Petite chronique de jurisprudence administrative : actes usuels de l’autorité parentale

Cour administrative d’appel de Marseille (© Dominique Milherou)

La cour administrative d’appel de Marseille a rendu aujourd’hui un arrêt en matière de relations entre l’institution scolaire et les parents d’élèves qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.

En l’espèce, un juge aux affaires familiales avait fixé en avril 2018 la résidence d’un enfant né en septembre 2011 chez son père, au Luc-en-Provence. Le père de l’enfant avait alors demandé à l’administration scolaire de radier son fils de la liste des élèves de l’école qu’il fréquentait à Hyères-les-Palmiers, où résidait la mère, afin de permettre sa scolarisation dans un nouvel établissement scolaire proche de chez lui.

La mère avait aussitôt informé par courrier la directrice de l’école d’Hyères-les-Palmiers qu’elle s’opposait à ce changement d’école, mais en vain. Elle avait alors demandé en mars 2019 au tribunal administratif de Toulon d’annuler les deux décisions par lesquelles l’enfant avait été radié de l’école qu’il fréquentait et avait été inscrit dans une autre. Le tribunal administratif de Toulon avait fait droit à sa requête en décembre 2020 et annulé les deux décisions au motif que, la mère de l’enfant ayant fait part de son désaccord, l’administration avait méconnu l’article 372-2 du code civil. Le tribunal administratif de Toulon avait par ailleurs enjoint au recteur de l’académie de Nice de procéder à la réinscription de l’enfant dans son ancienne école.

Le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports avait alors interjeté appel du jugement. La cour administrative d’appel de Marseille a fait droit aujourd’hui à sa requête et annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon. Voici l’essentiel de la décision, dont certains détails nous semblent mériter d’être cités in extenso :

« 2. Aux termes de l’article L. 131-5 du code de l’éducation nationale dans sa rédaction applicable à la date des décisions contestées : “Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire définie à l’article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d’enseignement public ou privé, ou bien déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille. […]

« 3. Il résulte des dispositions de l’article 372-2 du code civil que chacun des parents peut effectuer des actes usuels à l’égard d’un enfant sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant et qu’aucun élément ne permet à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent. »

« 4. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 6 septembre 2018 par laquelle la directrice de l’établissement scolaire Anatole France à Hyères-les-Palmiers a radié l’enfant […] de cette école et la décision du 24 octobre 2018 par laquelle l’inspecteur d’académie a inscrit cet enfant au sein de l’établissement scolaire René Char au Luc-en-Provence a été prise postérieurement au jugement du 30 avril 2018 par lequel le juge aux affaires familiales de Toulon avait fixé sa résidence habituelle auprès de son père au Luc-en-Provence. Dans ce jugement, le juge aux affaires familiales a également dit que l’autorité parentale à l’égard [de l’enfant] est exercée conjointement par les parents et fixé à 80 euros par mois la contribution à l’entretien et à l’éducation [de l’enfant] due par [la mère au père]. Le juge aux affaires familiales a par ailleurs accordé à la mère un droit de visite et d’hébergement en principe libre, et à défaut d’accord, d’une part, pendant les périodes scolaires, à chaque fin de semaine paire du vendredi à la sortie des classes au lundi matin à la rentrée des classes, ainsi que chaque milieu de semaine du mardi à la sortie des classes au jeudi matin à la rentrée des classes et, d’autre part, pendant les vacances scolaires durant la moitié des vacances scolaires, la première moitié les années paires et la seconde les années impaires. Ce jugement, rendu au vu d’une expertise médico-psychologique de la relation parents/enfants ordonnée par jugement du 23 mars 2017, a été confirmé par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 23 mai 2019, en tant qu’il fixait la résidence de l’enfant chez son père ainsi que s’agissant des modalités du droit de visite et d’hébergement de la mère. Dans les motifs de son arrêt, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a notamment indiqué, s’agissant de la décision du juge aux affaires familiales de fixer la résidence de l’enfant chez son père, qu’aucun “des éléments du dossier ne démontre que les conclusions de l’expert soient fondées sur des omissions, erreurs et fausses affirmations (…). En outre, la Cour relève que malgré le jugement du juge aux affaires familiales du 30 avril 2018 exécutoire, qui fixe la résidence de l’enfant chez le père, [la mère] a tenté de régulariser, sans l’accord de celui-ci, une inscription scolaire dans un établissement situé dans le ressort de sa résidence et s’est opposée à son inscription au Luc en Provence ce qui démontre une fois encore sa volonté de nier les droits du père (…)”. Il résulte de ce qui précède que le jugement du juge aux affaires familiales de Toulon en date du 30 avril 2018 fixant la résidence de l’enfant chez son père impliquait implicitement mais nécessairement sa scolarisation à proximité de celle-ci au Luc-en-Provence. Dès lors, nonobstant le désaccord de [la mère] quant à la radiation de son fils […] de l’école Anatole France à Hyères-les-Palmiers et son inscription au sein de l’établissement scolaire René Char au Luc-en-Provence, manifesté notamment par un courrier du 5 mai 2018 à la directrice de l’école Anatole France à Hyères-les-Palmiers, et en l’absence d’accord des deux parents [de l’enfant] sur ce point, l’administration, à laquelle il incombait d’assurer l’inscription de cet enfant dans une école, n’a commis ni erreur de droit ni erreur d’appréciation, notamment au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, en procédant, sur la demande de son père, à sa radiation de l’école située à Hyères-les-Palmiers et à son inscription au Luc-en-Provence, conformément au jugement du 30 avril 2018 du juge aux affaires familiales de Toulon. »

Références
Cour administrative d’appel de Marseille
6e chambre
Lecture du 27 septembre 2021
Arrêt nº 21MA00570

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