Lors de son audience publique de ce 14 septembre 2021, la Cour de cassation a rendu un arrêt qu’il nous paraît intéressant de signaler à l’attention de nos lecteurs.
En l’espèce, une femme avait demandé le divorce en 2013, en raison de l’infidélité de son mari et de l’abandon par icelui du domicile conjugal. Elle avait obtenu une ordonnance de non-conciliation l’année suivante. Ayant entrepris de « refaire sa vie » en 2018, alors que la procédure n’était pas achevée, la cour d’appel d’Orléans avait considéré qu’elle avait elle aussi commis un adultère et le divorce du couple avait été prononcé aux torts partagés en décembre dernier. La cour d’appel d’Orléans avait en outre condamné l’ex-épouse à verser cinquante mille euros de prestation compensatoire à son ex-mari, dont le niveau de vie était moins élevé.
Contestant cette décision, l’ex-épouse avait formé un pourvoi en cassation. Son avocate – Isabelle Zribi – avait demandé à cette occasion le renvoi au Conseil constitutionnel de deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« 1º/ L’article 270 du code civil en ce qu’il prévoit l’octroi, par l’un des époux et de manière générale, d’une prestation destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, et ce, sans limite de temps quant à la période pour laquelle cette compensation sera opérée et en n’encadrant pas suffisamment les conditions d’octroi et de refus de cette prestation et en ne l’assortissant ainsi d’aucune garantie suffisante, méconnaît-il le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?
« 2º/ L’article 270 du code civil en ce qu’il prévoit l’octroi, par l’un des époux et de manière générale, d’une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives méconnaît-il la liberté de mettre fin aux liens du mariage garantie par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? »
La première chambre civile de la Cour de cassation a refusé aujourd’hui de transmettre ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, aux motifs qu’elles n’étaient pas nouvelles et ne présentaient pas un caractère sérieux :
« 7. L’article 270 du code civil, seul visé, régit, en ses deuxième et troisième alinéas, la décision judiciaire d’allouer ou non une prestation compensatoire. En ce qu’il tend à la reconnaissance éventuelle d’un droit de créance, il n’entre pas dans le champ d’application de l’article 17 de la Déclaration de 1789, faute de privation du droit de propriété au sens de cette disposition, mais reste soumis aux exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789, selon lequel les limites apportées à l’exercice du droit de propriété doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi (Conseil constitutionnel, 12 novembre 2010, nº 10-60 QPC, § 3).
« 8. Les limites apportées à la liberté de mettre fin aux liens du mariage, découlant des articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, et justifiées par l’intérêt général doivent également être proportionnées à l’objectif poursuivi (Conseil constitutionnel, 29 juillet 2016, nº 2016-557 QPC, § 5).
« 9. Or, d’abord, les dispositions critiquées ont pour finalité d’assurer la protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable, objectif dont la valeur a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision nº 2011-151 QPC du 13 juillet 2011 (§ 6).
« 10. Ensuite, s’il résulte du deuxième alinéa de l’article 270 du code civil que l’octroi de la prestation compensatoire, en son principe, dépend du constat de la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, laquelle s’apprécie au moment du divorce et selon l’évolution des ressources, charges et patrimoines des époux dans un avenir prévisible, la prestation est, après un débat contradictoire sur son principe et son montant, décidée par le juge qui en fixe le montant au regard des critères de l’article 271 du même code et peut, aux termes du troisième alinéa de l’article 270, refuser de l’accorder si l’équité le commande, soit en considération des critères prévus à l’article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. Dès lors, compte tenu des conditions et garanties procédurales encadrant l’octroi de la prestation compensatoire, l’atteinte portée à l’exercice du droit de propriété et à la liberté de mettre fin aux liens du mariage par les dispositions contestées apparaît proportionnée à l’objectif poursuivi. »
- Références
- Cour de cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 14 septembre 2021
Nº de pourvoi : 21-12128
Arrêt archivé au format PDF (101 Ko, 3 p.).
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