« Les papas en danger ? » d’Édouard Leport – ou ce que le militantisme fait à la recherche

Les papas en danger ?

Les éditions de la Maison des sciences de l’homme ont publié le 20 janvier dernier, dans leur collection « Interventions », un ouvrage intitulé Les papas en danger ? Des pères à l’assaut des droits des femmes, rédigé suite à une thèse en sociologie soutenue en 2020. L’auteur, Édouard Leport, a assisté à des permanences de plusieurs associations de défense des pères, et a réalisé des entretiens avec des animateurs ainsi qu’avec des personnes venues assister à ces permanences.

L’ouvrage est une enquête à charge. Des situations observées et interviews ne sont retenus que les éléments permettant une représentation négative des associations, des militants et des pères dans leur ensemble. Les réflexions et conclusions sont lourdement et ostensiblement teintées de présupposés idéologiques.

L’auteur ne le cache pas : il s’agit d’un livre militant (militance anti-pères et plus généralement anti-hommes, est-il besoin de le préciser…). Cela n’est pas mauvais en soi, chacun a le droit d’exprimer ses opinions et convictions.

Ce qui est plus problématique est que ce travail est publié par les éditions de la Maison des sciences de l’homme, c’est-à-dire par une institution publique dédiée à la recherche. Nous sommes en présence d’un écrit ouvertement militant auquel est offert un statut de publication scientifique. Cela interroge et inquiète quant à l’état de la recherche en France, raison pour laquelle j’ai repris en sous-titre le cri d’alerte de Nathalie Heinich : Ce que le militantisme fait à la recherche.

Qui plus est, la collection « Interventions » est ainsi présentée :

« La production scientifique peut contribuer à éclairer les préoccupations de nos concitoyens, les aider à s’orienter, répondre à leurs attentes intellectuelles, à leur curiosité. […]

« La collection Interventions propose des ouvrages rigoureux, exigeants, reposant sur des connaissances sérieusement éprouvées. […] »

La prétention est donc « scientifique ». Quant au caractère rigoureux, quant aux connaissances sérieusement éprouvées, la lecture du livre d’Édouard Leport laisse songeur. J’en discute plus loin des passages.

Il est problématique aussi que l’auteur prétende dans ce livre parler en tant que chercheur et suite à son travail de thèse. La recherche est une chose, la militance en est une autre. Ainsi que le dénonce Nathalie Heinich : il ne faut pas confondre les arènes. C’est trompeur et inconvenant, à la fois vis-à-vis de la recherche dont le sérieux est foulé aux pieds et vis-à-vis de la militance dont l’honneur devrait être d’annoncer ouvertement la couleur. Le militant masqué, qui diffuse des idéologies sous couvert de recherche, porte tort à la fois à la recherche et à la militance.

L’essentiel du livre d’Édouard Leport consiste à taper sur les associations de défense des pères et sur les pères eux-mêmes, avec des arguments spécieux, des raisonnement douteux ou basés sur des prémisses infondées, avec de nombreux préjugés misandres et patriphobes, avec quelques erreurs qui relèvent de la mauvaise connaissance ou de la mauvaise compréhension de l’objet d’étude. Il m’est de peu d’intérêt d’en faire un résumé. Je me bornerai à lister les principales erreurs, absurdités ou apories dont j’ai pris note. Ayant en ce qui me concerne animé pendant plusieurs années des permanences dans une association de défense des pères, ayant assisté à de nombreuses permanences animées par d’autres militants, j’évoquerai ponctuellement mes propres enseignements de cette expérience en contrepoint de certaines observations que rapporte Édouard Leport.

Notes de lecture

L’objet étant d’étudier les associations de défense des pères, on remarquera tout d’abord l’absence totale de prise en considération d’une question qui pourtant aurait dû être première : la perte de lien père-enfant. Ce drame n’est pas même évoqué. Il s’agit pourtant d’un phénomène massif, comme en témoigne par exemple une publication de l’Institut national d’études démographiques intitulée « Quand la séparation des parents s’accompagne d’une rupture du lien entre le père et l’enfant ». C’est pourtant cette perte de lien qui est le principal déterminant de la création et de l’action des associations de défense des pères. C’est pourtant cette séparation massive de pères de leurs enfants – et d’enfants de leur père – qui constitue la substance active de ce dont le livre parle. Il est surprenant, mais révélateur, que cela soit passé sous silence.

D’ailleurs, Édouard Leport écrit (p. 15) :

« Si ce mouvement a tant d’écho, c’est qu’il pose une question légitime, jugée brûlante par beaucoup, celle de la répartition des tâches domestiques et parentales au sein des couples hétérosexuels. »

Ah ! Mais voilà pourquoi Édouard Leport passe sous silence ce drame d’ampleur sociétale qu’est la perte de lien père-enfant. Pour lui, l’enjeu sociétal ce ne sont pas les enfants, ce ne sont pas les liens familiaux, ce sont les tâches domestiques.

Édouard Leport englobe dans son champ d’investigation des associations qui n’ont rien à voir avec des mouvements de pères :

  • L’Association contre l’aliénation parentale (ACALPA), qui défend les parents rejetés par leur enfant dans un contexte d’aliénation parentale. L’ACALPA n’est en aucun cas une association de pères, ni une association de défense des droits des pères. Sa présidente ainsi qu’environ la moitié de ses membres sont d’ailleurs des femmes.
  • Le Groupe d’Études sur leS SexismeS (GES), qui défend les droits des hommes au sens large et se qualifie de féministe et hoministe. Le GES s’intéresse incidemment à des questions relevant de la paternité mais ce n’est pas là son objet premier, et il ne peut en aucun cas être considéré comme une association de pères.
  • SOS hommes battus, Stop hommes battus, qui sont qualifiées d’« associations pour les droits des pères » (p. 205). Cette qualification est bien évidemment fausse, et absurde : ces associations défendent les hommes battus.

Ce qui pose problème n’est pas le fait qu’Édouard Leport étudie ces associations en sus des associations de pères qui sont l’objet direct de son travail. Le chercheur peut élargir son champ d’investigation, mais à condition d’indiquer et prendre en compte explicitement et précisément le statut de chaque objet d’étude.

Le problème est qu’Édouard Leport intègre ces associations dans ses observations au même titre, sans distinction ni précaution aucune, qu’il le fait pour les mouvements de pères. Il s’agit là non seulement d’une erreur, mais d’une faute professionnelle. Un chercheur ne peut se livrer à un tel amalgame. La collection « Interventions » des éditions de la Maison des sciences de l’homme se targue de publier des ouvrages « rigoureux, exigeants »… No comment.

Tout au long du livre, Édouard Leport accuse les pères de ne pas vraiment souhaiter s’occuper de leurs enfants, mais d’avoir en quelque sorte un agenda caché qui serait de vouloir à travers les enfants s’assurer un pouvoir sur les mères – par exemple, il est question de « relation symbolique d’autorité sur les enfants et de pouvoir sur l’ex-conjointe » (p. 97 ; autre exemple p. 104).

Ainsi, les pères ne souhaiteraient pas vraiment s’occuper de leurs enfants ? Chaque père séparé aurait un objectif inavoué d’exercer un pouvoir sur une femme avec laquelle il ne vit plus depuis parfois longtemps ? Plus parano tu meurs… Dans la même veine, tout au long du livre, les pères (tous mis dans un même sac, soit dit en passant) sont accusés de fuir toute contrainte concernant leurs enfants.

À plusieurs reprises, Édouard Leport accuse les pères d’être principalement motivés par des questions financières. Exemple (p. 100) :

« [Les militants] rappellent avant tout que la pension alimentaire est inversement proportionnelle au temps de résidence de l’enfant, et donc que la résidence alternée permet fréquemment aux pères de ne pas payer de pension alimentaire […] ».

Ces pères coupés de leur enfant, criant leur douleur de séparation d’avec la chair de leur chair, seraient donc en fait motivés par l’argent. Quelle bassesse… Il ne semble pas utile de commenter plus avant ce genre d’attaque en dessous de la ceinture.

Notons cependant qu’Édouard Leport rapporte que les militants conseillent aux pères de « monétiser leurs droits, c’est-à-dire de payer pour voir leurs enfants » (p. 102).

Donc, d’une part, Édouard Leport constate que les militants conseillent aux père de payer pour voir leurs enfants – j’ai moi-même rencontré durant les permanences que j’ai assurées des pères qui avaient payé la mère de leur enfant, parfois des sommes très importantes, pour qu’elle accepte le principe de la résidence alternée. Mais en même temps et d’autre part, Édouard Leport affirme que si les pères demandent à avoir leurs enfants, c’est pour ne pas payer.

Hum… L’articulation logique de l’un vers l’autre ne m’apparaît pas limpide.

Des paroles d’hommes avouant avoir eu des comportements violents sont longuement mises en avant. Mais où sont les paroles d’hommes criant leur amour pour leur enfant et la souffrance de la privation de lien ? De mon expérience d’animateur de permanences, c’est pourtant bien cela qui saute aux yeux. Du moins aux yeux d’un observateur non idéologiquement enclin à percevoir tout parole d’un père à travers un filtre déformant.

Extraits commentés

Édouard Leport écrit : « La solidarité masculine a joué à plein pendant tout ce travail puisque je n’ai jamais été obligé de justifier ma présence ni mon adhésion aux idées du mouvement » (p. 19).

Pur présupposé idéologique de l’auteur, qui attribue aux hommes sans aucune justification une sorte de solidarité de classe. Une chercheuse aurait été accueillie tout aussi bien – Aurélie Fillod-Chabaud devrait d’ailleurs pouvoir en témoigner.


Édouard Leport remarque que « rares sont les associations qui obtiennent des subventions publiques ou privées » (p. 20).

C’est étrange, Édouard Leport n’en tire aucune conclusion. Pourtant cette absence de soutien à des association d’entraide devrait interpeller un sociologue, peut-être même l’amener à interroger la sous-représentation des questions liées à la paternité dans les débats et actions publiques. Mais non, aucune réflexion sur ces sujets dans le livre.


Édouard Leport écrit (p. 25) :

« [Les militants] sont tendanciellement plus diplômés et plus aisés financièrement que la moyenne de la population masculine française. Les caractéristiques socioéconomiques des bénéficiaires semblent être assez proches de celles des militants, bien qu’un peu moins homogènes. ».

Cela ne correspond pas à mon expérience d’animateur. Pendant les nombreuses permanences que j’ai animées ou auxquelles j’ai participé, j’ai rencontré des pères de toutes catégories sociales.


Édouard Leport avoue ses privilèges (p. 27) :

« J’ai conscience de faire partie du groupe social des hommes et donc de bénéficier – volontairement ou non – des avantages que cela représente. Être un homme cisgenre hétérosexuel dans la société française actuelle implique forcément de participer d’une façon ou d’une autre à l’oppression des femmes et des minorités de genre. ».

En prenant pour point de départ le positionnement idéologique que tout homme oppresse les femmes, comment Édouard Leport pourrait-il poser un regard objectif sur les mouvements de pères ? Le regard est d’emblée biaisé.

Édouard Leport poursuit (ibid.) :

« J’étudie donc “les pères” et “les hommes” pour mieux comprendre ces phénomènes et en apprendre plus sur le groupe auquel j’appartiens. Trahir ce groupe dominant pour donner à voir les rouages du système hétéropatriarcal d’oppression peut participer à en saper la légitimité, à les changer, voire à les faire disparaître. ».

On ne saurait être plus clair : Édouard Leport ne se positionne pas en sociologue mais en militant. Elle est loin la neutralité axiologique propre à la recherche scientifique.


Pages 42-43, Édouard Leport nous ressert l’habituelle tarte à la crème misandre pour essayer de faire croire que les pères ne voudraient pas s’occuper de leurs enfants. Le raisonnement (biaisé) est :

  • Les chiffres montrent que dans une grande majorité des cas les parents présentent devant la justice aux affaires familiales une demande conjointe de résidence chez la mère.
  • Les chiffres montrent que les cas de conflit judiciaire où le père demande une résidence alternée tandis que la mère s’y oppose sont statistiquement peu nombreux.
  • Donc une grande majorité des pères ne demandent pas la résidence alternée pour leur enfant.
  • Donc tous ces pères ne souhaitent pas la résidence alternée de leur enfant.
  • Donc les association de père qui se battent pour la résidence alternée ne représentent qu’une minorité de pères.

Ce raisonnement confond demandes judiciaires des pères (demandes qui sont très contraintes par le système judiciaire mais aussi par les conditions économiques, sociales et sociétales dans lesquelles se débattent les pères) et demandes (au sens de souhait et de volonté) des pères de s’occuper de leurs enfants pour peu qu’on leur en laisse la possibilité. Ce raccourci constitue une tarte à la crème, régulièrement servie par des militants ou journalistes patriphobes. Il est bien dommage qu’une publication à vocation scientifique reprenne cette aporie.

Édouard Leport poursuit avec le raisonnement suivant (p. 43) :

  • Prémisse : selon les chiffres, les demandes de résidence alternée faites par le père contre l’avis de la mère et refusées par le juge aux affaires familiales ne concernent que 2,6 % des enfants.
  • Conclusion : céder aux demandes des associations de pères de rendre la résidence alternée prioritaire aurait donc un impact marginal.

Ce raisonnement est absurde. La situation actuelle censure et auto-censure les pères. On peut espérer que rendre la résidence alternée prioritaire créerait un appel d’air. Surtout, le message est : les pères sont éloignés de leurs enfants, c’est très bien ainsi, n’y faisons rien. Si on avait raisonné ainsi pour ce qui concerne les femmes, nous en serions encore au code Napoléon.


Édouard Leport enfonce le clou (p. 51) :

« [Les pères] qui réclament [la résidence alternée] ne risquent rien d’autre que les conséquences concrètes de sa mise en place, à savoir devoir s’occuper de leurs enfants quand ceux-ci résident chez eux. Chose qui semble suffisante pour en rebuter un très grand nombre. »

C’est moi, ou bien le ton est ouvertement méprisant ? Vous avez dit misandrie ?

On notera à ce sujet l’absence de toute discussion des conditions économiques de la résidence alternée. Il faut pourtant pourvoir financer après séparation deux logements suffisamment grands pour y recevoir les enfants. Seules les catégories sociales aisées peuvent se le permettre, particulièrement dans les grandes villes où le logement constitue un poste budgétaire très important. Les conséquences en sont donc très importantes sur l’objet d’étude de Édouard Leport. Lorsque des pères ne demandent pas la résidence alternée, une raison est qu’ils ne le peuvent pas. Faut-il pour autant les mépriser, M. Leport ?


Édouard Leport relaie les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques sur le niveau de vie après séparation (p. 55), sans prendre la peine de les interroger. Ces chiffres sont pourtant fortement biaisés. En effet, l’Institut national de la statistique et des études économiques n’attribue aucune part enfant au parent non gardien. Ce dernier assume pourtant des dépenses, parfois importantes, pour ses enfants. Son niveau de vie étant calculé en faisant comme s’il n’avait pas d’enfants, celui-ci est fortement surévalué. Le métier de sociologue n’impose-t-il pas de vérifier la pertinence des chiffres utilisés ?

Édouard Leport affirme que « dans la majorité des cas, les hommes disposent de ressources et de possibilités suffisantes pour prendre la décision de demander la résidence alternée » (pp. 55-56).

C’est évidemment faux, tellement faux que cette affirmation en est absurde. La résidence alternée nécessite deux logements suffisamment grands pour y accueillir les enfants. Seules les catégories aisées de la population peuvent se le permettre. La réalité est, précisément, que la majorité des parents qui se séparent n’ont pas les moyens d’assurer le surcoût que représente la résidence alternée.


Édouard Leport affirme que les rapports d’enquêtes sociales sont biaisés par leurs présupposée sexistes (sans doute inconscients, mais le biais est là néanmoins) des enquêtrices (pp. 61-62).

Eh bien ! Vous savez quoi, M. Leport ? Ça, je ne vous le fais pas dire !


Édouard Leport combat l’idée qu’un homme serait indispensable dans une famille (p. 63) :

« On sait [c’est moi qui souligne] pourtant aujourd’hui que la physiologie (sexe jugé masculin ou féminin) ne détermine pas le comportement des individus. Un père n’est pas indispensable à son enfant en tant qu’homme […] ».

Ah ! Édouard Leport le sait ! Nous voilà rassurés sur les fondements anthropologiques de cette affirmation – que par ailleurs rien ne vient étayer.


Édouard Leport écrit (pp. 64-65) :

« Les pères qui militent dans les associations étudiées font partie du petit nombre d’hommes mariés et de classes moyennes ou supérieures pris dans des divorces très conflictuels […]. Cette position atypique sous de nombreux aspects invalide l’analyse en termes de discrimination systémique et à grande échelle que soutiennent les associations. »

Vraiment ? Allez, pour rire, reprenons l’argument et écrivons : « Les féministes de la première vague font partie d’un petit nombre de femmes socialement très favorisées. Cette position invalide l’analyse en terme de discrimination systémique. » J’ai bon ? La phrase que je viens d’écrire mérite de figurer en bonne place dans une thèse en sociologie ?


Édouard Leport écrit que « la justice française tend à protéger les prérogatives des pères » (p. 73). Par quels moyens ? Édouard Leport cite le livre du Collectif Onze (ibid.) :

« La fixation massive de la résidence des enfants chez la mère ne constitue pas une victoire féminine […] mais bien la poursuite d’une division sexuée inégalitaire du travail parental. […] Du reste, c’est bien le respect des intérêts du père pour les enfants que le droit et ses professionnels s’efforcent de garantir, en imposant presque toujours, au travers de l’autorité parentale conjointe et de l’organisation du droit de visite et d’hébergement, des limites pratiques à la prise d’indépendance et de pouvoir des mères dans le travail éducatif qu’elles effectuent auprès des enfants. »

Reprenons :

  • Prémisse : la justice fixe massivement la résidence chez la mère. Le père est réduit à un droit de visite et d’hébergement (souvent seulement quatre ridicules petits jours par mois).
  • Conclusion : la justice protège les prérogatives des pères.

C’est énorme ! De la mauvaise foi et de la haine des pères à l’état pur…


Édouard Leport attaque violemment le concept de coparentalité (pp. 74-76 et p. 141) : « mettre les deux parents sur le même plan devant la justice en parlant de coparentalité […] revient à défendre le droit de regard des pères sur la vie des mères ». Édouard Leport ajoute :

« [Les mères] prennent en charge la majorité des responsabilités et des contraintes liées à l’éducation des enfants. Les pères accroissent ainsi leurs prérogatives sans contrepartie. »

Puis :

« Les mères sont obligées de demander l’accord du père pour effectuer des choix sur des tâches qu’il ne prendra pourtant pas en charge, et sont ainsi contraintes d’adapter leur vie à la volonté des pères, même une fois la séparation entérinée. »

On ne saurait être plus clair : Édouard Leport est un militant qui se bat pour l’éviction pure et simple des pères de le vie de leurs enfants… La Maison des Sciences de l’Homme a-t-elle vocation à publier et habiller d’un vernis de scientificité ce genre de parti-pris misandre et patriphobe ?


Édouard Leport parle à propos des discours des associations de pères d’« une réception assez large et bienveillante, comme en témoignent leurs apparitions régulières dans les médias » (p. 77). Ceci bien sûr asséné sans aucune source.

M. Leport a donc comptabilisé le temps de parole et le nombre d’articles favorables aux droits des pères vs ceux dénigrant les pères ? Et, sérieusement, la constatation serait donc que les premiers seraient plus présents dans les médias que les seconds, et qu’ils bénéficieraient d’une réception large et bienveillante ?

Hum… on attend avec curiosité le détail des décomptes comparés.


Édouard Leport accuse les associations de pères de se cacher derrière les droits des enfants qu’ils mettraient en avant (p. 81 et suivantes).

Les droits des pères et les droits de leurs enfants sont concordants. Un enfant a besoin de son père au moins autant que le père a besoin de son enfant. Tenter de les opposer comme le fait Édouard Leport n’est pas honnête. D’autre part, si ces associations en effet affirment que leurs revendications vont dans l’intérêt des enfants, aucune ne cache qu’elle est une association de pères. Il suffit de se rendre sur les sites internet de ces associations ou de lire leur documentation pour constater qu’aucune confusion n’est possible.


Édouard Leport critique « la mise en scène des émotions des hommes et de leur amour paternel » (p. 87)…

Édouard Leport ne fantasmerait-il pas une représentation des hommes présupposés incapables (voire interdits) d’exprimer des émotions ?


Édouard Leport écrit (p. 88) :

« Les associations de droits des pères utilisent donc un groupe social vulnérable [les enfants] pour revendiquer leurs propres droits, et d’un même mouvement le neutralise en tant que voix politique. »

Il parle à ce sujet de « logique d’appropriation et de réorientation de la cause des enfants ».

Rien que ça ?! La précaution méthodologique du scientifique à la recherche de la vérité n’étouffe pas Édouard Leport. Une fois passées les bornes du dénigrement systématique et des envolées lyriques, il n’y a plus de limites…


Édouard Leport écrit (p. 89) :

« […] les pères mobilisés revendiquent d’être plus souvent et/ou plus longtemps en présence de leurs enfants, sans expliciter pour autant qu’“être avec” les enfants est différent de “s’occuper” des enfants. »

Bon, donc, en clair, les pères sont accusés de ne pas vouloir/savoir s’occuper de leurs enfants. Rien que ça ! Et s’ils demandent plus de temps avec leurs enfants, c’est pour les laisser devant la télé ?


Des associations de pères sont accusées de pratiquer « un tri informel fait par les militants, visant à écarter les hommes de classes populaires » (p. 99), Édouard Leport faisant de plus référence à Aurélie Fillod-Chabaud à ce sujet.

J’ai personnellement animé des permanences d’accueils de pères pendant plusieurs années, et j’ai assisté à de nombreuses permanences animées par d’autres militants. Je conteste cette affirmation, qui est complètement fausse dans ce que j’ai pu constater pendant bien plus de séances qu’Édouard Leport et Aurélie Fillod-Chabaud n’ont pu en observer.


Nous avons droit à l’inévitable séquence de dénigrement de l’aliénation parentale (p. 118 et suivantes). L’argumentation d’Édouard Leport est tout sauf rigoureuse : attaque de la figure de l’inventeur du terme du syndrome d’aliénation parentale (le psychiatre américain Richard Gardner – plutôt que d’attaquer le message, Édouard Leport, dans une posture toute en finesse et rigueur scientifique, attaque le messager), élision de plusieurs décennies de recherche (scientifique, celle-là) sur le sujet depuis les travaux premiers de Gardner, affirmations erronées.

Édouard Leport écrit (pp. 120-121) :

« Le syndrome d’aliénation parentale ne concernant que l’enfant et sa mère, les causes du rejet du père par l’enfant ne doivent jamais être cherchées dans le comportement du père. Ce dernier est d’ailleurs complètement absent de la théorie de l’aliénation parentale […]. »

Soyons clair : seul quelqu’un de totalement ignorant de la question de l’aliénation parentale peut écrire une telle ânerie. Dans toutes les caractérisations modernes, un critère premier pour pouvoir parler d’aliénation parentale est, justement, l’absence d’éléments objectifs (par exemple violence ou maltraitance envers l’enfant) pouvant justifier le rejet du parent par l’enfant. On reste ici une fois encore stupéfait que la Maison des Sciences de l’Homme publie un ouvrage comportant de telles contre-vérités, et que cela soit présenté comme adossé à la recherche.

À propos des mouvements des droits des pères et d’aliénation parentale, Édouard Leport parle de « suspicion systématique envers les mères » (p. 132).

Il est cocasse de lire cette formule dans un livre qui n’est de bout en bout qu’une vaste suspicion systématique envers les pères.

L’aliénation parentale est accusée de « défendre les intérêts politiques des oppresseurs en niant les violences perpétrées par les hommes sur les femmes et les enfants » (p. 133).

La moitié des adhérents de l’Association contre l’aliénation parentale étant des femmes, nul doute que ces mères victimes d’aliénation parentale seront édifiées d’apprendre qu’elles défendent les intérêts des oppresseurs…


Édouard Leport écrit (p. 140) : « la famille nucléaire bigénérationnelle et hétérosexuelle [est] une forme d’organisation marginale au regard de l’histoire de l’humanité et de l’anthropologie » – cette affirmation n’étant appuyée d’aucune référence ni accompagnée d’aucune justification.

Emmanuel Todd, historien et anthropologue qui a consacré sa vie de chercheur à l’étude des structures familiales dit précisément le contraire – voir le chapitre 4 de son récent livre Où en sont-elles ?. Ce livre d’Emmanuel Todd, qui est la référence que j’ai sous la main alors que j’écris ces lignes, a certes été publié après celui d’Édouard Leport, mais Emmanuel Todd y reprend les résultats de plusieurs décennies de recherche.

Il paraît quelque peu aventureux de se fendre d’une affirmation aussi discutable, qui plus est sans aucune justification et sans aucune référence à une quelconque source…

Mais j’oubliais que les éditions de la Maison des sciences de l’homme attestent du caractère « rigoureux » et « exigeant » de l’ouvrage. Ouf ! Nous voilà rassurés.


Édouard Leport nous gratifie de l’inévitable tirade sur les tâches domestiques (p. 142 et suivantes), où évidemment on passe sous silence le temps passé à faire bouillir la marmite et le temps passé en transport domicile-travail, où évidemment les femmes font et les hommes ont l’impression de faire. Et Édouard Leport de s’interroger (p. 146) :

« Comment un tel décalage entre les pratiques et les représentations des hommes sur leur implication dans le travail domestique et parental est-il possible ? »

Bref : rien de neuf sous le soleil misandre…


Édouard Leport écrit : « Les associations affirment d’ailleurs accueillir autant de femmes que d’hommes » (p. 182).

Ceci est évidemment faux. Les associations de pères accueillent des femmes, des femmes viennent aux permanences, et quelques-unes s’investissent. Elles sont les bienvenues, mais la majorité des adhérents ainsi que la majorité des personne venant aux permanences est bien sûr largement composée d’hommes. Aucune association à ma connaissance n’a jamais affirmé ce que rapporte Édouard Leport, et si d’aventure une le faisait, cela ne permettrait pas à Édouard Leport d’écrire « les associations affirment… »

Édouard Leport cite l’Association contre l’aliénation parentale en appui à son propos. Je confirme en effet que l’ACALPA accueille environ autant de femmes que d’hommes. Mais l’ACALPA n’est en rien un mouvement de pères.

Utiliser une association hors champ d’étude pour généraliser abusivement et faussement attribuer des propos aux associations étudiées, cela s’appelle tout bonnement une imposture intellectuelle.

Mais zut, voilà que j’oubliais encore que les éditions de la Maison des sciences de l’homme attestent du caractère « rigoureux », « exigeant » et scientifique de l’ouvrage.


Édouard Leport nous gratifie de l’inévitable tirade sur les violences conjugales (p. 200 et suivantes), avec évidemment l’homme toujours coupable vs la femme toujours victime, avec évidemment la minimisation des violences commises par des femmes.

Bref : rien de neuf sous le soleil misandre…

La résidence alternée est accusée de contribuer « à perpétuer les conditions d’existence des violences conjugales » (p. 202), Édouard Leport invoquant l’argument suivant : « En effet, la résidence alternée impose des contacts très réguliers entre les hommes auteurs de violences et leurs victimes. »

C’est absurde. Un droit de visite et d’hébergement dit « classique » comporte deux changements de domicile de l’enfant (c’est-à-dire deux occasions de contact entre les parents) tous les quinze jours. Une résidence alternée sur un rythme à la semaine comporte un changement de domicile de l’enfant par semaine… soit toujours deux tous les quinze jours. Ajoutons que dans tous les cas, si la situation de conflit entre les parents le nécessite, la transition peut facilement être organisée sans que les parents n’aient à se croiser.


Édouard Leport écrit (p. 233) :

« L’un des enseignements que je tire de mon travail est que tant que l’option de déléguer des tâches peu valorisées et peu valorisantes aux femmes existera, les hommes en profiteront. »

Ah ça, vous pouvez le croire ! C’est un chercheur qui le dit, et c’est la Maison des Sciences de l’Homme qui publie ce résultat fondamental de la recherche avec l’argent de nos impôts.

Les papas en danger ?

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helloasso

2 commentaires

Ajoutez un commentaire
  1. Elles disent « balance ton porc »,
    disons « balance Leport » !

  2. Merci pour votre analyse.

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