Proposition de loi thérapies de conversion : auto-détermination versus protection de l’enfant

Communiqué de presse des Juristes pour l’enfance

Juristes pour l’enfance

Un peu avant minuit, l’Assemblée nationale a adopté hier la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

Le texte doit maintenant passer au Sénat pour une seule et unique lecture.

Ce texte est annoncé pour lutter contre les « thérapies de conversion » décrites par la rapporteure Laurence Vanceunebrock comme s’entendant des « exorcismes, retraites, stages de guérison, séances d’humiliation, hypnose, traitements par électrochocs, prescription d’anxiolytiques, d’antidépresseurs, injection d’hormones, ou encore mariages forcés, séquestration, privation de nourriture, coups et violences viols, et même excision » (Assemblée nationale, séance du 5 octobre 2021).

Mais le texte adopté n’a pas repris cette liste et a volontairement adopté une rédaction beaucoup plus large et floue, à savoir les « pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne ».

Alors qu’aucun témoignage de pratiques telles que listées ci-dessus n’a été recueilli, au sujet de l’identité des genres, par les députés à l’origine de la proposition de loi lors de leur mission d’analyse, l’ajout de cette notion d’identité de genre dans la proposition de loi est controversé.

L’identité de genre renvoie au ressenti profond de la personne, qui peut se sentir homme, femme, aucun des deux, tantôt l’un, tantôt l’autre. Un tel ressenti est subjectif et peut être mouvant, changeant.

Pendant l’enfance, et surtout à l’adolescence, les questionnements liés à l’identité, au genre sont classiques, et font partie des multiples questionnements qui sont le propre de ces âges.

Avec le texte adopté par l’Assemblée hier, pourra-t-on encore recueillir les confidences d’une personne, et surtout d’un jeune, ses interrogations, ses doutes, si les paroles prononcées, les conseils donnés peuvent ensuite être considérés comme visant à modifier ou réprimer son identité de genre ?

Les parents qui refuseraient la transition sociale ou médicale demandée par leur enfant ou adolescent tomberont-ils sous le coup de la loi nouvelle ? Par exemple, les parents qui refuseraient la mastectomie (ablation des seins) demandée par leur fille de quinze ans vont-ils aller en prison pour avoir réprimé son identité de genre ?

Contrairement à ce qui a été prétendu hier dans l’hémicycle, la mastectomie est pratiquée en France : une députée a ainsi rappelé en séance que le docteur Lætitia Martinerie, endocrinologue à l’hôpital Robert Debré, a expliqué lors d’un congrès en mars 2021 que la mastectomie est « maintenant largement pratiquée avant l’âge de 18 ans. Et notre plus jeune l’a eu à 14 ans ».

La question de la possibilité des parents de refuser de tels actes sur leur enfant a été posée plusieurs fois, très clairement, à la rapporteure Laurence Vanceunebrock qui n’y a pas répondu.

Par ailleurs la rapporteure a soutenu que l’expression « dysphorie de genre » était une « notion de nature psychiatrique pour laisser percevoir la transidentité, ou l’inadéquation entre identité et genre de naissance, comme pathologique, de telle sorte qu’il faudrait l’éradiquer. On peut qualifier les pratiques en ce sens de thérapies de conversion ».

Les parents qui voient le symptôme d’un trouble dans la demande de leur fille de quinze ans de se faire enlever les seins, ou dans la conviction de leur garçon de six ans d’être une fille, pourraient se rendre coupables de thérapie de conversion du seul fait de voir dans ces demandes quelque chose de pathologique, et de chercher en conséquence à aider leur enfant à accepter son corps de garçon ou de fille et à s’y sentir bien au lieu d’engager leur enfant dans un processus de transformation de son corps, mutilant et irréversible, que cet enfant pourrait regretter plus tard.

En outre, alors qu’un amendement était proposé pour alourdir les peines, la rapporteure Laurence Vanceunebrock a donné un avis défavorable, pour ne pas retenir des peines trop lourdes qui pourraient dissuader les victimes d’agir contre leurs parents pour « juste des propos ou juste quelque chose de minime ».

Si le but réel du texte est d’envoyer en prison des parents qui tentent d’aider leur enfant en souffrance liée à son genre pour « juste des propos ou juste quelque chose de minime », ce texte n’a plus rien à voir avec l’objectif annoncé et doit être dénoncé comme une atteinte grave à l’autorité parentale, à la liberté d’expression et à la prise en charge psychothérapeutique des enfants présentant une dysphorie de genre.


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