur la participation au marché du travail et sur la carrière des femmes.

Or l’absence de politique fédérale de soutien aux mères est un point crucial, qui ne ressort pas de l’approche de la secrétaire au Trésor. Pourtant, la mise en œuvre d’une politique familiale et sociale pourrait éviter l’avortement à des femmes plus pauvres en amortissant les coûts économiques de la maternité, comme le souligne d’ailleurs le rapport Myers.

Existe-il un lien de causalité entre l’accès à l’avortement et le bien-être économique des enfants à long terme ?

Quant à l’affirmation selon laquelle le bien-être des enfants serait meilleur quand ils sont nés dans un État où l’avortement n’est pas limité, il s’avère, selon une étude du National Bureau of Economic Research (NBER), qu’aucun lien de causalité ne peut être établi entre la jurisprudence Roe vs Wade et les indicateurs socio-économiques utilisés : taux de pauvreté, d’utilisation de l’aide sociale, de décrochage scolaire… Le développement économique des générations futures semble davantage dépendre du différentiel de richesse entre les États plutôt que du différentiel de législation relative à l’interruption volontaire de grossesse.

Peut-on établir un impact économique à court terme du refus de l’avortement ?

Les études qui ont examiné l’impact économique à court terme du refus de l’avortement lors du second trimestre de grossesse (dont les renommées Turnaway Studies) montrent en réalité que les femmes dont l’avortement a été refusé (plus jeunes, moins employables et ayant moins d’enfants en moyenne) subissent des coûts financiers importants liés à l’arrivée d’un nourrisson (aux États-Unis, les coûts moyens liés à la petite enfance s’élèvent à 11 000 dollars annuels par enfant). Néanmoins il apparaît que ces coûts ne sont pas durables. Cette constatation valable pour toutes les femmes prenant soin de leur enfant entre 0 et 3 ans, est particulièrement accrue par le fait que la population concernée par les avortements très tardifs est particulièrement vulnérable financièrement par rapport à la population générale.

Peut-on généraliser l’effet des mesures relatives à l’avortement pour certaines catégories à l’ensemble des femmes qui avortent ?

Les études économiques présentées dans la note se focalisent sur des populations de femmes spécifiques et particulièrement vulnérables telles que les adolescentes, les femmes demandant des avortements au second trimestre, les femmes dans des situations de grande précarité ou les femmes noires. Or ces catégories de femmes ne représentent pas la totalité des avortements aux États-Unis. Le portrait type de la femme qui avorte aux États-Unis est assez loin des profils mis en avant pour analyser les conséquences économiques.

Pour le porte-parole d’Alliance Vita, Tugdual Derville :

« Les conclusions générales tirées à partir des études invoquées pour présenter le bénéfice économique de l’avortement légal sont biaisées par des méthodes contestables : des échantillons anciens, peu nombreux, parcellaires et non-homogènes, et une occultation des éléments qui viendraient ruiner la thèse défendue. Transparait une idéologie utilitariste et libérale voire eugéniste, plus répandue aux États-Unis, qui, au mieux ignore, au pire rejette les politiques sociales de soutien à la maternité et à la famille comme susceptibles de provoquer un surcroit de natalité chez des populations défavorisées, qu’il faut encourager à ne pas trop procréer. »


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