Filleul (Martine), question orale nº 1739S au ministre de la Justice sur le déploiement des bracelets anti-rapprochement [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 25 S (Q), 24 juin 2021, pp. 3901-3902].
Mme Martine Filleul attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la politique de déploiement des bracelets anti-rapprochement pour lutter contre les violences conjugales dans notre pays.
À la suite du Grenelle sur les violences conjugales, depuis décembre 2020, le bracelet anti-rapprochement, outil permettant l’éloignement des conjoints et ex-conjoints violents, s’est généralisé à tous les tribunaux judiciaires métropolitains et ultramarins.
Malheureusement, depuis 2019, les violences conjugales et féminicides se multiplient. Selon le collectif « Féminicides par compagnons ou ex », 49 féminicides ont été recensés en 2021.
Dans de nombreuses affaires, comme le féminicide de Mérignac commis le 4 mai 2021 ou celui d’Hayange le 25 mai 2021, un homme qui purgeait une peine pour violences conjugales n’avait jamais été équipé de ce dispositif.
Dans une déclaration de juin 2021, les procureurs ont demandés des moyens supplémentaires pour lutter contre les violences conjugales et notamment la création d’un assistant spécialisé ou d’un juriste assistant dédié à cette cause. Ces créations de poste seraient nécessaires pour vérifier, par exemple, qu’une mesure d’interdiction d’entrer en contact est bien respectée ou de prescrire un bracelet si ce n’est pas encore le cas.
Depuis l’adoption de ce dispositif, la France possède 1 000 bracelets mais une poignée est portée par des conjoints violents. Ce bracelet est une réussite dans d’autres pays, comme l’Espagne, où aucune femme n’a été agressée à la suite de la mise en place d’un bracelet anti-rapprochement.
Elle souhaite connaître la position du Gouvernement sur le déploiement des bracelets anti-rapprochement afin que la lutte contre les violences conjugales devienne efficace.
Réponse du secrétariat d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, chargé de la Jeunesse et de l’Engagement, lors de la séance publique du 7 octobre 2021.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question nº 1739, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Martine Filleul. Ma question s’adressait à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, qui, à l’évidence, n’a pas pu lui non plus être présent aujourd’hui.
Depuis 2019 et, plus récemment encore, depuis la crise sanitaire, les violences conjugales et les féminicides se multiplient : on en dénombre 7 dans le Nord en 2020 et déjà 86 à l’échelon national pour l’année en cours.
À la suite du Grenelle des violences conjugales, le bracelet anti-rapprochement permettant l’éloignement des conjoints et ex-conjoints violents devait être généralisé à tous les tribunaux. La France en possède 1 000, mais une poignée seulement est ordonnée par la justice à destination des conjoints violents.
Dans les affaires de Mérignac et d’Hayange, les hommes condamnés pour violences conjugales n’avaient jamais été équipés de ce dispositif. À la suite de ces événements, M. le garde des sceaux a déclaré que ces bracelets n’avaient pas vocation à rester dans les tiroirs. Pourtant, selon les chiffres, dans le Nord, seuls 32 bracelets anti-rapprochement ont été déployés, principalement à Douai.
Par ailleurs, au mois de juin dernier, les procureurs ont demandé des moyens supplémentaires pour lutter contre les violences conjugales, notamment la création d’assistants spécialisés ou de juristes dédiés à cette cause. Ces postes seraient nécessaires par exemple pour vérifier qu’une mesure d’interdiction d’entrer en contact est bien respectée ou pour prescrire un bracelet anti-rapprochement, si tel n’est pas encore le cas.
Quand M. le garde des sceaux donnera-t-il à la justice les moyens nécessaires pour que les femmes victimes puissent être protégées de leur agresseur de façon effective ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice, M. le garde des sceaux, qui ne peut malheureusement pas être parmi vous aujourd’hui, m’a transmis sa réponse.
Les violences intrafamiliales sont un véritable fléau. Le 27 septembre dernier, 414 mesures d’équipement d’un bracelet anti-rapprochement ont été prononcées, alors qu’il n’y en avait que 55 à la fin du mois de mars. En Espagne, plus de 1 000 dispositifs ont été déployés en dix ans.
Certes, 414 bracelets anti-rapprochement en moins d’un an en France, ce n’est pas encore suffisant, mais cela reste un encouragement fort. Depuis le début du déploiement de la mesure, on dénombre 426 demandes d’intervention des forces de sécurité intérieure au déclenchement d’une alarme, qui ont permis d’éviter des crimes.
Il faut rappeler que ce dispositif est déployé de manière opérationnelle dans toutes les juridictions, mais que son attribution dépend des décisions de l’autorité judiciaire.
Par une dépêche du 27 mai dernier, le garde des sceaux a expressément invité les parquets à renforcer la mise en œuvre du bracelet anti-rapprochement.
D’autres dispositifs ont aussi été déployés pour assurer la protection des victimes de violences conjugales.
Le téléphone grave danger est ainsi largement mis en œuvre par les parquets. Actuellement, 2 514 téléphones sont déployés, dont 1 768 sont actifs, et nous venons de décider de porter leur nombre à 3 000, soit une augmentation de plus de 60 % en un an. C’est un instrument de protection efficace. En 2020, il y a eu 1 185 déclenchements des forces de sécurité intérieure à la suite d’une alerte.
Par ailleurs, le nombre d’ordonnances de protection est en constante augmentation. En 2020, 3 254 ordonnances de protection ont été délivrées, contre 1 388 en 2017. Comme la question des moyens est également essentielle, le garde des sceaux a décidé de prévoir des emplois supplémentaires spécifiques pour traiter les violences conjugales, madame la sénatrice. Très concrètement, 61 juristes assistants seront déployés sans délai et pour trois ans, ainsi que 106 agents de catégorie A, avec un contrat de quatre mois, renouvelable en cas de besoin.
Je peux vous garantir, madame la sénatrice, que le Gouvernement est déterminé à lutter efficacement et pied à pied contre ce fléau. Il mettra pour cela en œuvre tous les moyens nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Je vous remercie de ces précisions, mais j’aurais aimé avoir des informations sur ce qui se passe précisément dans le département du Nord, où la situation est alarmante. Les moyens n’y sont pas à la hauteur de la situation, qui est gravissime.
En tant que parlementaires, nous manquons d’informations sur ce qui est effectivement fait par la justice pour lutter contre ce fléau. J’attends donc des informations complémentaires.
Mise à jour du 8 octobre 2021
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 97 S (C.R.), 8 octobre 2021, pp. 8947-8948]au format PDF (3.36 Mo, 3 p.).