Rossignol (Laurence), question orale nº 1806S au ministre de la Justice sur l’agrément aux associations spécialisées dans l’aide aux femmes victimes de violences [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 37 S (Q), 23 septembre 2021, p. 5401].
Mme Laurence Rossignol attire l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, à la suite du vote de la loi nº 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a modifié la législation relative aux associations d’aide aux victimes avec l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2020 de l’agrément pour les associations assurant une mission d’aide aux victimes d’infractions pénales.
Alors que l’égalité entre les femmes et les hommes, qui ne pourra advenir qu’à la condition d’une lutte efficace contre les violences systémiques commises à l’encontre des femmes, a été déclarée grande cause du quinquennat par le Président de la République, elle s’étonne du refus du ministère de la justice d’accorder l’agrément aux associations spécialisées dans l’aide aux femmes victimes de violences. Plusieurs centres d’information pour les droits des femmes et des familles (CIDFF), forts d’une expertise de plus de 45 ans en matière d’information sur les droits, d’accompagnement des femmes victimes de violences et d’accompagnement vers l’emploi, se sont en effet vu refuser leur demande d’agrément, lequel est désormais réservé aux seules associations généralistes.
Le Gouvernement a déjà été interpellé sur la nécessité de modifier l’article D. 1-12-2 du code de procédure pénale afin de permettre l’agrément par le ministère de la justice des associations spécialisées dans l’aide aux femmes victimes de violences ; les conséquences néfastes qu’aura et qu’a déjà cette nouvelle réglementation sur l’accompagnement des femmes victimes de violences sont connues. Les associations telles que les CIDFF, qui ont construit des partenariats avec les juridictions pour l’animation de permanences juridiques et pour l’accompagnement des bénéficiaires de dispositifs tels que les évaluations personnalisées des victimes (EVVI), les ordonnances de protection, les téléphones grave danger (TGD) ou encore les bracelets anti-rapprochement, sont essentielles pour ces femmes, d’autant plus au regard des derniers féminicides qui ont révélé des failles dans la mise en œuvre des dispositifs sur le plan local.
En conséquence, elle lui demande si le Gouvernement est prêt, comme le demande la fédération nationale des CIDFF, à modifier l’article D. 1-12-2 du code de procédure pénale afin de permettre l’agrément par le ministère de la justice des associations spécialisées dans l’aide aux femmes victimes de violences.
Réponse du secrétariat d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de la jeunesse et de l’engagement, lors de la séance publique du 7 octobre 2021.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question nº 1806, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Laurence Rossignol. Je souhaite attirer l’attention du garde des sceaux sur ce qu’on peut appeler un loupé dans la mise en œuvre de la loi du 23 mars 2019 et de ses décrets d’application concernant les associations d’aide aux victimes.
Le décret d’application de la loi de 2019 prévoit que seules les associations généralistes peuvent bénéficier d’un agrément pour accompagner les victimes d’infractions pénales. En conséquence, des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), qui sont indispensables et expérimentés dans l’accompagnement des victimes de violences, se voient refuser l’agrément au motif que seules les associations généralistes peuvent l’obtenir.
C’est à mon sens – je l’espère, du moins – un véritable loupé de légistique. Le garde des sceaux entend-il réparer rapidement cette erreur et permettre aux CIDFF d’exercer la mission qui est la leur depuis plus de quarante ans ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la sénatrice Rossignol, vous l’avez dit, les centres d’information sur les droits des femmes et des familles sont des associations dont l’expertise et le travail sont évidemment reconnus par tous, en particulier par le ministère de la justice et l’ensemble des partenaires. D’importantes subventions sont chaque année allouées à ces structures par le ministère de la justice.
Il est exact que, au regard des critères actuellement en vigueur, les associations spécialisées dans la prise en charge des femmes victimes ne peuvent pas obtenir l’agrément du ministère de la justice, le texte prévoyant que, pour être agréée, l’association doit être en mesure de proposer à toute personne victime d’une infraction pénale qui en fait la demande une prise en charge globale et pluridisciplinaire – l’association, comme vous l’avez dit, doit être « généraliste », madame la sénatrice.
Le fait que les associations spécialisées ne puissent pas obtenir un agrément les prive effectivement de la possibilité de réaliser des évaluations et d’offrir un accompagnement personnalisé aux victimes alors même qu’elles ont une véritable expertise.
Madame la sénatrice, j’irai droit au but : au vu de cet état des lieux, le garde des sceaux vous annonce qu’il a demandé à ses services de travailler à une solution juridique qui, tout en permettant aux associations déjà agréées de conserver leur agrément et d’exercer les missions qui leur sont actuellement confiées, autorisera les parquets à saisir les associations spécialisées en matière de violences faites aux femmes pour réaliser des évaluations personnalisées des victimes et pallier ainsi les difficultés que vous avez clairement décrites.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Si je comprends bien la réponse du garde des sceaux, les CIDFF en particulier pourront rapidement se voir de nouveau attribuer l’agrément pour accompagner les femmes victimes de violences conjugales et intraconjugales. (Mme la secrétaire d’État acquiesce.)
Je vous remercie de bien vouloir dire de ma part au garde des sceaux que c’est une bonne idée. Je souhaite ensuite que le Parlement soit rapidement informé de la publication des décrets d’application afin que les associations puissent en être informées à leur tour.
Mise à jour du 8 octobre 2021
Question archivée [Journal officiel de la République française, édition « Débats parlementaires – Sénat », nº 97 S (C.R.), 8 octobre 2021, p. 8948] au format PDF (3.35 Mo, 2 p.).