Questions sur la lutte contre les violences faites aux femmes

Sénat

Bacchi (Jérémy), question d’actualité au gouvernement nº 2144G sur la lutte contre les violences faites aux femmes, adressée à la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances lors de la séance publique du 24 novembre 2021.

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Jérémy Bacchi (© Ségolène Mathieu)

Jérémy Bacchi (© Ségolène Mathieu)

M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en préambule, je tiens à faire part de la solidarité de l’ensemble des membres du groupe CRCE aux populations d’outre-mer, qui luttent actuellement contre la vie chère et contre la fracture républicaine dont elles sont victimes depuis maintenant trop longtemps.

Madame la ministre, le 25 novembre approche, date symbolique de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes.

Ces violences, aggravées par la précarité, laquelle conduit parfois à la marchandisation des corps, existent partout : au sein du domicile familial, sur le lieu de travail, dans la rue ou encore sur internet.

C’est pour dénoncer ces violences qu’une foule immense a défilé à Paris le 20 novembre dernier. Autant de manifestants sont encore attendus samedi à Marseille.

Je sais – vous l’avez expliqué précédemment, madame la ministre – que vous avez tout bien fait ! Malheureusement, les chiffres sont là et ils ne sont pas bons. L’autosatisfaction dont vous faites preuve n’en est que plus indécente.

Durant le confinement, le nombre des appels pour signaler des violences conjugales a triplé et il continue d’augmenter. Le 18 novembre 2021, on dénombrait 101 féminicides, soit déjà 11 de plus qu’en 2020. Au total, 543 femmes ont perdu la vie depuis 2017.

Madame la ministre, quand allez-vous enfin prendre la mesure de la gravité de la situation et mettre en place un véritable plan ambitieux de lutte contre ces violences insupportables ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Exclamations sur diverses travées.)

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

Éric Dupond-Moretti (© D.R.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je pensais qu’il fallait partir, puis revenir, pour avoir droit à une ola, mais ce n’est finalement pas le cas ! (Sourires.)

Monsieur le sénateur Bacchi, puisque vous avez commencé par évoquer la situation en Guadeloupe, je tiens à vous dire que je n’ai pas le sentiment que l’on puisse parler d’une fracture républicaine dans ce territoire.

M. Pascal Savoldelli. De quoi, alors ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Pour le reste, nous avons pris la mesure des violences faites aux femmes et compris l’impérieuse nécessité de lutter contre elles. À cet égard, je vous rappellerai un certain nombre des mesures que nous avons prises, ne vous en déplaise !

D’abord, nous avons déployé dans toutes les juridictions de ce pays des bracelets anti-rapprochement. Dès qu’un tel bracelet est utilisé, la Chancellerie en prévoit immédiatement un nouveau.

Nous avons déployé 3 036 téléphones grave danger, ce qui évite des infractions au quotidien, des plus légères aux plus graves.

Nous avons accéléré la procédure des ordonnances de protection, qui sont aujourd’hui rendues en six jours, soit une accélération de 140 %, monsieur le sénateur.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est grâce au Parlement !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous avons augmenté le budget de la médecine légale de 30 %, cette hausse étant naturellement consacrée aux victimes. Nous avons mis en œuvre le dépôt de plainte à l’hôpital, 80 conventions ayant été signées à ce jour entre les parquets et les hôpitaux. Nous avons augmenté de 25 % le budget de l’aide aux victimes. Nous avons mis en place la réalité virtuelle pour le suivi des auteurs. Nous avons ouvert 27 centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales et 3 autres sont en cours d’ouverture. Nous avons considérablement augmenté les capacités d’hébergement des victimes et des auteurs de violences.

Mme Éliane Assassi. Et les femmes qui sont mortes ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces éléments, monsieur le sénateur, me permettent de vous dire très clairement que nous avons pris la mesure du problème. Bien sûr, notre travail n’est pas terminé ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.

M. Jérémy Bacchi. Je commencerai par vous répondre d’une phrase sur la Guadeloupe, monsieur le garde des sceaux, puisque vous êtes intervenu sur ce sujet : lorsque l’égalité républicaine ne vaut pas partout sur l’ensemble du territoire, y compris dans les outre-mer, je considère qu’il y a une fracture républicaine.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La loi est la même partout !

M. Jérémy Bacchi. Ce que nous demandons, monsieur le garde des sceaux, c’est que soit opéré un véritable virage politique global et qu’un budget ambitieux soit alloué à la lutte contre les violences faites aux femmes, comme l’ont fait d’autres pays européens, à l’instar de l’Espagne. Pas moins de 1 milliard d’euros sont nécessaires !

Un tel budget permettrait l’adoption et la mise en œuvre de la loi-cadre que nous appelons de nos vœux depuis des années, la création d’unités de police spécialisées et surtout formées, un réel accompagnement des victimes, le renforcement de la prévention et la prise en charge des auteurs de telles violences, et ce dès le plus jeune âge.

La France doit être au rendez-vous. À défaut, nous considérerions que, dans ce pays, la condition de millions de femmes vaut malheureusement bien moins de 1 milliard d’euros. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Bravo !


Le Houérou (Annie), question d’actualité au gouvernement nº 2151G sur la lutte contre les violences faites aux femmes, adressée à la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances lors de la séance publique du 24 novembre 2021.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houérou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Annie Le Houérou (© D.R.)

Annie Le Houérou (© D.R.)

Mme Annie Le Houérou. Madame la ministre chargée de l’égalité, à la veille du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, et en approchant de la fin du quinquennat, l’heure est au bilan. À ce jour, plus de 102 femmes ont été tuées en 2021, soit plus qu’en 2020. Selon la dernière étude de la Fondation des femmes, sur dix victimes de violences qui formalisent une demande, quatre n’ont aucune solution d’hébergement. Seulement 12 % des victimes de violences bénéficient d’une place et d’une prise en charge adaptée.

La fédération nationale « Solidarité Femmes » indique que les chiffres sont encore plus alarmants, et qu’il faudrait multiplier par cinq les capacités d’hébergement sécurisé et proposant un accompagnement social, juridique et psychologique pour les femmes et leurs enfants.

Plus de 22 000 femmes auraient besoin d’un hébergement pour sortir des violences, puis d’un logement social. Or, à la fin de 2021, seulement 7 820 places d’hébergement étaient disponibles, soit 1 500 de plus qu’en 2018. C’est mieux, mais c’est très insuffisant pour ce qui avait été déclaré grande cause de ce quinquennat.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes pointe aussi du doigt un manque alarmant de places d’hébergement spécialisées, non mixtes et sécurisées.

La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a publié un rapport intitulé Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité. Ma collègue Marie-Pierre Monier en est l’une des auteures. Ce rapport indique que 50 % des féminicides ont lieu en zone rurale, alors que seulement 35 % des femmes y vivent, et alerte sur la nécessité de prévoir des places d’hébergement d’urgence dans les zones rurales.

L’éviction du conjoint violent, associée à l’ordonnance de protection et au téléphone grave danger, sont des avancées, mais ces mesures ne suffisent pas. Madame la ministre, partagez-vous ce bilan et ces évaluations ? Quelles réponses proposez-vous pour l’hébergement et le logement social qui soient à la hauteur des besoins de ces femmes et de ces enfants en danger ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Élisabeth Moreno (© D.R.)

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Annie Le Houérou, nous savons combien l’hébergement est un élément essentiel dans le processus de sortie des violences conjugales. C’est pourquoi Emmanuelle Wargon et moi-même nous sommes beaucoup mobilisées sur cette question depuis le début de ce quinquennat.

Justement, nous avons tenu lundi une réunion avec des bailleurs sociaux, des administrations et des associations en charge de l’hébergement et du relogement des femmes victimes de violences. Il s’agit du comité de suivi dont la création avait été décidée en mai, pour suivre précisément l’évolution du nombre de places d’hébergement.

Sur cette question des places d’hébergement, vous avez raison, nous partons de très, très loin. Même si nous avons augmenté de 60 % le nombre de places d’hébergement depuis 2017, cela n’est malheureusement pas suffisant, parce que les efforts précédents n’ont pas été à la hauteur des attentes. (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Nous avons créé, depuis 2020, une capacité de 2 000 places supplémentaires d’hébergement, non mixtes et réservées aux femmes victimes de violences et à leurs enfants. À la fin de 2021, nous disposerons de 7 800 places réservées aux femmes victimes de violences et à leurs enfants. Entre octobre 2019 et septembre 2021, nous avons attribué plus de 20 000 logements sociaux aux femmes victimes de violences, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2017.

Certes, il faut rester humble, parce qu’il y a encore beaucoup de choses à faire. Mais on ne peut nier les efforts réalisés et les progrès accomplis depuis 2017.

C’est pourquoi Emmanuelle Wargon et moi-même continuons de travailler sur ce sujet pour aller encore plus loin. Nous avons mis en place un véritable plan pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’hébergement et le logement.

Ce plan s’appuie sur deux axes. D’une part, nous allons former, dès le premier trimestre 2022, tous les centres d’hébergement qui accueillent des femmes au repérage et à l’accompagnement des victimes. D’autre part, nous allons faciliter l’accès au logement social pour les femmes victimes de violences.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Sur le logement social, nous allons continuer à progresser et nous ferons en sorte que toutes les femmes qui ont besoin de fuir les foyers où elles subissent ces violences puissent trouver un lieu où elles se sentent protégées.

Je vous remercie de votre question.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houérou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houérou. Actons ensemble, madame la ministre, avec la modestie qui s’impose, que, malgré votre engagement, cette grande cause du quinquennat n’a pas été portée à la hauteur des besoins. Nous devons mobiliser des moyens plus larges pour éradiquer ce fléau, qui tue tous les trois jours. (Applaudissements sur les travées des groupes SER.)

Mise à jour du 25 novembre 2021

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