La loi nº 2021-1109 de ce jour, confortant le respect des principes de la République, comporte notamment deux séries de dispositions pour renforcer les droits des héritiers réservataires : elle rétablit un droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France et impose aux notaires une obligation d’information renforcée.
L’article 24, I-1º, de la loi instaure un droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France au profit des enfants lésés par l’application d’une loi successorale étrangère, en complétant l’article 913 du code civil par l’alinéa suivant :
« Lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. »
L’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l’abolition du droit d’aubaine et de détraction avait déjà institué un tel droit de prélèvement compensatoire permettant aux cohéritiers français de prélever « sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ». Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré ce texte contraire à la Constitution en ce qu’il méconnaissait le principe d’égalité devant la loi entre héritiers étrangers et français, entraînant son abrogation (décision nº 2011-159 QPC du 5 août 2011). La Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République a pensé pouvoir échapper à une nouvelle censure de ce nouveau droit de prélèvement :
« Ce prélèvement compensatoire concerne tous les enfants, héritiers réservataires, venant à la succession, peu importe leur nationalité. La présente proposition ne réserve en effet pas le prélèvement aux seuls héritiers français ou ressortissants d’un État membre. Le principe d’égalité devant la loi apparaît ainsi respecté. »
On relève cependant que, même si elles sont élargies à l’Union européenne, des conditions de nationalité ou de résidence sont toujours exigées. Les auteurs du rapport sus-cité semblent aussi préjuger de la conformité du nouveau dispositif au droit européen, notamment le Règlement (UE) nº 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen…
L’article 24, I-2º, de la loi met par ailleurs à la charge du notaire chargé du règlement de la succession une obligation renforcée d’information spécifique à l’égard des héritiers réservataires, en complétant l’article 921 du code civil par l’alinéa suivant :
« Lorsque le notaire constate, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné et connu, individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. »
La Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République a ainsi expliqué cette disposition :
« Il s’agira ainsi, pour le notaire, d’informer, lors d’un entretien individuel, l’héritier réservataire de ses droits lors du règlement de la succession, de s’assurer du caractère libre et éclairé de son consentement en cas de renonciation et d’éviter que l’héritier réservataire subisse des pressions de la part de la fratrie, de donataires ou de légataires, lorsqu’il devra effectuer son choix de demander ou non la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible.
[…]
« Aucune forme n’étant exigée par le texte, la preuve de l’information pourra être apportée par tout moyen, par exemple en faisant signer aux héritiers une reconnaissance de conseil donné ou une consultation. »
L’article 24, II, de la loi précise que ces nouvelles dispositions entreront en vigueur « le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi » et qu’elles s’appliqueront « aux successions ouvertes à compter de son entrée en vigueur, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt avant cette entrée en vigueur ».
Les restrictions apportées par cette loi au droit des parents d’instruire leurs enfants en famille ont déjà fait l’objet de nombreuses publications sur notre site et nous ne pensons pas utile de répéter ici les critiques très argumentées qui ont été émises à l’encontre de ce texte liberticide. Rappelons simplement ici que l’article 49 substitue au régime de déclaration un régime d’autorisation de l’instruction dans la famille à compter de la rentrée scolaire 2022. Relevons aussi, une fois de plus, l’éloquent silence des associations prétendant défendre les « droits des pères » sur un sujet au cœur de l’autorité parentale…
Mise à jour du 25 août 2021
Texte de loi archivé (Journal officiel de la République française, nº 197, 25 août 2021, texte nº 1) au format PDF (482 Ko, 47 p.).